Glossaire inauguré fin décembre 2022, en vue de la refonte 2023.
Depuis mars 2023 (#intersexuation), je rédige chaque définition dans une page spéciale du dossier “Glossaire”, dont le contenu est ensuite incrusté ci-dessous. Ceci permet d'afficher une date de dernière révision, de suivre l'affinage de chaque entrée plus facilement, et aussi de remonter aux utilisations du terme. Les définitions antérieures ne sont déplacées qu'à l'occasion de remaniements majeurs.
L’abduction est une troisième forme du raisonnement logique, introduite par le philosophe et sémiologue américain Charles Sanders Peirce (1839-1914) :
L’ethnographe* utilise l’abduction constamment sur le terrain, dès qu’il prétend déceler une loi sociologique générale derrière une observation particulière. Normalement il doit l’inscrire sur la page de gauche de son carnet (qui reçoit aussi ses états d’âme), afin de bien dissocier entre les faits et leur interprétation.
L'abduction est un « prolongement latéral des composants abstraits de la description » (voir l’entrée explication), dont Gregory Bateson souligne l’importance dans toutes les épistémologies du monde vivant : c'est ce qui permet les sauts d'apprentissage, la mutation des espèces, les découvertes scientifiques…
L'abduction, une éthique batesonienne de la pensée
Le Principe Dormitif (symptôme d'une préférence excessive pour l'induction)
L’abduction dans La Nature et la Pensée (lien direct pp. 149-151).
L’abduction et le processus d'enquête.
(…) / Glossaire
Concept philosophique proposé par Jasbir Puar, théoricienne queer états-unienne, pour palier l’insuffisance du concept d’intersectionnalité*.
Le concept est initialement développé par Gilles Deleuze et Félix Guattari (parmi les premiers lecteurs en France de Bateson et de son écologie mentale*), en lien avec leur réflexion sur le désir :
« tout désir est formé au sein d'un agencement, c'est-à-dire une multiplicité de singularités matérielles concrètes. Tout désir est désir d'un contexte, désir dans un contexte. Tout objet de désir enveloppe en réalité une multiplicité ». (Wikipedia)
Le concept rejoint la notion de configuration* chez l’historien Norbert Elias - qui s’inspire lui aussi de la schismogenèse* batesonienne. Bref, tout ça semble aller dans le bon sens, apparaît compatible avec la conception batesonienne de la structure* (pattern), donc j’adopte !
Aussi bien dans la Bible hébraïque que dans les Évangiles ou le Coran, les rapports entre Dieu et l'humanité sont énoncés en termes d’alliance , centrées sur des figures prophétiques*. C’est dans ce cadre conceptuel que les traditions monothéistes s’opposent les unes aux autres, certaines alliances étant considérées comme obsolètes, d’autres étant considérées comme inventées.
Les tensions de cette matrice monothéiste* ayant été le moteur de l’histoire des sciences*, elles restent décelables dans les situations du monde contemporain - notamment la situation ethnographique (alliance d’enquête*).
Dans la méthodologie de l’enquête ethnographique, l’alliance d’enquête désigne les personnes rencontrées sur le terrain, qui s’investissent personnellement pour que l’enquête aboutisse. On trouve aussi le terme « informateurs », remontant à l’ethnographie coloniale, où le rapport était fondé sur une rémunération monétaire. Mais à l’ère postcoloniale*, l'allié s'investit aussi en tant qu'indigène*. Il faut expliciter ce que chacun y trouve : l’analyse des alliances d’enquête est une étape obligée, pour toute enquête qualitative prétendant à une forme de rigueur scientifique.
Faute d'accord sur l'explicitation de l'alliance d'enquête - comme entre Ziad et moi - on retombe sur l'Alliance* au sens monothéiste…
En grec « science de l’homme » : discipline au sein des sciences sociales*, autrefois spécialisée dans l’étude des sociétés sans écriture (dites aussi « primitives »), dont la caractéristique reste aujourd’hui de fonctionner par dépaysement.
Autres entrées pertinentes :
• ethnographie (la méthode de terrain)
• ethnographie multisite (ou circumstantial activist)
• ethnologie (l'érudition universitaire)
• anthropologie de l'islam (un fait social total)
• anthropologue-musulman (l'approche que je revendique)
• anthropologie batesonienne (l'écologie mentale)
• sociologie (synonyme de sciences sociales)
• philologie (l'antidote du paradigme sociologique)
• philosophie (un rituel identitaire européen)
L’anthropologie de l’islam est l’institution qui promeut l’étude de l’islam* en tant que fait culturel, en l’extrayant artificiellement du fait culturel monothéiste*, seule entité vraiment pertinente anthropologiquement.
L’anthropologie de l’islam est une fiction historique, qui traite l’islam au même niveau logique que les Indiens d’Amérique ou les Aborigènes, comme si l’Europe* avait rencontré l’islam lors des Grandes Découvertes du XVIe siècle ou l’expansion coloniale du XIXe.
L’anthropologie de l’islam est une erreur épistémologique profonde, qui se ramène à une erreur de type logique* : on fait comme si on pouvait faire l’anthropologie de l’islam, sans faire l’anthropologie de l’anthropologie elle-même.
L’anthropologie de l’islam est une tendance, étroitement liée à la disgrâce de la tradition Orientaliste et au rôle des sciences sociales dans le nouvel ordre postcolonial* : un « fait social total »* propre à notre époque, dans lequel les différents instituts de recherche tentent de se positionner tant bien que mal.
L’anthropologie de l’islam est cette institution qui se réclame de l’islam pour ne pas faire d’anthropologie, et de l’anthropologie pour ne pas écouter les musulmans.
(Voir aussi l'entrée : Anthropologue-musulman)
J’ai été guidé vers l’islam* par la pratique de l’anthropologie*, et je n’ai abouti à une anthropologie satisfaisante (batesonienne)* qu’avec la conversion à l’islam. Mais tout ça est lié au fait que j’étais sur un terrain musulman. Donc je ne réduis pas l’islam à l’anthropologie, et je ne réduis pas l’anthropologie à l’islam. J’insiste simplement pour que ce cheminement, qui m’est propre, soit entendu et respecté : qu’on ne me demande pas de choisir entre la sincérité de ma foi et la sincérité de ma démarche intellectuelle.
Je nomme anthropologue-musulman (avec un tiret) cette condition qui me distingue :
Anthropologue-musulman. Une défense intellectuelle de l’islam et de la laïcité
(texte de décembre 2018)
(…) / Glossaire
Au sens premier, l’archéologie est l’étude des traces de vie humaine dans un passé lointain sans écriture, un passé pré-historique. C’est une branche de l’anthropologie*, dans la mesure où l’interprétation de ces traces s’appuie nécessairement sur une réflexion plus large, ayant pour objet l’homme dans sa généralité.
Depuis le travail de Michel Foucault (1926-1984), le mot est utilisé en sciences sociales dans un sens figuré : faire l’archéologie d’un mot ou d’une institution, c’est reconsidérer les conditions sociales et historiques qui l’ont amené à exister. Cette archéologie travaille sur un sol métaphorique : un passé qu’on suppose enterré, et qu’il s’agit d’exhumer. Remarquons aussi que la perspective devient ici régressive : elle prétend étudier le sous-sol sans démolir le bâtiment.
Que ces deux sens coexistent au sein des sciences sociales, sans qu’on prenne vraiment le temps d’interroger leur contradiction, c’est peut-être un indice de la faiblesse actuelle de l’anthropologie, et plus certainement encore d’un désintérêt pour le fait monothéïste*. Quoi qu’il en soit, l’archéologie au sens foucaldien est un outil indispensable pour l’étude du monde contemporain. Le plus souvent j’utilise le terme dans ce sens-là.
Page Wikipedia sur Michel Foucault
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Fondé sur l’héritage théorique de l’anthropologue* britannique Gregory Bateson (1904-1980), aussi appelé écologie de l’esprit.
L’analyse batesonienne est le produit d’une trajectoire intellectuelle atypique, qui part de la biologie pour aboutir à la cybernétique* et l’épistémologie*, en passant par les études culturelles, les sciences sociales, la psychiatrie et la psychologie de l’apprentissage.
• Son point de départ est toujours l’anatomie comparée : une pratique de description par analogie et homologie*, forgée par l’observation du vivant, à partir d’une connaissance de la Création à la fois encyclopédique et incorporée, caractéristique de la biologie du XIXe siècle (avant sa réduction* par la génétique).
• Son point d’arrivée est toujours la reprise informationnelle et dynamique d’un phénomène mental* (voir la notion d’esprit - mind), qui se garde de tout réductionnisme par la prise en compte de la structure qui relie*.
L'objectif de ce site est de développer une appréhension batesonienne de l'histoire des idées dans l'aire culturelle monothéiste*, permettant de repenser la neutralité intellectuelle laïque dans la France contemporaine et le monde contemporain.
Dossier Gregory Bateson (1904-1980)
(…) / Glossaire
Binarisme sexuel : habitude d’opposer les hommes et les femmes, et parfois les masculinités entre elles (« toxique » ou « équilibrée »), selon une logique d’essentialisation. Je reprends à mon compte l’expression du féminisme militant, qui m’apparait pertinente (voir binarisme de genre sur Wikipedia).
Mais contrairement à la plupart de ces militants (et aussi à leurs adversaires), je ne crois pas que la société yéménite relève du binarisme. En effet, le binarisme me semble étroitement lié au modèle des deux sexes (Thomas Laqueur) et au dualisme* épistémologique (voir glossaire), tandis que les Yéménites ordinaires vivent manifestement sur le modèle du sexe unique.
Cette critique du binarisme, je l’applique plutôt au regard de l’observateur sur la société yéménite - c'est le coeur de ma démarche.
Lorsqu'il proclame son fameux cogito ergo sum - généralement traduit par « Je pense donc je suis » - René Descartes efface d’un trait cette idée implicite dans toutes les cultures traditionnelles : la connaissance commence lorsque plus de deux personnes s'accordent sur ce qui est considéré comme vrai. Que Descartes et Louis XIV soient tombés d’accords, dans un moment historique donné, ne saurait invalider pour toujours cette contrainte fondamentale…
Les effets épistémologiques s'analysent en termes de dualisme*.
Système d'exégèse qui consiste à interpréter la Bible de manière à la mettre en accord avec les résultats des sciences intéressées (géologie, préhistoire, histoire).
Définition du Larousse, applicable aussi à l'islam.
23:14 “L’embryologie” coranique
L'abduction, une « structure logique » de la guidance ? (atelier islam)
Voir aussi l'entrée : incarnation*
(…) / Glossaire
« Quatre hommes assis autour d’une table pour jouer aux cartes forment une configuration (…) : le déroulement du jeu découle des interpénétrations des actes d’un groupe d’individus interdépendants. (…) »
L’historien et sociologue Norbert Elias (1897-1990) développe cette notion comme une réponse au problème des rapports entre individu et société :
« [Voilà un] outil conceptuel maniable (…), [qui] s’applique aussi bien aux groupes relativement restreints qu’aux sociétés formées par des milliers ou des millions d’êtres interdépendants (…) à l’aide duquel on peut desserrer la contrainte sociale qui nous oblige à penser et à parler comme si “l’individu” et “la société” étaient deux figures différentes et de surcroît antagonistes. » (Qu'est-ce que la sociologie?, pp. 156-158)
Le concept est en partie inspiré de Gregory Bateson, dont Elias est un lecteur attentif, en particulier de la notion de schismogenèse* proposée dans Naven en 1936. Le terme anglais est figuration - traduction de l’allemand figuration - mais la notion est très proche de pattern (mal traduit en français par « structure »*) qui prendra une place centrale dans l’oeuvre ultérieure de Bateson (« The pattern which connects »GB5). C’est peu ou prou la même idée.
Voir également la notion d’agencement* mobilisée dans le champ des études intersectionnelles*, attribuée à Deleuze et Guattari - mais Bateson est derrière aussi. Il s'agit dans tout les cas d'une approche génétique des phénomènes sociaux.
La connexion Bateson - Norbert Elias
Rompre avec la configuration postcoloniale (section Méthodo)
(…) / Glossaire
Relatif au texte révélé de l’islam et aux pratiques associées de lecture, de mémorisation, d’incorporation et finalement de récitation - sens originel de la racine arabe qa-ra-’a.
Dans la section Méthodo de ce site, les termes coranique et ethnographique* forment un couple. Je parle ainsi d’écriture coranique comme on parle d’écriture ethnographique, c’est-à-dire les pratiques d’écriture mises en œuvre par l’anthropologue-musulman* (supposé occidental*) dans sa propre langue (plutôt porteuse d’une civilisation de l’écrit), afin d’appréhender une situation d’énonciation donnée (qu’il s’agisse d’un « terrain » ou du texte révélé).
Je parle de critique batesonienne - plutôt que théorie batesonienne - afin de laisser de côté les aspects les plus positifs de son œuvre (voir la notion d'esprit*), qui ont déjà transformé notre monde à travers la cybernétique*, souvent pour le pire.
La critique batesonienne porte essentiellement sur le primat excessif accordé à l’induction* dans les sciences occidentales.
« Par cumulativité d’une science, on entend la possibilité d'intégrer les résultats d'un grand nombre d'observations et d'expériences dans l'unité d'un modèle susceptible de les déduire. » (Jean-Michel Berthelot, via Google).
LIENS ?
Notion étroitement liée aux fameuses conférences Macy organisées à New York entre 1942-1953 - dont Gregory Bateson* fut l’un des membres fondateurs et le principal représentant pour les sciences sociales.
Le terme est repris du grec kubernêtikê (κυβερνητική), que Platon utilise pour désigner l’art de piloter un navire. Il est choisi en 1947 par le mathématicien Norbert Wiener (participant desdites conférences) pour désigner cette posture d’analyse nouvelle portée sur l’étude des rétroactions. Il est ensuite popularisé par la science-fiction des années 1950 et 1960 - passablement décrédibilisé aussi… - et subsiste finalement surtout dans des mots composés comme synonyme d’informatique : cyberespaces, cybermonnaies, cybersécurité…
Pour autant, l'université* était déjà en elle-même un système cybernétique…
Par révolution djihadiste, je désigne le tournant théologique qui s’opère au XVIIIe siècle sous la plume de Mohammed ben Abdelwahhab (1704-1792), rendant licite le djihad contre des musulmans de croyances non-conformes à l’orthodoxie sunnite.
En l’occurrence, il s’agissait de combattre l’influence Ottomane dans la Péninsule arabe. Mais le prédicateur des Saouds va bien au-delà dans son argumentation : il se justifie par l’apparition d’une incroyance de type nouveau, faisant implicitement référence à la révolution scientifique européenne, alors en plein essor. Cette « révolution djihadiste » s’enracine donc dans une conjoncture épistémologique générale. Sa centralité dans le monde contemporain n’est pas un accident de l’Histoire, lié à la découverte du pétrole, à la protection américaine et à la manne financière accordée aux Saoudiens.
La révolution féministe* prend ses racines à peu près dans la même période - on pense à Olympe de Gouges (1748-1793). Deux révolutions en miroir l’une de l’autre, les deux versants d’une conjoncture épistémologique sous-jacente, liée aux impasses du cartésianisme*.
La « double contrainte » est une hypothèse avancée par Gregory Bateson en 1956, dans sa période de collaboration avec la psychiatrie, afin d’expliquer la schizophrénie. Elle désigne une situation insoluble où une personne est soumise à deux pressions contradictoires, exercées à des niveaux logiques différents.
Un exemple classique de double contrainte ordinaire est le « Sois naturel ! », lancé à une personne qui se sent mal à l’aise (donc incapable d’obéir naturellement à l’ordre d’être naturelle…). Si la personne est prisonnière de cette situation, dans l'incapacité de méta-communiquer* à son sujet (comme c'est le cas notamment pour les enfants et dans le cas de certaines relations hiérarchiques), elle peut être tentée de répondre à un autre niveau encore - en faisant de l’art ou de la poésie, par une créativité apparemment débridée, parce qu’inscrite dans une situation que l’entourage ne décèle plus.
Le dualisme, c’est essentiellement le fait de croire que les modèles de la physique s’appliquent à autre chose qu’aux boules de billards (cartésianisme*). Ou plutôt c’est une caractéristique de la vision du monde qui en découle. Et comme l’ensemble des disciplines modernes ont emprunté ce chemin-là…
Tendance à concevoir le monde comme fondamentalement double dans sa structure, avec une sphère des idées et une sphère de la matière, un être humain écartelé entre le corps et l’esprit, entre nature et culture, etc..
Pour Gregory Bateson, le dualisme doit être pensé et traité comme une pathologie de l’épistémologie*, caractérisée par un primat excessif accordé à l’induction sur les autres formes de raisonnement, et conduisant à l’erreur chronique du concret mal placé…
Si la lutte contre le dualisme est aujourd’hui de mise dans toutes les disciplines, Bateson prend le parti de désigner l’ennemi : l’œuvre philosophique de René Descartes (1596-1650) et peut-être la philosophie elle-même (voire la France…), où il situe l’une des sources principales de la pathologie dualiste. C’est un fait que dans l’histoire des sciences, la révolution mathématique dont Descartes est le nom (l’algébrisation de la géométrie) ne pouvait mener qu’à une inflation d’habitudes intellectuelles dualistes, grâce notamment aux fameuses coordonnées cartésiennes…
Ne pas confondre avec la notion de binarisme (sexuel) - même si les deux sont liés historiquement.
Traduction de l'anglais Ecology of mind, dans une première réception française (Félix Guattari) de l'ouvrage publié par Bateson en 1972, Steps to an ecology of mind. En 1977, les éditeurs français ont préféré traduire par « Vers une écologie de l'esprit », car le mot mind* recouvre ici un concept à part entière (voir l'entrée correspondante). Mais quand on cherche à appliquer la pensée batesonienne* aux questions de laïcité, le mot « esprit » est une sacrée épine dans le pieds…
⇒ La notion d'esprit chez Bateson
Ouvrages de Gregory Bateson
(…) / Glossaire
« Les processus de développement de l'embryon envisagés, à chaque stade, dans leurs relations avec le statu quo ante. » (définition de Bateson, tirée du glossaire de La nature et la pensée)
L'épigenèse de l'œuf de grenouille
Décrire ma main (citations de Gregory Bateson)
Penser en termes d'épigenèse (dossier “Matrice Monothéiste”)
Voir également l'entrée : matrice monothéiste*
(…) / Glossaire
« En tant que science, l’épistémologie étudie comment les organismes isolés et les ensembles d’organismes connaissent, pensent et décident. En tant que philosophie, elle étudie les limites nécessaires et les autres caractéristiques des processus de connaissance, de pensée et de décision. » (repris du glossaire de La Nature et la Pensée, p.234).
Indépendamment de la science ou de la philosophie, on utilise aussi le terme comme synonyme de « culture », pour désigner les épistémologies locales qu’étudient les anthropologues. Mais Gregory Bateson, revisitant sa formation initiale de biologiste à partir de sa discipline d’adoption (l'anthropologie), s’est progressivement montré sensible au monde vivant en tant qu’Épistémologie (qu’il propose d’écrire avec un É majuscule).
Dans les deux cas, on se rapproche alors du terme épistémé, souvent utilisé par les philosophes et les historiens des sciences mais dans un sens plus vague et intellectualiste, contre lequel Bateson entre en résistance. La notion batesonienne d’esprit (mind)* peut s’entendre comme une conception non-dualiste* de l’épistémé - mais elle comporte en français des connotations « spiritistes » assez fâcheuses. Donc pour ma part j’utilise l’adjectif épistémique, et bien dans un sens batesonien.
[mental pointe ici également]
[batesonien pointait ici jusqu'à 08/2024]
« Le mot “esprit” (mind), dans l'acception batesonienne, désigne ici le système constitué du sujet et de son environnement. S'il y a de l'esprit (comme chez Hegel), ce n'est ni à l'intérieur ni à l'extérieur, mais dans la circulation et le fonctionnement du système entier. »
Note du traducteur dans l'édition de 1977.
Notion à travers laquelle Gregory Bateson a tenté, vers la fin de sa vie, d’opérer la synthèse des différentes disciplines traversées au cours de sa carrière :
Gregory Bateson - Critères du processus mental
Extrait de La Nature et la Pensée, pp.97-98
1. Un esprit est un ensemble de parties, ou composants en interaction.
2. L'interaction entre les parties d'un esprit est déclenchée par la différence (…).
3. Le processus mental requiert de l'énergie collatérale.
4. Le processus mental requiert des chaînes de détermination circulaires (ou plus complexes).
5. Dans les processus mentaux, il faut considérer les effets de la différence comme des transformations (c'est-à-dire des versions codées) d'événements qui les précédaient. (…)
6. La description et la classification de ces processus de transformation révèlent une hiérarchie de types logiques immanente aux phénomènes.
Je montrerai que les phénomènes que nous appelons pensée, évolution, écologie, vie, apprentissage et autres ne se produisent que dans des systèmes qui obéissent à ces critères.
Erreur qui consiste à attribuer les propriétés d’une chose à son essence, plutôt qu’aux relations dans lesquelles cette chose est prise. Aussi appelée « erreur de réification » ou « erreur du concret mal placé », elle est étroitement liée au problème du dualisme* entre l’esprit et la matière.
Autrefois, l'ethnographie désignait la collecte écrite des « faits de culture », par différents types d'acteurs de terrain : érudits locaux, missionnaires ou administrateurs coloniaux. Cette conception est progressivement remise en cause, dès la révolution Malinowskienne des années 1920, qui prône l'immersion du chercheur-théoricien en personne.
Aujourd'hui, l’ethnographie désigne plutôt une démarche expérimentale, conçue pour palier l’insuffisance des sources écrites dans l’approche d’un univers social donné (ethnos), à travers l’engagement personnel du chercheur qui tient son journal (graphein).
Notons que le Yémen n'est évidemment pas une société sans écriture. Il n'a été concevable d'y exporter la méthode ethnographique qu'en vertu de la décrédibilisation terminale des traditions orientaliste et ethnologique*, mais aussi des réactions nationaliste et islamiste - fiasco incarné par les attentats du 11 septembre 2001. La démarche aboutit assez logiquement à la redécouverte du fait monothéiste*.
Autrefois cantonnée à l’étude des sociétés exotiques ou du folklore, l’ethnographie est aujourd’hui le lieu privilégié d’une réflexion sur les sciences sociales et leurs fondements empiriques.
L’adjectif « ethnographique » a donc deux sens :
Les mots ethnologie et anthropologie sont des synonymes, qui désignent couramment la même discipline universitaire.
Avec une nuance subtile cependant :
Dans le contexte français, le mot ethnologie a donc une connotation culturaliste. Il est utilisé par des chercheurs et des laboratoires qui veulent souligner l'importance de l'érudition par aires culturelles, contre une conception plus « politique », centrée sur les enjeux sociaux et l'engagement réflexif du chercheur, de plus en plus à la mode.
⇒ Typiquement, l'ethnologie est revendiquée par les départements universitaires qui doivent défendre l'existence d'un cursus spécifique face aux disciplines concurrentes (sociologie, histoire, sciences politiques, géographie…). À l'inverse dans les institutions transdisciplinaires (EHESS, ENS), on se réclame plutôt des sciences sociales et de l'ethnographie*. Quant au mot anthropologie*, on le laisse au Collège de France car le mot impressionne (il suggère une exigence philosophique qui n'a plus vraiment cours…).
La division hiérarchique du travail scientifique, selon Claude Levi-Strauss
(encore défendue en France dans les premières décennies d'après-guerre)
1- L'ethnographie* : la collecte des « faits de culture » ;
2- L'ethnologie : synthèse des données à l'échelle d'une aire culturelle ;
3- L'anthropologie* : synthèse plus générale effectuée depuis Paris par un universitaire, généralement philosophe de formation.
Cette conception n'est vraiment remise en cause en France qu'après l'essoufflement du paradigme structuraliste, avec l'essor des critiques féministes et postmodernes (linguistic turn), étroitement liées aux Décolonisations. Elle reste cependant défendue par les partisans de l'ethnologie.
Concernant ma propre démarche, au départ j'avais clairement choisi mon camps : contre une conception « ethnologique » de la discipline (Nanterre, Aix-en-Provence), et pour une conception plus « politique » (ENS, EHESS), ce dont le choix de Taez découlait directement. Aujourd'hui j'ai plus de respect et d'intérêt pour ces approches, du fait de mes déboires avec ce que j'ai appelé ironiquement « l'anthropologie de l'islam »*.
Soulignons l'existence d'une dimension ethnologique des sciences islamiques, depuis l'origine : inhérente à la fascination des élites abbassides pour l'Arabie tribale, et dont l'érudition orientaliste constitue le prolongement. Là encore, l'antidote réside dans l'épistémologie* et les sciences sociales, pas dans la pensée dite « décoloniale »*, ou dans un délire de persécution généralisé.
En tant que « zone culturelle » (comme disent les anthropologues), l’Europe doit être clairement distinguée du christianisme. Les historiens s’accordent à dater l’émergence d’un sentiment européen autour de l’An Mille : avec les Croisades (dont les chrétiens de Constantinople font les frais autant que les musulmans) et avec la fondation des premières universités (au nord et au sud de la Méditerranée).
Du point de vue de la genèse historique*, l’Europe doit être définie comme une mutation de la chrétienté latine en contexte islamique - i.e. survenue à une époque où l’Islam* est à son rayonnement civilisationnel maximum. La science historique n’a aucun doute là dessus, même si cette réalité prend à rebours tous les récits construits depuis la Renaissance, qui fondent notre identité.
L’Europe est une entité qui - un peu comme un Bernard l’Ermite - s’invente une filiation imaginaire à une autre culture, la Grèce antique, dont elle ne sait pourtant lire les textes qu’à travers les sources arabes. C’est dans cette affaire - la fameuse « transmission arabe d’Aristote » - que se scelle le destin européen, beaucoup plus que dans la partition de l’Empire Romain (IVème siècle), comme le racontent les livres d’école. L’Europe est le nom de cette condition épistémique très spécifique, qui ne concerne même pas nos voisins orthodoxes (eux n’ont jamais cessé de lire les textes grecs…), dans laquelle nous sommes les seuls à être vraiment pris.
Voir aussi l'entrée #Occident
Le monde propre du Bernard-l'ermite
Poutine et "l'Empire du Mensonge"
(…) / Glossaire
« Expliquer, c'est cartographier les éléments d'une description sur une tautologie »
Gregory Bateson, La Nature et la Pensée (1979), p.90.
Cette définition de l’explication, abordée en tant que phénomène biologique et cognitif, permet à Bateson de construire un pont entre sciences physiques et sciences du vivant, c’est-à-dire entre explication classique et explication cybernétique.
L'entrée Tautologie du glossaire
L'explication cybernétique, selon Gregory Bateson
(…) / Glossaire
Valeur essentielle chez tout homme ou femme décent, consistant à faire droit à la pudeur autant qu'à la fierté dans son comportement. En cela, le féminisme est apparenté au sens de l'honneur*, bien que cette filiation nous ait été rendue étrangère par le cartésianisme*, par l'expérience de l'absolutisme monarchique puis de l'État moderne.
Par révolution féministe, j'entends l'ensemble des présupposés méthodologiques auxquels s'adossent la pratique des sciences sociales féminisées, notamment la réflexivité* ethnographique. Sous l'angle de l'anthropologie historique et de l'épistémologie, cette révolution a partie liée avec la révolution djihadiste*.
Le hanbalisme est l’une des quatre écoles classiques du droit musulman sunnite, la dernière dans la succession chronologique après le hanafisme (qu’on pratique en Turquie), le malékisme (en Afrique du Nord) et le chaféisme (en Égypte, Yémen et océan indien). Majoritaire dans les pays du Golfe, le hanbalisme est la tradition de Mohammed Bin Abdelwahhab (1703-1792), théologien co-fondateur de l’Etat saoudien, et aussi d’un grand réformateur médiéval de Damas, Ibn Taymiyya (1263-1328).
Cette école est réputée la plus rigoriste, laissant le moins de marge à l’effort rationnel dans l’énonciation du droit. De fait elle est fondée par l’imam Ahmed Ibn Hanbal (780-855), héros de la résistance à l’Inquisition du Calife Al-Ma’mun (fondateur de la Maison de la Sagesse), qui entendait imposer à tous les oulémas de l’Empire une conception philosophique de l’islam, le mu’tazilisme.
De nos jours, beaucoup d’intellectuels modernistes prétendent remettre en cause la centralité du hanbalisme dans la tradition sunnite. Ils considèrent comme allant de soi que le hanbalisme n’a rien apporté aux sciences, et que l’islam lui-même se porterait mieux sans Ahmed Ibn Hanbal. Que serait-il advenu de l’histoire des sciences si l’Inquisition mu’tazilite avait réussi ? Drôle d’idée tout de même - mais ont-ils seulement les moyens d’y réfléchir sérieusement ?!
: « En biologie et en systémique, l’homéostasie est un phénomène par lequel un facteur clé (par exemple, la température) est maintenu autour d'une valeur bénéfique pour le système considéré, grâce à un processus de régulation. Des exemples typiques d'homéostasie sont : la température d'une pièce grâce à un thermostat, la température du corps d'un animal homéotherme, le taux de sucre sanguin, le degré d'acidité d'un milieu, la pression interne d'un milieu, etc. Plus globalement, on désigne aussi par homéostasie la capacité globale d'un système à maintenir tout un ensemble de tels facteurs clés, notamment chez un organisme vivant. »
Les traditions monothéistes peuvent être considérées comme des systèmes homéostatiques (matrice monothéiste*).
Voir aussi l'entrée : cybernétique* (étude des rétroactions)
Bateson et l'Évolution
(…) / Glossaire
Il y a eu un « moment homoérotique » des études sur le Moyen-Orient dans le monde universitaire occidental, moment qu’on peut situer entre le 11 septembre 2001 et les révolutions de 2011, chez des auteurs qui tentaient de pointer là l’origine diffuse d’un blocage démocratique supposé. Appliqué à des comportements ou à une esthétique, l'adjectif permettait de suggérer un lien avec la notion moderne d'homosexualité*, sans pour autant se prononcer quant à son caractère avéré.
Je me suis inscrit dans ce courant au début de ma thèse (2005-2006). J'ai conservé ce terme après 2007, mais sans la moindre insinuation et dans le cadre d’une approche interactionniste plus rigoureuse, juste comme synonyme de : homosexualité de l’observateur.
Rétrospectivement, je perçois une filiation avec la notion d'« homosexualité refoulée », liée à l'hypothèse psychanalytique de la « sexualité infantile ».
⇒ voir de préférence l'entrée intersexuation.
En biologie de l’Évolution, l’homologie est une ressemblance formelle entre deux espèces, liée à une filiation commune (par exemple, entre le bras de l’homme et la nageoire d’un dauphin).
Elle s’oppose à l’analogie, ressemblance formelle dans l’usage, indépendante d’un héritage évolutif commun (par exemple, entre la main de l’homme et la trompe de l’éléphant).
La subtilité des rapports entre homologie et analogie a joué un rôle central dans l’histoire de la biologie, quelque peu relégué depuis l’essor de la génétique et de la biochimie. Elle continue d’occuper une place centrale dans l’épistémologie batesonienne, que j’applique pour ma part à l’étude de la matrice monothéiste (analogies comportementales et homologies des figures prophétiques).
Personne cherchant à instaurer des rapports sexuels avec des personnes de même sexe.
Remarque 1 : Au moment où j'adopte cette identité, il est question de ma vie en France, de sa mise en conformité avec mon expérience au Yémen (et non l'inverse).
Remarque 2 : En lien avec mon questionnement sur la nature du lien social à Taez, cette définition insiste sur l’intentionnalité (« cherchant à instaurer ») et sur l'aspect interactionnel : quelque chose dans ma configuration subjective, que le partenaire de l’interaction peut ressentir et légitiment rejeter. C'est précisément ce qui m'intéressait sur le terrain, ce qui éclairait les blocages dont je faisais l'expérience, que je ne savais pas nommer autrement.
L'homoérotisme* a été le « noeud dans le mouchoir »GB2 de mon travail dans la période 2006-2007. Mais l'homosexualité pointait dès l'origine quelque chose de plus profond : une part d’idolâtrie (shirk)* dans la pratique des sciences sociales - absolument pas propre aux « homosexuels » - et c'est à ce titre que j'en reparle aujourd'hui.
Voir également l'entrée #intersexuation
Pierre Bourdieu décrit Le sens de l'honneur, dans l'une de ses « études kabyles » (1965), comme la combinaison dialectique de :
Cette présentation a joué un rôle crucial dans mes premières études, et s'est naturellement intégrée aux perspectives systémiques que j'ai développé ultérieurement.
En physique : propriété d’un système ou d’un matériau dont l’état dépend de l’histoire des sollicitations auxquelles il a été soumis, ou du sens de variation de ces sollicitations (notamment dans les phénomènes d’aimantation - voir le modèle d’Ising*).
En sociologie : cette notion est une pierre angulaire de la théorie de l’habitus chez Pierre Bourdieu, où elle désigne une dimension irréversible du processus de socialisation.
Noter que l’islam a théorisé, à travers une tradition attribuée au Prophète, la manière dont les différentes religions du livre « christianisent » et « judaïsent » les jeunes enfants, en les éloignant de leur « intuition primordiale » (fitra) de l’islam. Le processus n’est cependant jamais irréversible, « pour peu qu’il y ait la volonté d’Allah ».
L’islam détient-il effectivement un monopole sur la réversibilité des processus sociaux ? La sociologie ne semble pas pressée de répondre à la question - peut-être par effet d’hystérésis…
Hystérésis
Habitus_(sociologie)
Hadith : « Tout enfant naît dans l’état de prime nature »
Comment je suis devenu Batesonien (2021)
Dans les traditions monothéistes, l’idolâtrie désigne le culte rendu à l'image d'un dieu (peinture, statue, idole…) comme si elle était le dieu en personne.
En islam, l’idolâtrie correspond à la notion de shirk (شرك), ou péché d’association : le fait d’associer à Dieu une autre entité, afin de lui vouer un culte compatible avec ses propres passions. On lui oppose le tawhîd (توحيد), un effort d’unification des pratiques d’adoration dans la perspective du Dieu unique.
Au deuxième siècle de l’islam, le christianisme traverse la crise iconoclaste : une profonde crise politique et existentielle, portant sur le caractère licite de la vénération des images. Face aux défaites militaires contre les Arabes, plusieurs dirigeants se laissent convaincre que l’Empire s'est attiré la colère de Dieu. Mais finalement, le deuxième concile de Nicée (787) impose dans l’orthodoxie le caractère licite des images, en les reliant à la notion d’incarnation. Bien entendu, les livres d’histoire racontent cette crise sans la relier à la concurrence spirituelle musulmane, mais comme une « crise de maturité » autonome du christianisme, que l’islam devrait nécessairement traverser à son tour…
Il n’en demeure pas moins que l’image en elle-même ne suffit pas à faire science - sans critique épistémique des représentations, débouchant sur une forme d’unification théorique. Ce principe est singulièrement mis à mal dans les sciences sociales de l’ère postcoloniale tardive*.
Dans le dogme chrétien, l'Incarnation désigne communément l’affirmation, tirée de l’Évangile selon Jean, selon laquelle « le Verbe [divin] s'est fait chair [en Jésus-Christ] » ( Jn 1:14).
Dans le Coran, ce point du dogme chrétien est relativisé : Jésus est toujours qualifié comme « le mot de Dieu » kalimat Allah (versets 3:45 et 4:171), mais surtout dans le sens où Dieu à voulu sa conception par Son verbe (3:59), sans que cela implique une quelconque incarnation de Dieu dans la personne de Jésus (voir 3:60 ou 5:116).
Par contre dans l’orthodoxie sunnite, le Coran lui-même est considéré comme la parole incréée de Dieu. En ce sens je crois pouvoir dire (investigation toujours en cours…) que les deux religions partagent le dogme de l’incarnation, à ceci près que le christianisme l’applique à Jésus, tandis que l’islam sunnite l’applique au texte coranique - Mohammed n'étant pour sa part qu'un messager.
Ce n'est pas le même dogme mais, sous l'angle de la philosophie*, le problème posé n'est pas fondamentalement différent, selon que Dieu s’incarne dans le corps du christ ou dans une parole incréée. De fait, cette continuité a joué un rôle décisif dans l’émergence de la raison* médiévale (matrice monothéïste*). Donc quand le musulman diplômé* tourne en dérision le dogme chrétien de l’incarnation, il scie la branche sur laquelle il se trouve. Dans ce besoin de présenter l’islam comme une religion purement « rationnelle » (concordisme*), il flatte son propre égo (nafs) et se coupe en fait de sa propre histoire, car le processus a été précisément l’inverse…
Informateur renvoie ici également.
La méthodologie ethnographique* distingue deux types de contributions à l’enquête :
De l’extérieur, ces termes évoquent le colonialisme, époque où l’anthropologie s’est affirmée comme discipline universitaire. Mais l’inégalité coloniale a beau être abolie, les situations d’enquête sont rarement égalitaires. Ces mots restent indispensables à la discussion critique, notamment sur les effets du postcolonialisme*.
Lorsque l’ethnographe travaille, l’islam est pour lui une théorie indigène (voir l’entrée Science). Cela ne l'empêche pas d'être éventuellement musulman, de tenter de faire son travail en conscience, en se regardant parfois lui-même comme un informateur.
En mathématiques l’intégration est une somme de parties, addition d’une infinité de divisions infinitésimales, qui converge néanmoins vers une quantité finie.
En physique, on s’efforce de modéliser des situations réelles complexes d’une manière qui soit mathématiquement intégrable. Lorsqu’on y arrive, on tient une explication*. Donc en termes batesonien, l’intégration apparaît comme une tautologie* de très longue portée.
En microhistoire*, on tente d’expliquer la réussite ou l’échec d’un acteur historique particulier, en s’interrogeant sur les conditions qui président à l’intégration des actions individuelles - « l’agrément de Dieu », en termes pré-modernes.
En théologie monothéiste, Dieu conditionne l’agrément des actions individuelles, à travers la médiation tautologique d’un message révélé, qui permet leur intégration. De fait, a-t-on connaissance de phénomènes sociaux de portée comparable aux traditions monothéistes ? À ce jour, ce type d’intégration n’a été réalisé ni par les mathématiques, ni par les sciences modernes et « transhumanistes ».
Note : La cohérence de toute cette affaire se retrouve probablement dans les croyances philosophiques et religieuses de Descartes, Leibnitz, et autres inventeurs du calcul infinitésimal.
Tendance à importer dans l’objet les principes de sa relation à l’objet (d'après Pierre Bourdieu).
« Influence réciproque que les participants exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate les uns des autres. »
Définition tirée d’Erving Goffman (grand lecteur de Bateson), dans La mise en scène de la vie quotidienne (Éditions de Minuit 1973, I, p.23), œuvre fondatrice de la sociologie interactionniste.
Cette notion est particulièrement mobilisée par l’anthropologie* urbaine, qui se départit du cadre de l’unité villageoise (supposée culturellement homogène), mais qui postule néanmoins l’existence d’un « ordre de l’interaction ». Cet ordre est supposé observable depuis l’espace public, notamment dans les interactions de trafic : des contacts rapides, anonymes et superficiels, mais néanmoins structurés, que ce soit par la culture ou par l’histoire sociale.
Ce paradigme a joué un rôle central dans ma recherche au Hawdh al-Ashraf, surtout dans la phase 2004-2006. Par la suite j'ai un peu retourné le paradigme, en considérant la genèse de l'ordre interactionnel à partir de l'observateur occidental.
Les interactions de trafic (dossier Processus)
Théorème de l'enchantement ethnographique
(…) / Glossaire
Courant intellectuel issu du monde universitaire anglosaxon, qui valorise la réflexion sur l’articulation des différentes formes d’oppression - notamment raciale, sexiste et économique.
Partie du mouvement des droits civiques, et de la critique par des auteures noires du féminisme blanc, l’intersectionnalité est reprise par le mouvement « queer » - critique par les minorités sexuelles du féminisme traditionnel - qui fonde ainsi une posture discursive, émancipée de toute cohérence théorique parce qu’essentiellement performative, et reproductible à l’infini.
• Dans le meilleur des cas, l’intersectionnalité permet de renouveler les formes trop systématiques de pensée critique (marxiste, féministe, antiraciste…), et de mettre en lumière la singularité des situations sociales et historiques (voir la notion d’agencement*).
• Dans le pire des cas, l’intersectionnalité conduit à une inflation conceptuelle de discriminations creuses (validisme, grossophobie, classisme, islamophobie…), au sens qu’elles sont dénuées de toute théorisation.
Avec la dénonciation du « classisme », plus besoin d’analyser les mécanismes de stratification sociale. Avec la dénonciation de « l’islamophobie », plus besoin de soupeser en conscience ma production intellectuelle. Dans les sphères publiques occidentales, l'essor du courant dit « décolonial »* impose la figure du musulman « victime d’islamophobie », qui justifie paradoxalement son écrasement…
= Entrée du glossaire.
Voir aussi l'entrée des termes arabes et le sommaire intersexuation
Je définis l’intersexuation comme le fait d'être issu d'un homme et d'une femme, puis d’avoir à tenir sa place d’homme ou de femme, au sein d’un monde différencié. Trait inhérent à la condition humaine, l’intersexuation relève à la fois d’un honneur et d’une honte, deux principes indispensables au sens de l’honneur* (voir l’entrée correspondante).
⇒ À travers ce terme, je cherche surtout à retranscrire la richesse sémantique de la racine kh-n-th, qui est loin de se limiter à une vision médicale et biologique de la différence sexuelle.
Comme concept scientifique, j’utilise « intersexuation » dans un sens assez proche de la « bisexualité psychique » en psychanalyse : un état de prime nature caractéristique de l’enfance, dont l’adulte doit sortir pour s’inscrire dans le monde, tout en en gardant l’intuition.
L’intersexuation est la part d’ambiguïté sexuelle de la prime nature (fitra en arabe)°, déjà pointée dans la pensée monothéiste : c’est l’état d’incirconcision (ghulf) corrigé par la circoncision rituelle, mais surtout par la foi (Coran 2:88).
On définira ici l'intuition comme le sens de l’honneur* du physicien (pour limiter la discussion philosophique au strict nécessaire).
La physique, ce n’est pas seulement des modèles mathématiques : c’est surtout l’art de ne pas s’en servir… Savoir les conséquences d’une approximation, ses conditions de validité ; savoir discerner la barrière au-delà duquel on bascule dans le délire… Être physicien en temps normal, c’est s’extraire du délire. C’est développer des habitudes intellectuelles pour le déceler très vite, pour falsifier l’hypothèse, sortir le contre-exemple…
C'est cette qualité « indéfinissable » que les physiciens nomment intuition, ou parfois sens physique. Et bien sûr l'intuition se transmet, elle fait l'objet d'un apprentissage, quoi que tacite. Face à un inconséquent, le véritable homme d'honneur ne doit pas forcément sortir son épée… Il en est de même dans la formation intellectuelle du physicien. L'activité du chercheur repose sur une activité sociale et relationnelle culturellement définie, dont ce mystérieux concept porte la trace.
En anthropologie, on parlerait d'un « signifiant flottant » : un concept dont la plasticité ménage certaines ambiguïtés organisationnelles, qui rendent possible la coopération. Ce « signifiant flottant » a joué un rôle pivot dans mon propre cheminement - de la physique à l'anthropologie, de l'anthropologie à l'islam. Restait à ménager lesdites ambiguïtés dans mes communautés d'adoption (musulmane, académique), ce qui n'a pas toujours été possible (d'où mon repli stratégique sur les questions d'intersexuation*).
Le mot prend un sens différent selon qu’on l’orthographie avec ou sans majuscule :
⇒ Sous ma plume :
l'Islam-majuscule désigne uniquement une réalité humaine constituée en objet, par les sciences sociales*, ou par la pratique réflexive* des musulmans eux-mêmes dans la modernité* ;
l’islam-minuscule renvoie à l’humilité du croyant dans le regard d’Allah…
Retenir :
islam-religion / Islam-objet
Produit d’une formation intellectuelle encadrée par la rationalité discursive (logos)* de l'institution universitaire*.
Héritier d’une tradition par laquelle la chrétienté latine, puis l’Europe*, ont tenté de rester aux prises avec le monde malgré la révolution scientifique, et ce à travers les livres, les traces laissés par des hommes dans un système de signes. Tradition dont la civilisation cybernétique*, avec ses data d’utilisateurs, est l’actuel prolongement.
Teaser (l’œil de l'IA)
En découdre avec Michel
Tawhid et anthropologie
(section 3 : La nouvelle « conversion » des musulmans diplômés)
(…) / Glossaire
Terme central de la pensée grecque antique, qui postule la possibilité de saisir le monde à travers un art du discours parlé, tel qu’il se déploie dans la philosophie*, et dont découle la logique.
À l’inverse, la tradition du monothéisme* conçoit la possibilité de saisir le monde à travers le discours révélé d’un Dieu créateur, extérieur à l’activité discursive ordinaire des hommes.
Rassemblées dans le creuset chrétien, puis islamique, la raison médiévale ('aql) permet le développement parallèle de ces deux traditions, qui s'effondrent à nouveau l'une sur l'autre dans le rationalisme* européen.
Si l’idée monothéiste fait naître le goût des livres anciens, peut-on vraiment se fier à ceux d’Aristote ? Non, répondent les premiers philosophes chrétiens, comme Augustin d'Hippone (IVème siècle), dit Saint Augustin. Articulée dès les premiers siècles du christianisme, la question des rapports entre Raison et Révélation demeure au centre de la pensée médiévale, notamment d’expression arabe (al-‘aql wal-naql, العقل والنقل), où se développe une connaissance intime de cette philosophie. Mais avec l’œuvre philosophique de Thomas d’Aquin (XIIIème siècle), dit Saint Thomas, la chrétienté latine prétend avoir résolu le dilemme, ouvrant la voie au développement exponentiel de l'Université*, et finalement au rationalisme moderne (XVIIème siècle).
Phénomène transversal dans l’histoire politique des pays d’islam du IXe jusqu’au XIXe siècle, les mamelouks sont une milice d’esclaves d’origine non-musulmane, formés en vue de tâches militaires ou administratives, souvent appelés à occuper de hautes fonctions, voire à assumer eux-mêmes le pouvoir. Les Mamelouks sont affranchis au terme de leur éducation, mais ils gardent une fidélité totale à leur groupe - un peu comme en France les corps de l’État…
Le système mamelouk est important pour expliquer ce que nous sommes : un maillon de notre histoire culturelle, invisibilisé par notre méconnaissance du Moyen-Âge et de l’Islam*. Initialement, la raison d’être des mamelouks est d’assurer la stabilité de l’État musulman, face à des sociétés structurées par les patrilignages et la segmentarité*. La chrétienté latine n’a pas ce problème, mais elle s’approprie progressivement les innovations culturelles médiévales (émergence des universités européennes*) : la Papauté fabrique, d’une certaine manière, ses propres mamelouks à partir de sa propre population, et ce processus fait émerger l’idée de Nation.
Au XIXe siècle, les mamelouks perdent progressivement leur importance ou sont physiquement éliminés, au fil des luttes d’influence entre les Empires et les Nations. L’interdiction de l’esclavage participe de cette évolution, et le phénomène se tarit. Mais passée la parenthèse nationaliste arabe, quelque chose de ce phénomène ressurgit (avions projetés dans les tours jumelles, Daech…).
Mamelouk
La matrice monothéïste (l'Islam comme métacontexte de l'histoire des idées européenne)
Occident/Orient : une intersexuation réciproque
(…) / Glossaire
Système homéostatique* constitutif de la civilisation monothéiste*, conçu pour maintenir la vérité de propositions dogmatiques concurrentes au sein d’un écosystème intellectuel* partagé.
La matrice monothéiste recouvre l’ensemble des rapports schismogénétiques* entre ces traditions concurrentes, quelque soit leur niveau logique*. Elle se manifeste par la diffraction des figures prophétiques* et des conceptions de l'Alliance* dans les traditions interprétatives et dans les situations du monde contemporain.
En combinant le point de vue surplombant de l’anthropologie et de l’histoire avec les points de vue internes aux traditions religieuses, l'étude de la matrice monothéiste permet de renouveler la neutralité laïque.
Dossier “Matrice Monothéiste” (2024)
L’anthropologie monothéiste (2023)
La matrice monothéiste (2022)
Gerard Delille
(…) / Glossaire
La microhistoire est un courant de recherche historiographique né dans les années 1970 en Italie, en réaction à l’école des Annales. Proposant aux historiens de délaisser l’étude des masses ou des classes pour s’intéresser aux individus, elle développe des réflexions méthodologiques intéressantes sur la variation des échelles d’analyse et d’observation.
J'investis ces débats pendant mon année de DEA, en lien avec ma formation antérieure en physique des transitions de phase*. Ces modèles continueront ensuite d'organiser mon travail de manière souterraine, malgré l'adoption en façade d'une posture plus « littéraire »*, en lien avec la problématique de l'homoérotisme*.
Le modèle d’Ising est un modèle théorique de base en mécanique statistique (ou physique des transitions de phase*). Il a été introduit en 1924 par les physiciens allemands Wilhelm Lenz et Ernst Ising, afin d’expliquer les propriétés ferromagnétiques des matériaux.
Le modèle d’Ising a l’avantage d’être intégrable*, c'est-à-dire soluble mathématiquement.
Quand il fait assez froid, tous les spins s'alignent et forment collectivement de grands aimants. Quand il fait assez chaud, les spins se modifient si fréquemment qu'ils deviennent indépendants de leurs voisins, comme un gaz de spins, de sorte que le réseau n'a pas de magnétisation globale. La transition entre ces phases est abrupte, et à la température critique exacte on observe de nouveaux comportements intéressants.
(Repris de Aperçus aléatoires sur l’universalité en physique, page de l’ENS Lyon attribuée à Harriet Walsh & Philip Clarke)
Dans la section Modèle(s) : Variations sur le modèle d'Ising
L'abandon du modèle d'Ising (systèmes complexes)
Voir aussi l'entrée : transition de phase
(…) / Glossaire
Le latin tardif utilise l’adverbe modo (« à l'instant », « il y a peu ») et l’adjectif modernus (« récent », « actuel »).
Être moderne, c’est être avec son temps - ce qui est vu comme une chose positive dans certaines sociétés et circonstances historiques, en fait étroitement liées à l’expérience européenne* de la Renaissance.
Faisant de nécessité vertu, les philosophes ont théorisé cette attitude intellectuelle émancipée des Anciens, tournée vers l’avenir et la rationalité* - elle-même peu à peu devenue norme de comportement, sous la toute puissance de l’État.
La modernité désigne cette expérience historique distinctive, que certains rejettent tout en étant constitués par elle, dans l’inconscient collectif (y compris chez des peuples non-européens).
L’adhésion consciente à la modernité est la prérogative spécifique des musulmans, qui justifie leur surveillance par l’État.
Le monothéisme est l’idée que l’homme peut être sauvé de son imperfection par une alliance* avec Dieu, unique agent créateur de toute chose, omniscient et omnipotent, par la médiation d’un texte révélé. Les divergences humaines, quant à la définition du corpus révélé et les modalités de l’Alliance, se traduisent par l’émergence d’une matrice monothéiste*.
(circumstantial activist pointe ici également)
On parle d’ethnographie* multisite quand l’anthropologue* délaisse la conception traditionnelle du terrain (l’unité villageoise), afin de suivre les circulations mondialisées de certaines personnes, de certains objets ou de certains concepts. Cette notion est formalisée en 1995 par George Marcus (d’après Emily Martin) dans un article programmatique intitulé : L’ethnographie du/dans le système-monde. Ethnographie multi-située et processus de globalisation.
L’ethnographe est alors qualifié de circumstantial activist.
Exemple : mon positionnement d'anthropologue-musulman*.
L’expression « musulman diplômé » est récurrente sous ma plume, mais pas en tant que catégorie sociologique : en tant que destinataire de mon interpellation d'anthropologue-musulman*.
• Le musulman diplômé comme interlocuteur d’une démarche d’anthropologie symétrique : qui conçoit le « terrain » comme lieu de relations intellectuelles égalitaires, quitte à diffracter stratégiquement celui-ci (voir l’entrée « ethnographie multisite »*).
⇒ Si j’ai pu me convertir à l’islam en me retirant du terrain, alors il doit exister ailleurs des musulmans diplômés, et ceux-ci sont mes interlocuteurs privilégiés.
• Le musulman diplômé comme paradoxe de l’anthropologie historique : rattaché à la civilisation médiévale par l’islam, et en même temps par son diplôme, à l’affirmation subjective de l’Europe* contre et de l’intérieur de celle-ci (voir l’entrée « université »*).
⇒ Le musulman diplômé émerge à la faveur d’un double moment historique postcolonial* : d’une part la défaite du fascisme, dont l’obsession était de défendre la pré-éminence européenne (notamment dans l’accès aux universités) ; d’autre part l’adhésion de sa propre société d’origine à l’aventure nationaliste, qui la conduit à fonder son propre système d’enseignement public et ses propres universités. Mais la greffe du nationalisme ne prend pas vraiment : ni sur le plan militaire (on le sait dès 1967), ni sur le plan sociétal (constitution d’une hiérarchie ploutocratique qui étouffe la dynamique universitaire).
Le diplômé musulman émerge de ce double naufrage : celui du nationalisme européen et celui du nationalisme (arabe) postcolonial.
Regards sur l'actualité (Textes sur Gaza)
Le viol de l’observateur et la forme contemporaine du kufr
Conclusion de Tawhîd et intersexuation (lien avec catégorie des « frères musulmans »)
Octobre 2003 et l’injustice postcoloniale (Atelier islam)
(…) / Glossaire
Définition du Larousse : « Doctrine philosophique aux termes de laquelle ce qui apparaît avec évidence à l'esprit constitue la vérité ultime de la réalité extérieure ».
L’objectivité a été posée conceptuellement par les philosophes grecs, à travers ce qu’on appelle le logos* : la possibilité d’un discours vrai, dans lequel les mots recouvrent des choses dans un rapport de vérité. Pour autant, la tradition grecque savait mettre en garde contre une confiance excessive en l’objectivité du langage, fut-il scientifique : les Grecs distinguaient évidemment le logos du noûs, l’Intellect gouvernant le monde, et Aristote n’était jamais séparé de son maître Platon.
En Occident, après la réduction mathématique de la raison médiévale*, l’objectivisme a gagné la partie. Dans la conception qui est la notre, la science implique nécessairement une recherche de l’objectivité.
Les sciences sociales* sont objectivistes, comme toutes les disciplines scientifiques. Mais par la nature de leur objet, elles sont confrontées plus directement au danger associé. « L’objectivisme enferme toujours la virtualité d’un essentialisme », nous prévient Pierre Bourdieu.
Méthode de travail des anthropologues, théorisée tout au long du XXème siècle, visant à faire coexister une forme d’empathie et une forme d’objectivation.
L’Occident n’est pas un pays, ni une région du monde, ni une tradition monothéiste. Il est le rapport au monde d’une civilisation matérielle, auquel n’est réductible aucune culture d’aucun pays, et dont nous voyons bien qu’elle échappe partiellement au « génie civilisationnel » censé l’avoir engendré.
De ce qu’on nomme « Occident », les différentes traditions monothéistes n’ont pas la même perception, par une diversité constitutive de la matrice monothéiste*. Il y a d’une part, l’identification de l’Europe* à la pensée grecque, de la bataille de Salamine à la Guerre Froide. Il y d’autre part, la pertinence transhistorique du hanbalisme*, producteur d’une non-identification à la pensée grecque. Mais ni l’une ni l’autre n’interdit la maîtrise de cette pensée. Aucune tradition monothéiste n’est l’Occident, de même qu’aucune d’entre elle n’a le monopole de l’Orient.
En biologie : « Processus de développement de l’individu ; elle comprend le développement embryonnaire dirigé par le patrimoine génétique, plus tous les changements éventuels que le milieu ou l’habitude peuvent imposer. » (repris du glossaire de La Nature et la Pensée, p.235). On oppose souvent l’ontogenèse à la phylogenèse, qui décrit l'histoire évolutive de l'espèce, les deux étant liés par des relations homologiques*.
Ces questions fondamentales de la biologie constituent la formation initiale de l’anthropologue Gregory Bateson, qui m’a aidé à structurer mes idées à partir de 2008 : une formation intellectuelle portée sur l’observation des structures dynamiques du vivant, réservoir d’analogies quasi-inépuisable pour l’étude des comportements et institutions humaines.
C’est cette approche qui organise mon appréhension actuelle de l’histoire monothéiste.
L’ontogenèse ethnographique (sous ma plume) désigne métaphoriquement le processus d’émergence, en lien avec une tradition monothéiste, d’une conscience intellectuelle située (voir la notion d’ethnographie), puisant simultanément dans son « patrimoine génétique » (le Livre révélé) et dans l’interaction de sa communauté.
L'Orient est ce lieu dont la traversée ponctuelle peut renouveler tous vos horizons, et vous nourrir pour toute une vie. Il n'y a là de ma part aucun fanatisme et aucun parti pris : l'Orient est un phénomène anthropologique objectif, lié à l'assise monothéiste de l'histoire des idées européenne.
« Le Moyen-Orient, économiquement en retard, porte les formes familiales les plus complexes et les plus “évoluées” : la famille communautaire endogame, qui associe le père et ses fils mariés, puis encourage le mariage entre les enfants de ces frères, résulte de cinq mille ans d’évolution. L’Amérique du Nord, leader de la globalisation économique puis de sa contestation, représente, plus encore que l’Angleterre ou la France du Bassin parisien, la forme familiale nucléaire la plus proche du modèle originel d’homo sapiens. »
Emmanuel Todd dans Où en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine (Seuil 2017).
Frise résumant ce que je comprends de l'histoire (intellectuelle) du monde
Du grec : l’amour (philo-) des mots ou des textes (-logie).
Les disciplines philologiques sont des disciplines littéraires par excellence, qui se spécialisent dans une langue ou un corpus donné : Égypte ancienne (hiéroglyphes), traditions bibliques (hébreux ou grec, araméen et arabe), théologie médiévale (latine et arabe), traditions vernaculaires (vieux français), etc.. Elles développent chaque fois des savoir-faire spécifiques : dater les manuscrits, connaître l’évolution des termes selon les époques, distinguer un texte original de ses reprises ultérieures, parfois même le reconstituer… L’approche philologique conçoit l’accès au corpus comme une fin en soi, indépendamment de toute re-conceptualisation - contrairement à l’approche philosophique*, et contrairement à l’approche sociologique a fortiori.
En France, l’établissement d’excellence des disciplines philologiques est l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), fondée en 1868 sur le modèle de l’érudition allemande. Après la seconde guerre mondiale, l’approche philologique est marginalisée par la montée en puissance du paradigme sociologique*, indissociable d’une forme de réductionnisme* : l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS, à l’origine VIe section de l’EPHE, pèse aux alentours de 40M€ de budget annuel, contre 4M€ pour la maison-mère.
Toutefois en ce qui concerne l’étude de l’Islam*, les sciences sociales sont aujourd’hui plombées par une suspicion latente « d’islamo-gauchisme » : l’heure est au « réarmement » des compétences philologiques, encouragé par l’État à travers la création institutionnelle de l’islamologie*.
La philosophie est une tradition intellectuelle qui se développe en Grèce classique, autour d’une séquence biographique étonnante, fondatrice de l’époque hellénistique :
L’ère hellénistique prend fin quatre siècles plus tard avec le développement du message chrétien, synthèse du logos* et de la prédication monothéiste*, où Jésus prend peu ou prou la place de Socrate. L’activité philosophique décroit.
Sous domination arabe, la philosophie connaît une seconde jeunesse qui permet l’émergence de la raison* médiévale. Introduite en Europe, “digérée” par Thomas d’Aquin (m. 1274), elle sert de socle théologique à l’Église pendant quelques siècles, jusqu’au choc frontal avec Galilée (m. 1642) et Descartes (m. 1650), qui discrédite Aristote définitivement.
En Europe, la science s’est réorganisée autour des propositions cartésiennes. Mais on continue d’entretenir des philosophes qui lisent les auteurs grecs… ainsi que ceux qu’ils jugent compatibles : un rituel identitaire européen, qui pallie les insuffisances du dualisme* et nous permet, malgré l'ignorance de notre propre histoire, de rester en contact avec le monde.
Sur l’ensemble de ce site, j’utilise le terme « postcolonial » (ou plutôt post-colonial, avec un tiret) au sens de la périodisation : l’époque postcoloniale est une période historique qui a succédé à l’époque coloniale, elle-même en passe d’être remplacée par une nouvelle période - « post-postcoloniale », comme on pourrait la nommer temporairement.
Cet usage diffère d’un autre, peut-être prédominant mais que je considère abusif, où le terme postcolonial signifie : « encore colonial », la continuation du colonial jusque dans le présent (approche décoloniale*). Dans bien des situations, l’usage du terme suffit à me positionner dans un camps : mes interlocuteurs partent au quart de tour, après quoi il faut désamorcer ; l’incident ouvre un espace à la discussion.
De mon point de vue, le terme postcolonial reste indispensable lorsqu’on parle du Moyen-Orient, afin de pointer l’organisation spécifique du monde entre 1945 et 2011.
Réponse des Nations Occidentales entre frilosité (Syrie, Yémen), opportunisme des dirigeants (Egypte, Libye), et émotivité des opinions publiques (qui ne voient pas plus loin que l’assassinat de caricaturistes au bout de leur rue, pendant que des pays sont rayés de la carte). Une trahison historique ? Peut-être. En tous cas un démenti de fait aux croyances collectives qui sous-tendaient l’action politique. Disons un démenti historique, dont l’époque postcoloniale ne peut simplement pas se relever.
J'utilise aussi l'expression : ère postcoloniale tardive. En général il s'agit du Yémen des années 2000 (déjà pleinement conscient de ces contradictions) ou de la France des années 2010 (qui persiste dans son déni).
Le postmodernisme est un courant esthétique et philosophique introduisant une distance critique par rapport au discours moderniste devenu hégémonique.
En anthropologie, le moment postmoderne est associé à l’ouvrage collectif Writing Culture: The Poetics and Politics of Ethnography, paru en 1986, sous la direction du binome James Clifford et George E. Marcus (promoteur dix ans plus tard de l’ethnographie multisite*). En France il y a eu beaucoup de résistances, mais les enseignements ont finalement été intégrés. Durant mes études, j’ai été marqué par La condition postmoderne de Jean-François Lyotard (1979). Les propositions batesoniennes* m’ont ensuite paru scientifiquement plus crédibles, sans rien perdre de radicalité.
La condition postmoderne (wikipedia).
« Vingt-cinq ans après Writing Culture » (Emir Mahieddin) + traduction de l’introduction.
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Brusque effondrement de l’ordre politique et des jeux interactionnels associés (enchantement ethnographique), lié à la soudaine disqualification du regard occidental.
L’expression désigne communément les soulèvements de l’année 2011, dans plusieurs pays arabes aux régimes plutôt républicains ; je l’utilise ici comme nom commun désignant le retournement survenu lors de mon premier séjour, dont découle toute l’histoire ultérieure.
L’islam perçoit l’ensemble des figures prophétiques comme découlant d’un archétype unique, que le texte coranique introduit par un système de références croisées. Il n’y a jamais un livre par prophète comme dans la bible hébraïque (à l’exception de la sourate de Joseph/Yûsuf, n°12). Le Coran fonctionne plutôt par des allusions, toujours lacunaires, dispersées en fonction des sujets abordés ou rassemblées dans une vision récursive (comme dans la onzième sourate, Hûd, la plus accessible pour saisir cet archétype). Mais ce fonctionnement est déjà perceptible dans les Évangiles vis-à-vis de l’Ancien Testament, ainsi que dans les traditions interprétatives du judaïsme, antérieures ou postérieures.
En comparant les portraits retenus dans les différents textes bibliques, ou élaborés par les traditions interprétatives, on constate des déplacements toujours significatifs (matrice monothéiste*).
Le terme latin ratio signifie initialement calcul, ou méthode. Mais pour prendre son sens actuel de raison (qui existe dans toutes les langues européennes), il s’est trouvé investi de l’héritage intellectuel grec à travers deux chemins bien distincts, l'antique et le médiéval. Récapitulons cette histoire :
En épistémologie et en histoire des sciences, on nomme réduction le fait d’expliquer une théorie par une autre, formulée à partir de notions plus fondamentales.
Exemple classique : lorsqu’on a retrouvé les lois de la thermodynamique à partir de la physique des transitions de phase*.
Le réductionnisme est une position philosophique qui croit en la pertinence de cette stratégie pour l’appréhension du réel.
Elle s’oppose au holisme* (ou prise en compte de la structure qui relie).
Exercice qui consiste à observer l’observateur, à étudier les modalités de la connaissance. À l’ère postcoloniale, la réflexivité devient un élément fondamental de l’exercice ethnographique* et de sa scientificité. Pour autant, les chercheurs répondent à cette injonction sous des formes très différentes, qu’il convient de distinguer :
La Réflexivité dans la méthode ethnographique.
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La réification est une erreur fréquemment commise par les épistémologies* dualistes*, qui postulent une frontière entre la sphère du langage et le « réel », c’est-à-dire la sphère des phénomènes étudiés par le langage. On parle aussi d’erreur du concret mal placé.
La critique batesonienne* diagnostique cette erreur chaque fois qu’une discipline abuse de métaphores mécanistes, issues de la physique newtonienne (« force », « impact », « pression », « tension »…), ou lorsqu’un schizophrène fait comme s’il allait « manger la carte à la place du repas ». Mais Bateson nous rappelle aussi que de telles erreurs, loin d’être l’apanage des physiciens et des schizophrènes, ont un caractère omniprésent dans l’ensemble du monde vivant.
D’un point de vue plus formel, ces phénomènes s’analysent en termes d'une confusion de type logique (voir entrée du glossaire).
La rupture de symétrie est un phénomène bien connu des physiciens, moins bien connu des biologistes, et moins bien encore des chercheurs en sciences sociales, bien qu’il joue un rôle central dans l’émergence des configurations historiques.
On citera les exemples suivants :
Processus de différenciation réciproque entre deux groupes sociaux, qui peut prendre une forme symétrique ou complémentaire, à travers leurs interactions cumulées.
Le concept est proposé par l’anthropologue Gregory Bateson dans Naven (1936), son œuvre de jeunesse, consacrée à l’étude d’une tribu de chasseurs de tête en Mélanésie. Le concept aura une influence profonde sur l’ensemble des sciences sociales, en histoire (notion de configuration* chez Norbert Elias) et en sociologie (interactionnisme d’Erving Goffman). Bateson transposera ensuite la même idée en psychiatrie, avec l’hypothèse de la double contrainte* dans la genèse de la schizophrénie.
Voir aussi l’entrée matrice monothéiste* (application de la schismogenèse à l’histoire de l’aire culturelle monothéiste).
Chantier Averroès (passage d'une schismogenèse symétrique à complémentaire dans les rapports Europe-islam)
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Mes lecteurs sont susceptibles d’avoir en tête surtout deux conceptions du mot « science », qu'il importe ici de distinguer clairement :
Pour le versant épistémologique* de cette distinction, voir les entrées : #raison, #monothéisme. Bien d’autres conceptions existent et sont anthropologiquement possibles, mais leur examen excèderait la portée de ce site.
Par défaut sur ce site, j’utilise le mot science dans le sens moderne : c’est l’histoire d’un physicien qui part au Yémen, et je m’exprime aujourd’hui comme anthropologue. Dans le domaine des sciences islamiques, je ne peux me prévaloir que d’une fréquentation dilettante, encore teintée d’observation participante*, mais d’aucune formation sérieuse à ce jour (ijâza).
« Pudeur et construction de l'objet dans les sciences expérimentales » (un vieux texte de 2013).
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Notons qu’à la tradition philosophique grecque*, la révolution scientifique européenne entretient des rapports complexes et ambivalents : elle s’affirme initialement contre Aristote, ce qui lui donne son momentum et son statut de « révolution », pour autant elle s’inscrit dans le moment culturel de la Renaissance, qui prône le retour aux sagesses de l’Antiquité. Et comme le génie mathématique cartésien a finalement échoué à renouveler l’ensemble du savoir humain, les filiations aristotéliciennes demeurent dans de nombreux domaines.
Par contraste dans l’Islam* comme civilisation, les deux conceptions sont distinguées plus clairement. Des auteurs médiévaux d’expression arabe ont apporté des contributions décisives dans de nombreux domaines (médecine, histoire, optique, astronomie) ; l’historien des sciences repère même des évolutions plus profondes de l’approche scientifique elle-même (abstraction algébrique, expérimentation…). Mais « l’inspiration divine » n’y est pour rien, en tous cas la science islamique n’a jamais joué à ce jeu-là, dans sa conception sunnite orthodoxe - contrairement notamment à Descartes*, dont l’approche spirituelle fait également tradition. La science islamique a toujours distingué très clairement les sciences religieuses et celles de ce bas monde, et cette distinction (liée historiquement au hanbalisme*) a été en elle-même fondamentale pour l’histoire des sciences.
De cette clarté passée vis-à-vis de la science des Grecs, découle l’ambivalence actuelle vis-à-vis des sciences modernes, légitime et nécessaire à l’heure de la crise écologique. Cette ambivalence-là, les musulmans d’aujourd’hui gagneraient peut-être à l'assumer plus clairement.
Enseignement caractéristique des universités* européennes du Moyen-Âge tardif (XIIe-XIVe siècle), fondé sur la maîtrise des avis produits par les théologiens antérieurs (Pères de l’Église) et leur systématisation en termes d’écoles (schola, σχολή).
La scolastique s’inscrit dans un système intellectuel médiéval marqué par l’épanouissement des sciences islamiques, du VIIIe au XIIe siècle : la constitution progressive d’écoles (madrassa), identifiées à différentes figures fondatrices du VIIIe siècle (les juristes Abu Hanifa, Malik, al-Shafi’i et Ibn Hanbal…), puis leur comparaison systématique, aboutissant finalement à une forme de consensus (…le système des quatre écoles de l’orthodoxie sunnite), où un Averroès s’illustrera au XIIe siècle, parmi beaucoup d’autres. Tout cela à travers la circulation ouverte des savants, et de leurs écrits, dans l’ensemble de l’espace islamique médiéval.
La scolastique latine s’interprète comme une transposition chrétienne de cet effort de systématisation, rendue possible par l’institution universitaire, mais qui débouche ici sur les guerres de religion. D’où la rupture intellectuelle de l’Humanisme*, qui voit la pensée européenne* se constituer contre la scolastique médiévale.
Terme introduit par Émile Durkheim pour décrire les organisations tribales, dans une perspective évolutionniste. Ces « sociétés primitives » sont organisées par des mouvements de « fission » et de « fusion » - point d’honneur* qui accroît les conflits, pudeur qui les enterre… - et peuvent ainsi encaisser à peu près n’importe quelle épreuve. Elles ont la propriété segmentaire des vers de terre, qui lorsqu’on les coupe forment deux individus autonomes…
L’enjeu de mon travail était de renverser cette perspective évolutionniste, en redécouvrant cette propriété sur le terrain du genre, comme propriété de la société en général : une propriété d’invariance par changement d’échelle*, liée à un « état de grâce » plutôt qu'à un état de nature.
« La segmentarité retrouvée par surprise à Taez, épicentre du Printemps yéménite » (texte de 2013)
Emmanuel Todd et la densification tendancielle des formes familiales.
Société segmentaire sur wikipedia
Dans le règne animal, opération par laquelle un individu adulte oblige un individu dépendant à se nourrir par lui-même. Par exemple chez l’homme, ne plus demander le sein. Les modalités du sevrage varient selon les espèces. Du point de vue éthologique (science du comportement) elles définissent des modèles comportementaux profonds (différenciation symétrique), l’autre source étant le comportement sexuel (différenciation complémentaire).
À travers la problématique de l’homoérotisme*, ma recherche anthropologique a porté une attention particulière à la sexuation des modèles comportementaux, mais elle est prise depuis l’origine dans une problématique de sevrage. Les circonstances qui clôturent mon premier séjour en 2003 s’interprètent comme un sevrage brutal de l’observateur sociologue, dont Ziad est le témoin impuissant. Ma conversion au retrait en 2007 s’interprète également comme l’aboutissement d’un processus de sevrage dans mes rapports avec les Yéménites. Cette démarche m'a valu d’autres complications, car à contre-courant d'un paradigme postcolonial* favorisant plutôt les modèles de dépendance complémentaire. La problématique du sevrage est pertinente pour comprendre, depuis cette date, mes rapports avec les musulmans diplômés*.
Bien que le terme apparaisse régulièrement chez Bateson, mon auteur de référence (voir la notion de schismogenèse*), je n’ai investi le concept de sevrage qu’en avril 2024 pour décrire le cœur de ma relation avec Ziad, au moment où celui-ci faisait irruption à travers ses posts. En fait toute l’histoire monothéiste* peut-être vue sous l’angle du sevrage, à l’échelle des communautés comme à celle de l’apprentissage du croyant.
Dans le cadre de ma réflexion sur la matrice monothéiste* du monde contemporain, je propose la définition suivante :
Situation où une autre tradition religieuse se coule dans les conceptions théologiques du protestantisme, afin de négocier l’existence d’un projet national ou communautaire.
Cette définition fait référence au rôle matriciel du protestantisme évangélique dans l'aboutissement du projet de Theodor Herzl, à travers notamment la figure de William Hechler. Pour ces éléments peu connus du public français, je renvoie à la conférence en 2020 d’Antoine Fleyfel, philosophe et théologien catholique libanais (ici sur Hechler, là sur le phénomène contemporain).
L’évangélisme sioniste et son influence sur la politique américaine au Proche-Orient
Tawhid et anthropologie (section 3 : La nouvelle « conversion » des musulmans diplômés)
Mes textes sur Gaza (décembre 2023)
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« Disposition, Agencement des parties (d'un ensemble), tel qu'il apparaît lorsqu'on l'étudie » (Dictionnaire Le Robert).
Dans l'espace théorique des sciences sociales (marxisme, structuralisme…), chaque orientation se définit par une certaine conception sous-jacente du mot : ce qu'on entend au juste par « structure », où on la situe dans le réel. Pour moi, la notion est étroitement liée au paradigme batesonien* de l'écologie mentale*.
Structure qui relie (pattern which connects) : expression utilisée par Gregory Bateson à la fin de son œuvre, pour simplifier la compréhension du parti-pris holiste*, et désigner l’appréhension du monde dans son unité épistémique*.
Remarque (à préciser) : dans ma reprise contemporaine des débats théologiques médiévaux, je mobilise la notion de « Social »* contre celle de structure (conformément à la tradition durkheimienne d'origine).
Parmi les trois disciplines principales des sciences sociales, avec l’histoire et l’anthropologie, la sociologie est celle qui s’intéresse aux situations contemporaines sous l’emprise de l’État - quand l’anthropologie se charge des situations en marge de cette emprise (société sans écriture), l’histoire se chargeant des situations passées (envisagées à partir des traces écrites).
…Mais par commodité, il m’arrive d’utiliser « sociologie » comme synonyme de « sciences sociales ».
J'utilise alors l’adjectif « sociologique » comme synonyme de : relatif à l’hypothèse du Social*, pris dans l’hypothèse théorique qui lui est associée - soit dans un sens réflexif* plutôt que dans un sens positif plus ordinaire (relatif au social, à la société). Cela m’avait déjà valu un commentaire lors de ma soutenance de DEA (septembre 2005) : cet usage du terme m'était indispensable dans mes tâtonnements théoriques, pour cerner les faux-semblants de l’époque postcoloniale tardive* (bien avant le basculement de 2011). En tant que discipline étroite, la sociologie n’est pas vraiment mon problème - d’autant que j’ai été formé dans une institution à l’avant-garde de cette proclamation d’unicité (feu le Laboratoire de Sciences Sociales de l’ENS).
Appareil sociologique
- Selon la critique bourdieusienne : ensemble des structures mentales mobilisées dans la perception objectiviste* du monde social.
- Appareil posé sur l’épaule de Johan van der Keuken.
Le syllogisme est un raisonnement logique, où l’examen de deux propositions (ou plus) conduisent à une conclusion. Depuis Aristote*, la logique a étudié les règles de validité du syllogisme, qui ont formé le socle de toute la pensée scientifique pendant 2000 ans. Un exemple de syllogisme logiquement valide (dit de type “Barbara”) est :
Le syllogisme en herbe (syllogism in grass), ou syllogisme batesonien :
Au XXe siècle, avec le développement des logiques non-aristotéliciennes puis de la cybernétique*, Gregory Bateson insiste sur l’importance centrale, dans l’ensemble du monde vivant, de syllogismes non-reconnus comme valides, tels que :
(Définition de Gregory Bateson, dans le glossaire de La Nature et la Pensée) :
Une tautologie est un ensemble de propositions liées entre elles, où la validité des liens ne peut être mise en doute. La vérité des propositions, en revanche, n’est pas posée. Exemple : la géométrie euclidienne.
Dans la géométrie euclidienne, il n’est pas contestable que si deux droites sont parallèles, toute parallèle à l’une est parallèle à l’autre ; la géométrie ne dit pas si ce sont vraiment des droites, ou si elles sont vraiment parallèles…
Bateson nous dit : « Expliquer, c'est cartographier les éléments d'une description sur une tautologie »
(voir l'entrée Explication du glossaire).
Mode d'organisation sociale et religieuse fondée sur le principe du totem - tel clan se dit parent de l'ours, de l'araignée ou de l'aigle… Le totémisme établit des relations homologiques* entre, d'un côté, les végétaux ou les animaux et, de l'autre, les groupes humains sociaux.
Ce type d’organisation sociale est aboli explicitement par le monothéisme. Pour autant, le totémisme joue un rôle important dans la théorie anthropologique, d’où un usage ponctuel et « par extension », à propos de la société yéménite.
En physique, on appelle « transition de phase » les changements d’états, c’est-à-dire les passages entre des états plus ou moins ordonnés de la matière : passage d’une phase solide à une phase liquide ou gazeuse, et réciproquement. Autre exemple : le phénomène d’aimantation, lorsque toutes les particules alignent leur moment magnétique (spin) sur une direction particulière ; ou encore la perte de cette aimantation, quand l’agitation thermique dépasse un certain seuil (voir l'entrée Modèle d’Ising*).
Dans la physique des transitions de phase, on s’efforce de prédire le comportement macroscopique observé, en intégrant des comportements microscopiques individuels, préalablement modélisés. On a ainsi pu réduire la thermodynamique (lois reliant les paramètres de pression, volume et température) à la mécanique statistique (propriétés globales d’un grand nombre de particules en mouvement). On parle alors de réduction d’une théorie à une autre. Les physiciens sont souvent sollicités pour mettre en œuvre ce genre de démarches dans des domaines connexes comme la biologie, voire en sciences sociales - mais on court toujours le risque du réductionnisme.
Section Modèle(s)
Jeux d'échelle
Les interactions de trafic
(et toute la sous-section Processus).
(…) / Glossaire
Dans la philosophie du langage (ou philosophie analytique), l’erreur de type logique consiste à confondre le nom avec la chose nommée. On parle aussi d'erreur du concret mal placé (voir l'entrée réification), envisagée ici de manière plus théorique et abstraite. L'erreur consiste à croire que l’existence du nom, quelque part dans la sphère du langage, implique nécessairement l’existence d’une chose correspondante dans le réel.
Ces considérations sont introduites par le philosophe et mathématicien Alfred North Whitehead (1861-1947) :
« Toute science doit forger ses propres instruments. L’outil que requiert la philosophie est le langage. Ainsi la philosophie transforme-t-elle le langage de la même manière qu’une science physique transforme des appareils préexistants »Alfred North Whitehead, Process and Reality, 1929.
Institution née vers l’an mille de par et d’autre de la Méditerranée, fondée sur un modèle d’enseignement original : en lieu et place de l’ancestrale relation maître-disciple, la segmentation des savoirs technoscientifiques et leur contrôle par rétroaction (cybernétique)* des hiérarchies universitaires.
Dans le monde islamique, la naissance de cette institution est étroitement liée au modèle politique mamelouk*. Appropriée dans la chrétienté latine, elle connaît un développement inégalé qui conduit à la « Renaissance »*, c’est-à-dire l’affirmation subjective de l’Europe*, de l’intérieur et contre la civilisation (islamique) médiévale - un peu comme le ver dans le fromage corse…
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