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Glossaire

Glossaire inauguré fin décembre 2022, en vue de la refonte 2023.

  • Dans le corps du texte, les entrées du glossaire sont indiquées par une étoile * dotée d'un lien (surtout dans les pages des nouvelles sections 2023, le wiki « systématique »).
  • Chaque entrée comporte des suggestions pour approfondir, par association d'idées (vers des pages du wiki « sauvage » de 2022).
  • La fonction recherche permet de remonter vers les utilisations d'un terme (retrouver les étoiles).

Depuis mars 2023 (#intersexuation), je rédige chaque définition dans une page spéciale du dossier “Glossaire”, dont le contenu est ensuite incrusté ci-dessous. Ceci permet d'afficher une date de dernière révision, de suivre l'affinage de chaque entrée plus facilement, et aussi de remonter aux utilisations du terme. Les définitions antérieures ne sont déplacées qu'à l'occasion de remaniements majeurs.

Abduction

L’abduction est une troisième forme du raisonnement logique, introduite par le philosophe et sémiologue américain Charles Sanders Peirce (1839-1914) :

  1. déduction : un fait particulier découle d’une loi générale.
  2. induction : une loi générale semble découler de la répétition de faits particuliers.
  3. abduction : une loi générale semble être à l’œuvre dans un fait particulier.

L’ethnographe* utilise l’abduction constamment sur le terrain, dès qu’il prétend déceler une loi sociologique générale derrière une observation particulière. Normalement il doit l’inscrire sur la page de gauche de son carnet (qui reçoit aussi ses états d’âme), afin de bien dissocier entre les faits et leur interprétation.

L'abduction est un « prolongement latéral des composants abstraits de la description » (voir l’entrée explication), dont Gregory Bateson souligne l’importance dans toutes les épistémologies du monde vivant : c'est ce qui permet les sauts d'apprentissage, la mutation des espèces, les découvertes scientifiques…

L’abduction et le processus d'enquête.
L'abduction, une éthique batesonienne de la pensée
Le Principe Dormitif (symptôme d'une préférence excessive pour l'induction)
L’abduction dans La Nature et la Pensée (lien direct pp. 149-151).
(…) / Glossaire

· 2023/04/03 12:15

Alliance

Aussi bien dans la Bible hébraïque que dans les Évangiles ou le Coran, les rapports entre Dieu et l'humanité sont énoncés en termes d’alliance , centrées sur des figures prophétiques*. C’est dans ce cadre conceptuel que les traditions monothéistes s’opposent les unes aux autres, certaines alliances étant considérées comme obsolètes, d’autres étant considérées comme inventées.
Les tensions de cette matrice monothéiste* ayant été le moteur de l’histoire des sciences*, elles restent décelables dans les situations du monde contemporain - notamment la situation ethnographique (alliance d’enquête*).

· 2023/07/19 07:26

Alliance d’enquête

Dans la méthodologie de l’enquête ethnographique, l’alliance d’enquête désigne les personnes rencontrées sur le terrain, qui s’investissent personnellement pour que l’enquête aboutisse. On trouve aussi le terme « informateurs », remontant à l’ethnographie coloniale, où le rapport était fondé sur une rémunération monétaire. Mais à l’ère postcoloniale*, l'allié s'investit aussi en tant qu'indigène*. Il faut expliciter ce que chacun y trouve : l’analyse des alliances d’enquête est une étape obligée, pour toute enquête qualitative prétendant à une forme de rigueur scientifique.

Faute d'accord sur l'explicitation de l'alliance d'enquête - comme entre Ziad et moi - on retombe sur l'Alliance* au sens monothéiste…

· 2023/07/15 21:42

Anthropologie

En grec « science de l’homme » : discipline au sein des sciences sociales*, autrefois spécialisée dans l’étude des sociétés sans écriture (dites aussi « primitives »), dont la caractéristique reste aujourd’hui de fonctionner par dépaysement.

· 2023/07/24 12:18

Anthropologie de l’islam

L’anthropologie de l’islam est l’institution qui promeut l’étude de l’islam* en tant que fait culturel, en l’extrayant artificiellement du fait culturel monothéiste*, seule entité vraiment pertinente anthropologiquement.
L’anthropologie de l’islam est une fiction historique, qui traite l’islam au même niveau logique que les Indiens d’Amérique ou les Aborigènes, comme si l’Europe* avait rencontré l’islam lors des Grandes Découvertes du XVIe siècle ou l’expansion coloniale du XIXe.
L’anthropologie de l’islam est une erreur épistémologique profonde, qui se ramène à une erreur de type logique* : on fait comme si on pouvait faire l’anthropologie de l’islam, sans faire l’anthropologie de l’anthropologie elle-même.
L’anthropologie de l’islam est une tendance, étroitement liée à la disgrâce de la tradition Orientaliste et au rôle des sciences sociales dans le nouvel ordre postcolonial* : un « fait social total »* propre à notre époque, dans lequel les différents instituts de recherche tentent de se positionner tant bien que mal.
L’anthropologie de l’islam est cette institution qui se réclame de l’islam pour ne pas faire d’anthropologie, et de l’anthropologie pour ne pas écouter les musulmans.

(Voir aussi l'entrée : Anthropologue-musulman)

Anthropologue-musulman

J’ai été guidé vers l’islam* par la pratique de l’anthropologie*, et je n’ai abouti à une anthropologie satisfaisante (batesonienne)* qu’avec la conversion à l’islam. Mais tout ça est lié au fait que j’étais sur un terrain musulman. Donc je ne réduis pas l’islam à l’anthropologie, et je ne réduis pas l’anthropologie à l’islam. J’insiste simplement pour que ce cheminement, qui m’est propre, soit entendu et respecté : qu’on ne me demande pas de choisir entre la sincérité de ma foi et la sincérité de ma démarche intellectuelle.

Je nomme anthropologue-musulman (avec un tiret) cette condition qui me distingue :

  1. de l’anthropologue musulman, i.e. de « culture » musulmane : le musulman diplômé* (voir l'entrée correspondante) ;
  2. de « l’anthropologie de l’islam »* (voir entrée correspondante) ;
  3. d’une volonté « d’islamiser » l’anthropologie (ne mérite même pas d'entrée au glossaire…).

Archéologie

Au sens premier, l’archéologie est l’étude des traces de vie humaine dans un passé lointain sans écriture, un passé pré-historique. C’est une branche de l’anthropologie*, dans la mesure où l’interprétation de ces traces s’appuie nécessairement sur une réflexion plus large, ayant pour objet l’homme dans sa généralité.

Depuis le travail de Michel Foucault (1926-1984), le mot est utilisé en sciences sociales dans un sens figuré : faire l’archéologie d’un mot ou d’une institution, c’est reconsidérer les conditions sociales et historiques qui l’ont amené à exister. Cette archéologie travaille sur un sol métaphorique : un passé qu’on suppose enterré, et qu’il s’agit d’exhumer. Remarquons aussi que la perspective devient ici régressive : elle prétend étudier le sous-sol sans démolir le bâtiment.

Que ces deux sens coexistent au sein des sciences sociales, sans qu’on prenne vraiment le temps d’interroger leur contradiction, c’est peut-être un indice de la faiblesse actuelle de l’anthropologie, et plus certainement encore d’un désintérêt pour le fait monothéïste*. Quoi qu’il en soit, l’archéologie au sens foucaldien est un outil indispensable pour l’étude du monde contemporain. Le plus souvent j’utilise le terme dans ce sens-là.

· 2024/04/06 13:00

Binarisme

Binarisme sexuel : habitude d’opposer les hommes et les femmes, et parfois les masculinités entre elles (« toxique » ou « équilibrée »), selon une logique d’essentialisation. Je reprends à mon compte l’expression du féminisme militant, qui m’apparait pertinente (voir binarisme de genre sur Wikipedia).
Mais contrairement à la plupart de ces militants (et aussi à leurs adversaires), je ne crois pas que la société yéménite relève du binarisme. En effet, le binarisme me semble étroitement lié au modèle des deux sexes (Thomas Laqueur) et au dualisme* épistémologique (voir glossaire), tandis que les Yéménites ordinaires vivent manifestement sur le modèle du sexe unique.
Cette critique du binarisme, je l’applique plutôt au regard de l’observateur sur la société yéménite - c'est le coeur de ma démarche.

· 2023/08/24 05:43

Cartésianisme

Lorsqu'il proclame son fameux cogito ergo sum - généralement traduit par « Je pense donc je suis » - René Descartes efface d’un trait cette idée implicite dans toutes les cultures traditionnelles : la connaissance commence lorsque plus de deux personnes s'accordent sur ce qui est considéré comme vrai. Que Descartes et Louis XIV soient tombés d’accords, dans un moment historique donné, ne saurait invalider pour toujours cette contrainte fondamentale…
Les effets épistémologiques s'analysent en termes de dualisme*.

· 2023/07/05 14:10

Critique

Je parle de critique batesonienne - plutôt que théorie batesonienne - afin de laisser de côté les aspects les plus positifs de son œuvre (voir la notion d'esprit*), qui ont déjà transformé notre monde à travers la cybernétique*, souvent pour le pire.

La critique batesonienne porte essentiellement sur le primat excessif accordé à l’induction* dans les sciences occidentales.

· 2023/07/16 11:09

Cumulativité

« Par cumulativité d’une science, on entend la possibilité d'intégrer les résultats d'un grand nombre d'observations et d'expériences dans l'unité d'un modèle susceptible de les déduire. » (Jean-Michel Berthelot, via Google).

LIENS ?

Cybernétique

  1. Civilisation consécutive à l’avènement de l’informatique ;
  2. Révolution intellectuelle préalable à l’avènement de l’informatique.

Notion étroitement liée aux fameuses conférences Macy organisées à New York entre 1942-1953 - dont Gregory Bateson fut l’un des membres fondateurs et le principal représentant pour les sciences sociales (voir l'entrée #esprit).

Le terme est repris du grec kubernêtikê (κυβερνητική), que Platon utilise pour désigner l’art de piloter un navire. Il est choisi en 1947 par le mathématicien Norbert Wiener (participant desdites conférences) pour désigner cette posture d’analyse nouvelle portée sur l’étude des rétroactions. Il est ensuite popularisé par la science-fiction des années 1950 et 1960 - passablement décrédibilisé aussi… - et subsiste finalement surtout dans des mots composés comme synonyme d’informatique : cyberespaces, cybermonnaies, cybersécurité…

· 2023/05/27 11:23

Djihadisme

Par révolution djihadiste, je désigne le tournant théologique qui s’opère au XVIIIe siècle sous la plume de Mohammed ben Abdelwahhab  (1704-1792), rendant licite le djihad contre des musulmans de croyances non-conformes à l’orthodoxie sunnite.

En l’occurrence, il s’agissait de combattre l’influence Ottomane dans la Péninsule arabe. Mais le prédicateur des Saouds va bien au-delà dans son argumentation : il se justifie par l’apparition d’une incroyance de type nouveau, faisant implicitement référence à la révolution scientifique européenne, alors en plein essor. Cette « révolution djihadiste » s’enracine donc dans une conjoncture épistémologique générale. Sa centralité dans le monde contemporain n’est pas un accident de l’Histoire, lié à la découverte du pétrole, à la protection américaine et à la manne financière accordée aux Saoudiens.

La révolution féministe* prend ses racines à peu près dans la même période - on pense à Olympe de Gouges (1748-1793). Deux révolutions en miroir l’une de l’autre, les deux versants d’une conjoncture épistémologique sous-jacente, liée aux impasses du cartésianisme*.

· 2023/07/08 10:51

Double contrainte

La « double contrainte » est une hypothèse avancée par Gregory Bateson en 1956, dans sa période de collaboration avec la psychiatrie, afin d’expliquer la schizophrénie. Elle désigne une situation insoluble où une personne est soumise à deux pressions contradictoires, exercées à des niveaux logiques différents.
Un exemple classique de double contrainte ordinaire est le « Sois naturel ! », lancé à une personne qui se sent mal à l’aise (donc incapable d’obéir naturellement à l’ordre d’être naturelle…). Si la personne est prisonnière de cette situation, dans l'incapacité de méta-communiquer* à son sujet (comme c'est le cas notamment pour les enfants et dans le cas de certaines relations hiérarchiques), elle peut être tentée de répondre à un autre niveau encore - en faisant de l’art ou de la poésie, par une créativité apparemment débridée, parce qu’inscrite dans une situation que l’entourage ne décèle plus.

· 2023/07/08 22:11

Dualisme

Le dualisme, c’est essentiellement le fait de croire que les modèles de la physique s’appliquent à autre chose qu’aux boules de billards (cartésianisme*). Ou plutôt c’est une caractéristique de la vision du monde qui en découle. Et comme l’ensemble des disciplines modernes ont emprunté ce chemin-là…

Tendance à concevoir le monde comme fondamentalement double dans sa structure, avec une sphère des idées et une sphère de la matière, un être humain écartelé entre le corps et l’esprit, entre nature et culture, etc..
Pour Gregory Bateson, le dualisme doit être pensé et traité comme une pathologie de l’épistémologie*, caractérisée par un primat excessif accordé à l’induction sur les autres formes de raisonnement, et conduisant à l’erreur chronique du concret mal placé…

Si la lutte contre le dualisme est aujourd’hui de mise dans toutes les disciplines, Bateson prend le parti de désigner l’ennemi : l’œuvre philosophique de René Descartes (1596-1650) et peut-être la philosophie elle-même (voire la France…), où il situe l’une des sources principales de la pathologie dualiste. C’est un fait que dans l’histoire des sciences, la révolution mathématique dont Descartes est le nom (l’algébrisation de la géométrie) ne pouvait mener qu’à une inflation d’habitudes intellectuelles dualistes, grâce notamment aux fameuses coordonnées cartésiennes

Ne pas confondre avec la notion de binarisme (sexuel) - même si les deux sont liés historiquement.

· 2023/07/05 14:09

Écologie mentale

Traduction de l'anglais « Ecology of mind », l'ouvrage publié par Bateson en 1972. En 1977, les éditeurs français ont préféré traduire par « Vers une écologie de l'esprit » (Steps to an ecology of mind). Mais quand on cherche à appliquer la pensée batesonienne aux questions de laïcité, le mot « esprit » est une sacrée épine dans le pieds…

⇒ La notion d'esprit chez Bateson
Ouvrages de Gregory Bateson
(…) / Glossaire

· 2024/01/08 11:32

Épigenèse

« Les processus de développement de l'embryon envisagés, à chaque stade, dans leurs relations avec le statu quo ante. » (définition de Bateson, tirée du glossaire de La nature et la pensée)

L'épigenèse de l'œuf de grenouille
Décrire ma main (citations de Gregory Bateson)
Penser en termes d'épigenèse (dossier “Matrice Monothéiste”)
Voir également l'entrée : matrice monothéiste*
(…) / Glossaire

· 2024/04/02 23:52

Épistémologie

« En tant que science, l’épistémologie étudie comment les organismes isolés et les ensembles d’organismes connaissent, pensent et décident. En tant que philosophie, elle étudie les limites nécessaires et les autres caractéristiques des processus de connaissance, de pensée et de décision. » (repris du glossaire de La Nature et la Pensée, p.234).

Indépendamment de la science ou de la philosophie, on utilise aussi le terme comme synonyme de « culture », pour désigner les épistémologies locales qu’étudient les anthropologues. Mais Gregory Bateson, revisitant sa formation initiale de biologiste à partir de sa discipline d’adoption (l'anthropologie), s’est progressivement montré sensible au monde vivant en tant qu’Épistémologie (qu’il propose d’écrire avec un É majuscule).
Dans les deux cas, on se rapproche alors du terme épistémé, souvent utilisé par les philosophes et les historiens des sciences mais dans un sens plus vague et intellectualiste, contre lequel Bateson entre en résistance. La notion batesonienne d’esprit (mind)* peut s’entendre comme une conception non-dualiste* de l’épistémé - mais elle comporte en français des connotations « spiritistes » assez fâcheuses. Donc pour ma part j’utilise l’adjectif épistémique, et bien dans un sens batesonien.

· 2023/07/07 11:59

Esprit

[« Batesonien » pointe ici également]
Notion à travers laquelle Gregory Bateson a tenté, vers la fin de sa vie, d’opérer la synthèse des différentes disciplines traversées au cours de sa carrière :

  • d’abord en 1972 dans Vers une écologie de l’esprit (Steps to an ecology of mind), recueil de ses principaux articles en anthropologie, psychiatrie, biologie de l’Évolution et en épistémologie ;
  • puis en 1979 dans La nature et la pensée (Mind and nature: a necessary unity), réflexion d’un biologiste sur les fondements anthropologiques de l’activité scientifique, où Bateson commence à dégager les critères formels du processus mental.
    ⇒ « Esprit » est la traduction du mot anglais mind, soit le lieu du phénomène mental, sans aucune connotation spiritualiste
    (Bateson n'utilise pas le mot ghost ni le mot spirit…).

Gregory Bateson - Critères du processus mental
Extrait de La Nature et la Pensée, pp.97-98


1. Un esprit est un ensemble de parties, ou composants en interaction.
2. L'interaction entre les parties d'un esprit est déclenchée par la différence (…).
3. Le processus mental requiert de l'énergie collatérale.
4. Le processus mental requiert des chaînes de détermination circulaires (ou plus complexes).
5. Dans les processus mentaux, il faut considérer les effets de la différence comme des transformations (c'est-à-dire des versions codées) d'événements qui les précédaient. (…)
6. La description et la classification de ces processus de transformation révèlent une hiérarchie de types logiques immanente aux phénomènes.
Je montrerai que les phénomènes que nous appelons pensée, évolution, écologie, vie, apprentissage et autres ne se produisent que dans des systèmes qui obéissent à ces critères.

· 2023/07/05 14:14

Essentialisme

Erreur qui consiste à attribuer les propriétés d’une chose à son essence, plutôt qu’aux relations dans lesquelles cette chose est prise. Aussi appelée « erreur de réification » ou « erreur du concret mal placé », elle est étroitement liée au problème du dualisme* entre l’esprit et la matière.

Ethnographie

L’ethnographie est une démarche expérimentale, conçue pour palier l’insuffisance des sources écrites (graphein) à travers l’engagement personnel du chercheur, dans l’approche d’un univers social donné (ethnos). Autrefois cantonnée à l’étude des sociétés exotiques ou du folklore, l’ethnographie est aujourd’hui le lieu privilégié d’une réflexion sur les sciences sociales et leurs fondements empiriques.
L’adjectif « ethnographique » a donc deux sens :

  • sens ancien (que je n’utilise jamais) : relatif à la description culturaliste des pratiques d’une peuplade donnée.
    = l'écriture de « pratiques culturelles » situées.
  • sens actuel : relatif à l’exercice réflexif* et aux conditions de possibilité d’une écriture scientifique située.
    = comprendre ce que l'écriture fait aux situations.
· 2023/06/18 09:50

Ethnologie

La division du travail scientifique, telle que la concevait Claude Levi-Strauss (1908-2009) au milieu du XXe siècle, opposait encore :

  • l'« ethnographie »*, c'est-à-dire la collecte des données par différents types d'acteurs de terrain (surtout missionnaires ou administrateurs coloniaux),
  • à « l'anthropologie »*, c'est-à-dire la synthèse savante effectuée depuis Paris par un universitaire, philosophe de formation.
  • Dans cette optique, « l'ethnologie » était une étape intermédiaire, synthèse des données à l'échelle d'une aire culturelle donnée.

Cette conception de la discipline a été largement remise en cause par la Décolonisation et le linguistic turn : même le sens des mots a évolué (voir entrées correspondantes du glossaire).
L'usage du terme « ethnologie » perdure cependant, généralement associé à la défense d'un pré-carré universitaire, en tant que discipline autonome au sein des sciences sociales. Je ne me suis jamais inscrit dans ce courant théorique culturaliste, qui me paraît franchement problématique concernant les « pays d'Islam » - voir l'entrée « anthropologie de l'islam »*.

· 2023/09/14 12:48

Europe

En tant que « zone culturelle » (comme disent les anthropologues), l’Europe doit être clairement distinguée du christianisme. Les historiens s’accordent à dater l’émergence d’un sentiment européen autour de l’An Mille : avec les Croisades (dont les chrétiens de Constantinople font les frais autant que les musulmans) et avec la fondation des premières universités (au nord et au sud de la Méditerranée).
Du point de vue de la genèse historique*, l’Europe doit être définie comme une mutation de la chrétienté latine en contexte islamique - i.e. survenue à une époque où l’Islam* est à son rayonnement civilisationnel maximum. La science historique n’a aucun doute là dessus, même si cette réalité prend à rebours tous les récits construits depuis la Renaissance, qui fondent notre identité.
L’Europe est une entité qui - un peu comme un Bernard l’Ermite - s’invente une filiation imaginaire à une autre culture, la Grèce antique, dont elle ne sait pourtant lire les textes qu’à travers les sources arabes. C’est dans cette affaire - la fameuse « transmission arabe d’Aristote » - que se scelle le destin européen, beaucoup plus que dans la partition de l’Empire Romain (IVème siècle), comme le racontent les livres d’école. L’Europe est le nom de cette condition épistémique très spécifique, qui ne concerne même pas nos voisins orthodoxes (eux n’ont jamais cessé de lire les textes grecs…), dans laquelle nous sommes les seuls à être vraiment pris.

· 2023/07/13 12:09

Explication

« Expliquer, c'est cartographier les éléments d'une description sur une tautologie »
Gregory Bateson, La Nature et la Pensée (1979), p.90.

Cette définition de l’explication, abordée en tant que phénomène biologique et cognitif, permet à Bateson de construire un pont entre sciences physiques et sciences du vivant, c’est-à-dire entre explication classique et explication cybernétique.

· 2023/07/05 14:06

Féminisme

« Why can't all decent men and women call themselves feminists, out of respect for those who fought for this? I mean, look around. We have this. »

Ani Difranco, Grand Canyon 2003 (Paroles)

Valeur essentielle chez tout homme ou femme décent, consistant à faire droit à la pudeur autant qu'à la fierté dans son comportement. En cela, le féminisme est apparenté au sens de l'honneur*, bien que cette filiation nous ait été rendue étrangère par le cartésianisme*, par l'expérience de l'absolutisme monarchique puis de l'État moderne.

Par révolution féministe, j'entends l'ensemble des présupposés méthodologiques auxquels s'adossent la pratique des sciences sociales féminisées, notamment la réflexivité* ethnographique. Sous l'angle de l'anthropologie historique et de l'épistémologie, cette révolution a partie liée avec la révolution djihadiste*.

· 2023/07/08 11:45

Gestalt

Structure à laquelle sont subordonnées les perceptions (Cf dico).
La Gestalt-theorie affirme que les « formes » sont les données premières de la psychologie.
J'utilise peu ce concept, mais c'est peu ou prou un synonyme de la « structure qui relie »*.

· 2023/07/08 21:58

Hanbalisme

Le hanbalisme est l’une des quatre écoles classiques du droit musulman sunnite, la dernière dans la succession chronologique après le hanafisme (qu’on pratique en Turquie), le malékisme (en Afrique du Nord) et le chaféisme (en Égypte, Yémen et océan indien). Majoritaire dans les pays du Golfe, le hanbalisme est la tradition de Mohammed Bin Abdelwahhab (1703-1792), théologien co-fondateur de l’Etat saoudien, et aussi d’un grand réformateur médiéval de Damas, Ibn Taymiyya (1263-1328).
Cette école est réputée la plus rigoriste, laissant le moins de marge à l’effort rationnel dans l’énonciation du droit. De fait elle est fondée par l’imam Ahmed Ibn Hanbal (780-855), héros de la résistance à l’Inquisition du Calife Al-Ma’mun (fondateur de la Maison de la Sagesse), qui entendait imposer à tous les oulémas de l’Empire une conception philosophique de l’islam, le mu’tazilisme.
De nos jours, beaucoup d’intellectuels modernistes prétendent remettre en cause la centralité du hanbalisme dans la tradition sunnite. Ils considèrent comme allant de soi que le hanbalisme n’a rien apporté aux sciences, et que l’islam lui-même se porterait mieux sans Ahmed Ibn Hanbal. Que serait-il advenu de l’histoire des sciences si l’Inquisition mu’tazilite avait réussi ? Drôle d’idée tout de même - mais ont-ils seulement les moyens d’y réfléchir sérieusement ?!

Homoérotisme

Il y a eu un « moment homoérotique » des études sur le Moyen-Orient dans le monde universitaire occidental, moment qu’on peut situer entre le 11 septembre 2001 et les révolutions de 2011, chez des auteurs qui tentaient de pointer là l’origine diffuse d’un blocage démocratique supposé. Appliqué à des comportements ou à une esthétique, l'adjectif permettait de suggérer un lien avec la notion moderne d'homosexualité*, sans pour autant se prononcer quant à son caractère avéré.
Je me suis inscrit dans ce courant au début de ma thèse (2005-2006). J'ai conservé ce terme après 2007, mais sans la moindre insinuation et dans le cadre d’une approche interactionniste plus rigoureuse, juste comme synonyme de : homosexualité de l’observateur.
Rétrospectivement, je perçois une filiation avec la notion d'« homosexualité refoulée », liée à l'hypothèse psychanalytique de la « sexualité infantile ».
⇒ voir de préférence l'entrée intersexuation.

· 2023/06/21 16:14

Homologie

En biologie de l’Évolution, l’homologie est une ressemblance formelle entre deux espèces, liée à une filiation commune (par exemple, entre le bras de l’homme et la nageoire d’un dauphin).
Elle s’oppose à l’analogie, ressemblance formelle dans l’usage, indépendante d’un héritage évolutif commun (par exemple, entre la main de l’homme et la trompe de l’éléphant).
La subtilité des rapports entre homologie et analogie a joué un rôle central dans l’histoire de la biologie, quelque peu relégué depuis l’essor de la génétique et de la biochimie. Elle continue d’occuper une place centrale dans l’épistémologie batesonienne, que j’applique pour ma part à l’étude de la matrice monothéiste (analogies comportementales et homologies des figures prophétiques).

· 2023/07/05 14:46

Homosexuel

Personne cherchant à instaurer des rapports sexuels avec des personnes de même sexe.
Remarque 1 : Au moment où j'adopte cette identité, il est question de ma vie en France, de sa mise en conformité avec mon expérience au Yémen (et non l'inverse).
Remarque 2 : En lien avec mon questionnement sur la nature du lien social à Taez, cette définition insiste sur l’intentionnalité (« cherchant à instaurer ») et sur l'aspect interactionnel : quelque chose dans ma configuration subjective, que le partenaire de l’interaction peut ressentir et légitiment rejeter. C'est précisément ce qui m'intéressait sur le terrain, ce qui éclairait les blocages dont je faisais l'expérience, que je ne savais pas nommer autrement.

L'homoérotisme* a été le « noeud dans le mouchoir »GB2 de mon travail dans la période 2006-2007. Mais l'homosexualité pointait dès l'origine quelque chose de plus profond : une part d’idolâtrie (shirk)* dans la pratique des sciences sociales - absolument pas propre aux « homosexuels » - et c'est à ce titre que j'en reparle aujourd'hui.
Voir également l'entrée #intersexuation

· 2023/05/03 10:48

Honneur

Pierre Bourdieu décrit Le sens de l'honneur, dans l'une de ses « études kabyles » (1965), comme la combinaison dialectique de :

  • un sacré droit, principe masculin associé au point d'honneur - le nif (nez) dans la langue locale - soit la capacité à répondre, à relever le défi, à en mettre plein la vue…
  • un sacré gauche, principe féminin associé à la pudeur et à l'interdit - hurma dans la langue locale - soit la capacité à savoir sa place, à connaître son rang, et ainsi à ne pas se déshonorer.

Cette présentation a joué un rôle crucial dans mes premières études, et s'est naturellement intégrée aux perspectives systémiques que j'ai développé ultérieurement.

· 2023/07/08 13:29

Hystérésis

En physique : propriété d’un système ou d’un matériau dont l’état dépend de l’histoire des sollicitations auxquelles il a été soumis, ou du sens de variation de ces sollicitations (notamment dans les phénomènes d’aimantation - voir le modèle d’Ising*).
En sociologie : cette notion est une pierre angulaire de la théorie de l’habitus chez Pierre Bourdieu, où elle désigne une dimension irréversible du processus de socialisation.
Noter que l’islam a théorisé, à travers une tradition attribuée au Prophète, la manière dont les différentes religions du livre « christianisent » et « judaïsent » les jeunes enfants, en les éloignant de leur « intuition primordiale » (fitra) de l’islam. Le processus n’est cependant jamais irréversible, « pour peu qu’il y ait la volonté d’Allah ».
L’islam détient-il effectivement un monopole sur la réversibilité des processus sociaux ? La sociologie ne semble pas pressée de répondre à la question - peut-être par effet d’hystérésis…

Idolâtrie

Dans les traditions monothéistes, l’idolâtrie désigne le culte rendu à l'image d'un dieu (peinture, statue, idole…) comme si elle était le dieu en personne.
En islam, l’idolâtrie correspond à la notion de shirk (شرك), ou péché d’association : le fait d’associer à Dieu une autre entité, afin de lui vouer un culte compatible avec ses propres passions. On lui oppose le tawhîd (توحيد), un effort d’unification des pratiques d’adoration dans la perspective du Dieu unique.

Au deuxième siècle de l’islam, le christianisme traverse la crise iconoclaste : une profonde crise politique et existentielle, portant sur le caractère licite de la vénération des images. Face aux défaites militaires contre les Arabes, plusieurs dirigeants se laissent convaincre que l’Empire s'est attiré la colère de Dieu. Mais finalement, le deuxième concile de Nicée (787) impose dans l’orthodoxie le caractère licite des images, en les reliant à la notion d’incarnation. Bien entendu, les livres d’histoire racontent cette crise sans la relier à la concurrence spirituelle musulmane, mais comme une « crise de maturité » autonome du christianisme, que l’islam devrait nécessairement traverser à son tour…
Il n’en demeure pas moins que l’image en elle-même ne suffit pas à faire science - sans critique épistémique des représentations, débouchant sur une forme d’unification théorique. Ce principe est singulièrement mis à mal dans les sciences sociales de l’ère postcoloniale tardive*.

· 2023/07/16 13:07

Incarnation

L'Incarnation désigne le dogme chrétien selon lequel « le Verbe [divin] s'est fait chair [en Jésus-Christ] » (Incarnation_(christianisme)Jn 1:14). Mais l’affirmation de l’Evangile selon Jean est reprise par le Coran, ce qui est moins connu : même si Jésus n’est plus le fils de Dieu, il en est toujours le « mot », kalimat Allah (versets 3:45 et 4:171) - la descente du Coran venant reproduire ce miracle, l'incarnation de Dieu dans une Parole. Donc pour la théologie musulmane, l'équivalent de Jésus n'est pas Mohammed mais le texte coranique lui-même, Mohammed n'étant qu'un messager.

Cette continuité joue un rôle décisif dans l’émergence de la raison médiévale*. Car le problème philosophique posé n'est pas fondamentalement différent, selon que Dieu s’incarne dans un homme ou dans une parole coranique « incréée ».
Aujourd'hui le problème des « bombes humaines » est que l’incarnation ne fasse plus sens que pour des musulmans illettrés. C'est moins un problème interne à l’islam qu’un problème de conjoncture intellectuelle dans le dialogue œcuménique, qui concerne les diplômés en général.

· 2023/07/12 13:29

Indigène

Informateur renvoie ici également.

La méthodologie ethnographique* distingue deux types de contributions à l’enquête :

  • l’indigène incarne sa « culture » (par ses paroles, ses actes, par ce qu’il est…) dans le regard du scientifique qui fait des observations ;
  • l’informateur, qui maîtrise la langue du scientifique, lui donne des informations. Il parle sur les actes et les paroles qui constituent la « culture ».

De l’extérieur, ces termes évoquent le colonialisme, époque où l’anthropologie s’est affirmée comme discipline universitaire. Mais l’inégalité coloniale a beau être abolie, les situations d’enquête sont rarement égalitaires. Ces mots restent indispensables à la discussion critique, notamment sur les effets du postcolonialisme*.

Lorsque l’ethnographe travaille, l’islam est pour lui une théorie indigène (voir l’entrée Science). Cela ne l'empêche pas d'être éventuellement musulman, de tenter de faire son travail en conscience, en se regardant parfois lui-même comme un informateur.

· 2024/02/07 12:21

Intégration

En mathématiques l’intégration est une somme de parties, addition d’une infinité de divisions infinitésimales, qui converge néanmoins vers une quantité finie.
En physique, on s’efforce de modéliser des situations réelles complexes d’une manière qui soit mathématiquement intégrable. Lorsqu’on y arrive, on tient une explication*. Donc en termes batesonien, l’intégration apparaît comme une tautologie* de très longue portée.
En microhistoire*, on tente d’expliquer la réussite ou l’échec d’un acteur historique particulier, en s’interrogeant sur les conditions qui président à l’intégration des actions individuelles - « l’agrément de Dieu », en termes pré-modernes.
En théologie monothéiste, Dieu conditionne l’agrément des actions individuelles, à travers la médiation tautologique d’un message révélé, qui permet leur intégration. De fait, a-t-on connaissance de phénomènes sociaux de portée comparable aux traditions monothéistes ? À ce jour, ce type d’intégration n’a été réalisé ni par les mathématiques, ni par les sciences modernes et « transhumanistes ».
Note : La cohérence de toute cette affaire se retrouve probablement dans les croyances philosophiques et religieuses de Descartes, Leibnitz, et autres inventeurs du calcul infinitésimal.

· 2023/07/10 17:56

Intersexuation

= Entrée du glossaire.
Voir aussi l'entrée des termes arabes et le sommaire intersexuation Sommaire intersexuation

Je définis l’intersexuation comme le fait d'être issu d'un homme et d'une femme, puis d’avoir à tenir sa place d’homme ou de femme, au sein d’un monde différencié. Trait inhérent à la condition humaine, l’intersexuation relève à la fois d’un honneur et d’une honte, deux principes indispensables au sens de l’honneur* (voir l’entrée correspondante).

⇒ À travers ce terme, je cherche surtout à retranscrire la richesse sémantique de la racine kh-n-th, qui est loin de se limiter à une vision médicale et biologique de la différence sexuelle.

Comme concept scientifique, j’utilise « intersexuation » dans un sens assez proche de la « bisexualité psychique » en psychanalyse : un état de prime nature caractéristique de l’enfance, dont l’adulte doit sortir pour s’inscrire dans le monde, tout en en gardant l’intuition.
L’intersexuation est la part d’ambiguïté sexuelle de la prime nature (fitra en arabe)°, déjà pointée dans la pensée monothéiste : c’est l’état d’incirconcision (ghulf) corrigé par la circoncision rituelle, mais surtout par la foi (Coran 2:88).

· 2023/04/15 15:35

Intuition

On définira ici l'intuition comme le sens de l’honneur* du physicien (pour limiter la discussion philosophique au strict nécessaire).

La physique, ce n’est pas seulement des modèles mathématiques : c’est surtout l’art de ne pas s’en servir… Savoir les conséquences d’une approximation, ses conditions de validité ; savoir discerner la barrière au-delà duquel on bascule dans le délire… Être physicien en temps normal, c’est s’extraire du délire. C’est développer des habitudes intellectuelles pour le déceler très vite, pour falsifier l’hypothèse, sortir le contre-exemple…
C'est cette qualité « indéfinissable » que les physiciens nomment intuition, ou parfois sens physique. Et bien sûr l'intuition se transmet, elle fait l'objet d'un apprentissage, quoi que tacite. Face à un inconséquent, le véritable homme d'honneur ne doit pas forcément sortir son épée… Il en est de même dans la formation intellectuelle du physicien. L'activité du chercheur repose sur une activité sociale et relationnelle culturellement définie, dont ce mystérieux concept porte la trace.
En anthropologie, on parlerait d'un « signifiant flottant » : un concept dont la plasticité ménage certaines ambiguïtés organisationnelles, qui rendent possible la coopération. Ce « signifiant flottant » a joué un rôle pivot dans mon propre cheminement - de la physique à l'anthropologie, de l'anthropologie à l'islam. Restait à ménager lesdites ambiguïtés dans mes communautés d'adoption (musulmane, académique), ce qui n'a pas toujours été possible (d'où mon repli stratégique sur les questions d'intersexuation*).

· 2023/07/16 10:50

Islam

Le mot prend un sens différent selon qu’on l’orthographie avec ou sans majuscule :

  • islam désigne la tradition religieuse, comme le veut l’orthographe française (au même titre que christianisme, protestantisme ou judaïsme) ;
  • Islam, avec la majuscule du nom propre, désigne une époque (l'Islam médiéval) ou un lieu géographique (au même titre qu'Algérie, Europe ou Occident), quand ce n'est pas la Communauté musulmane personnifiée.
    Ces usages sont inévitables, et néanmoins toujours problématiques.

⇒ Sous ma plume :
l'Islam-majuscule désigne uniquement une réalité humaine constituée en objet, par les sciences sociales*, ou par la pratique réflexive* des musulmans eux-mêmes dans la modernité* ;
l’islam-minuscule renvoie à l’humilité du croyant dans le regard d’Allah…

Retenir :
islam-religion / Islam-objet

· 2023/05/29 11:33

Islamique

Hypothèse intermédiaire entre l’hypothèse du Social* et l’hypothèse monothéiste*.

· 2023/06/21 09:16

Littéraire

Héritier d’une tradition par laquelle la chrétienté latine, puis l’Europe*, ont tenté de rester aux prises avec le monde malgré la révolution scientifique, et ce à travers les livres, les traces laissés par des hommes dans un système de signes. Tradition dont la civilisation cybernétique*, avec ses data d’utilisateurs, est l’actuel prolongement.

En découdre avec Michel
Tawhid et anthropologie
(section 3 : La nouvelle « conversion » des musulmans diplômés)
(…) / Glossaire

· 2023/05/03 10:48

Logos

Terme central de la pensée grecque antique, qui postule la possibilité de saisir le monde à travers un art du discours parlé, tel qu’il se déploie dans la philosophie*, et dont découle la logique.
À l’inverse, la tradition du monothéisme* conçoit la possibilité de saisir le monde à travers le discours révélé d’un Dieu créateur, extérieur à l’activité discursive ordinaire des hommes.
Rassemblées dans le creuset chrétien, puis islamique, la raison médiévale ('aql) permet le développement parallèle de ces deux traditions, qui s'effondrent à nouveau l'une sur l'autre dans le rationalisme* européen.

Si l’idée monothéiste fait naître le goût des livres anciens, peut-on vraiment se fier à ceux d’Aristote ? Non, répondent les premiers philosophes chrétiens, comme Augustin d'Hippone (IVème siècle), dit Saint Augustin. Articulée dès les premiers siècles du christianisme, la question des rapports entre Raison et Révélation demeure au centre de la pensée médiévale, notamment d’expression arabe (al-‘aql wal-naql, العقل والنقل), où se développe une connaissance intime de cette philosophie. Mais avec l’œuvre philosophique de Thomas d’Aquin (XIIIème siècle), dit Saint Thomas, la chrétienté latine prétend avoir résolu le dilemme, ouvrant la voie au développement exponentiel de l'Université*, et finalement au rationalisme moderne (XVIIème siècle).

Mamelouk

Phénomène transversal dans l’histoire politique des pays d’islam du IXe jusqu’au XIXe siècle, les mamelouks sont une milice d’esclaves d’origine non-musulmane, formés en vue de tâches militaires ou administratives, souvent appelés à occuper de hautes fonctions, voire à assumer eux-mêmes le pouvoir. Les Mamelouks sont affranchis au terme de leur éducation, mais ils gardent une fidélité totale à leur groupe - un peu comme en France les corps de l’État…

Le système mamelouk est important pour expliquer ce que nous sommes : un maillon de notre histoire culturelle, invisibilisé par notre méconnaissance du Moyen-Âge et de l’Islam*. Initialement, la raison d’être des mamelouks est d’assurer la stabilité de l’État musulman, face à des sociétés structurées par les patrilignages et la segmentarité*. La chrétienté latine n’a pas ce problème, mais elle s’approprie progressivement les innovations culturelles médiévales (émergence des universités européennes*) : la Papauté fabrique, d’une certaine manière, ses propres mamelouks à partir de sa propre population, et ce processus fait émerger l’idée de Nation.

Au XIXe siècle, les mamelouks perdent progressivement leur importance ou sont physiquement éliminés, au fil des luttes d’influence entre les Empires et les Nations. L’interdiction de l’esclavage participe de cette évolution, et le phénomène se tarit. Mais passée la parenthèse nationaliste arabe, quelque chose de ce phénomène ressurgit (avions projetés dans les tours jumelles, Daech…).

Mamelouk
La matrice monothéïste (l'Islam comme métacontexte de l'histoire des idées européenne)
Occident/Orient : une intersexuation réciproque
(…) / Glossaire

· 2024/02/24 07:10

Matrice monothéiste

Ensemble des rapports schismogénétiques* entre les différentes traditions monothéistes*, accessibles par diffraction des figures prophétiques* et des conceptions de l'Alliance* dans les situations du monde contemporain.
La compréhension de la matrice monothéiste permet de renouveler la neutralité laïque, en combinant le point de vue surplombant de l’anthropologie et de l’histoire avec les points de vue internes aux traditions religieuses.

· 2023/06/22 10:23

Métacommunication

La particule méta- vient du grec ancien μετά, « au-delà, après ».
Le terme métacommunication est introduit par Gregory Bateson en 1935 pour pallier l’insuffisance d’une conception « télégraphique » de la communication, simple transfert d’informations de A vers B. En réalité, la communication implique toujours l’existence d’un cadre, dans lequel les messages sont interprétés. Et dans toute communication réelle, une partie des messages porte en fait sur ce cadre, qu’elle cherche à maintenir ou à faire évoluer. Bateson nomme « métacommunication » cette partie du message : l’art de communiquer sur la communication.

Métacontexte : partie du contexte ne faisant pas forcément l’objet d’une communication explicite, néanmoins indispensable à l’interprétation correcte des messages produits. Selon moi, l’Islam* est un métacontexte de l’histoire des idées européenne.

· 2024/04/11 08:30

Microhistoire

La microhistoire est un courant de recherche historiographique né dans les années 1970 en Italie, en réaction à l’école des Annales. Proposant aux historiens de délaisser l’étude des masses ou des classes pour s’intéresser aux individus, elle développe des réflexions méthodologiques intéressantes sur la variation des échelles d’analyse et d’observation.
J'investis ces débats pendant mon année de DEA, en lien avec ma formation antérieure en physique des transitions de phase*. Ces modèles continueront ensuite d'organiser mon travail de manière souterraine, malgré l'adoption en façade d'une posture plus « littéraire »*, en lien avec la problématique de l'homoérotisme*.

· 2023/07/10 17:58

Modèle d’Ising

Le modèle d’Ising est un modèle théorique de base en mécanique statistique (ou physique des transitions de phase*). Il a été introduit en 1924 par les physiciens allemands Wilhelm Lenz et Ernst Ising, afin d’expliquer les propriétés ferromagnétiques des matériaux.

  1. On considère un réseau de « spins », lesquels sont de petits aimants permanents ;
  2. chaque spin porte une valeur soit de « + » soit de « - » et a tendance à se modifier pour s'aligner avec les spins à côté de lui ;
  3. la chaleur permet aux spins de se modifier au hasard ;
  4. les spins s'ajoutent à une magnétisation nette.

Le modèle d’Ising a l’avantage d’être intégrable*, c'est-à-dire soluble mathématiquement.
Quand il fait assez froid, tous les spins s'alignent et forment collectivement de grands aimants. Quand il fait assez chaud, les spins se modifient si fréquemment qu'ils deviennent indépendants de leurs voisins, comme un gaz de spins, de sorte que le réseau n'a pas de magnétisation globale. La transition entre ces phases est abrupte, et à la température critique exacte on observe de nouveaux comportements intéressants.
(Repris de Aperçus aléatoires sur l’universalité en physique, page de l’ENS Lyon attribuée à Harriet Walsh & Philip Clarke)

Dans la section Modèle(s) : Variations sur le modèle d'Ising
L'abandon du modèle d'Ising (systèmes complexes)
Voir aussi l'entrée : transition de phase
(…) / Glossaire

· 2023/07/10 17:55

Modernité

Le latin tardif utilise l’adverbe modo (« à l'instant », « il y a peu ») et l’adjectif modernus (« récent », « actuel »).
Être moderne, c’est être avec son temps - ce qui est vu comme une chose positive dans certaines sociétés et circonstances historiques, en fait étroitement liées à l’expérience européenne* de la Renaissance.
Faisant de nécessité vertu, les philosophes ont théorisé cette attitude intellectuelle émancipée des Anciens, tournée vers l’avenir et la rationalité* - elle-même peu à peu devenue norme de comportement, sous la toute puissance de l’État.
La modernité désigne cette expérience historique distinctive, que certains rejettent tout en étant constitués par elle, dans l’inconscient collectif (y compris chez des peuples non-européens).
L’adhésion consciente à la modernité est la prérogative spécifique des musulmans, qui justifie leur surveillance par l’État.

· 2023/05/29 12:35

Monothéisme

Le monothéisme est l’idée que l’homme peut être sauvé de son imperfection par une alliance* avec Dieu, unique agent créateur de toute chose, omniscient et omnipotent, par la médiation d’un texte révélé. Les divergences humaines, quant à la définition du corpus révélé et les modalités de l’Alliance, se traduisent par l’émergence d’une matrice monothéiste*.

· 2023/06/21 07:21

Multisite

(circumstantial activist pointe ici également)

On parle d’ethnographie multisite quand l’anthropologue délaisse la conception traditionnelle du terrain (l’unité villageoise), afin de suivre les circulations mondialisées de certaines personnes, de certains objets ou de certains concepts. Cette notion est formalisée en 1995 par George Marcus (d’après Emily Martin) dans un article programmatique intitulé : L’ethnographie du/dans le système-monde. Ethnographie multi-située et processus de globalisation.
L’ethnographe est alors qualifié de circumstantial activist.

· 2024/01/15 11:12

Musulman diplômé

L’expression « musulman diplômé » est récurrente sous ma plume, mais pas en tant que catégorie sociologique : en tant que destinataire de mon interpellation d'anthropologue-musulman*.

• Le musulman diplômé comme interlocuteur d’une démarche d’anthropologie symétrique : qui conçoit le « terrain » comme lieu de relations intellectuelles égalitaires, quitte à diffracter stratégiquement celui-ci (voir l’entrée « ethnographie multisite »*).
⇒ Si j’ai pu me convertir à l’islam en me retirant du terrain, alors il doit exister ailleurs des musulmans diplômés, et ceux-ci sont mes interlocuteurs privilégiés.

• Le musulman diplômé comme paradoxe de l’anthropologie historique : rattaché à la civilisation médiévale par l’islam, et en même temps par son diplôme, à l’affirmation subjective de l’Europe* contre et de l’intérieur de celle-ci (voir l’entrée « université »*).
⇒ Le musulman diplômé émerge à la faveur d’un double moment historique postcolonial* : d’une part la défaite du fascisme, dont l’obsession était de défendre la pré-éminence européenne (notamment dans l’accès aux universités) ; d’autre part l’adhésion de sa propre société d’origine à l’aventure nationaliste, qui la conduit à fonder son propre système d’enseignement public et ses propres universités. Mais la greffe du nationalisme ne prend pas vraiment : ni sur le plan militaire (on le sait dès 1967), ni sur le plan sociétal (constitution d’une hiérarchie ploutocratique qui étouffe la dynamique universitaire).
Le diplômé musulman émerge de ce double naufrage : celui du nationalisme européen et celui du nationalisme (arabe) postcolonial.

· 2024/01/08 14:09

Objectivisme

Définition du Larousse : « Doctrine philosophique aux termes de laquelle ce qui apparaît avec évidence à l'esprit constitue la vérité ultime de la réalité extérieure ».

L’objectivité a été posée conceptuellement par les philosophes grecs, à travers ce qu’on appelle le logos* : la possibilité d’un discours vrai, dans lequel les mots recouvrent des choses dans un rapport de vérité. Pour autant, la tradition grecque savait mettre en garde contre une confiance excessive en l’objectivité du langage, fut-il scientifique : les Grecs distinguaient évidemment le logos du noûs, l’Intellect gouvernant le monde, et Aristote n’était jamais séparé de son maître Platon.
En Occident, après la réduction mathématique de la raison médiévale*, l’objectivisme a gagné la partie. Dans la conception qui est la notre, la science implique nécessairement une recherche de l’objectivité.

Les sciences sociales* sont objectivistes, comme toutes les disciplines scientifiques. Mais par la nature de leur objet, elles sont confrontées plus directement au danger associé. « L’objectivisme enferme toujours la virtualité d’un essentialisme », nous prévient Pierre Bourdieu.

· 2023/06/10 11:44

Observation participante

Méthode de travail des anthropologues, théorisée tout au long du XXème siècle, visant à faire coexister une forme d’empathie et une forme d’objectivation.

Occident

L’Occident n’est pas un pays, ni une région du monde, ni une tradition monothéiste. Il est le rapport au monde d’une civilisation matérielle, auquel n’est réductible aucune culture d’aucun pays, et dont nous voyons bien qu’elle échappe partiellement au « génie civilisationnel » censé l’avoir engendré.

De ce qu’on nomme « Occident », les différentes traditions monothéistes n’ont pas la même perception, par une diversité constitutive de la matrice monothéiste*. Il y a d’une part, l’identification de l’Europe* à la pensée grecque, de la bataille de Salamine à la Guerre Froide. Il y d’autre part, la pertinence transhistorique du hanbalisme*, producteur d’une non-identification à la pensée grecque. Mais ni l’une ni l’autre n’interdit la maîtrise de cette pensée. Aucune tradition monothéiste n’est l’Occident, de même qu’aucune d’entre elle n’a le monopole de l’Orient.

· 2023/07/06 12:39

Ontogenèse

En biologie : « Processus de développement de l’individu ; elle comprend le développement embryonnaire dirigé par le patrimoine génétique, plus tous les changements éventuels que le milieu ou l’habitude peuvent imposer. » (repris du glossaire de La Nature et la Pensée, p.235). On oppose souvent l’ontogenèse à la phylogenèse, qui décrit l'histoire évolutive de l'espèce, les deux étant liés par des relations homologiques*.
Ces questions fondamentales de la biologie constituent la formation initiale de l’anthropologue Gregory Bateson, qui m’a aidé à structurer mes idées à partir de 2008 : une formation intellectuelle portée sur l’observation des structures dynamiques du vivant, réservoir d’analogies quasi-inépuisable pour l’étude des comportements et institutions humaines.
C’est cette approche qui organise mon appréhension actuelle de l’histoire monothéiste.

L’ontogenèse ethnographique (sous ma plume) désigne métaphoriquement le processus d’émergence, en lien avec une tradition monothéiste, d’une conscience intellectuelle située (voir la notion d’ethnographie), puisant simultanément dans son « patrimoine génétique » (le Livre révélé) et dans l’interaction de sa communauté.

Orient

L'Orient est ce lieu dont la traversée ponctuelle peut renouveler tous vos horizons, et vous nourrir pour toute une vie. Il n'y a là de ma part aucun fanatisme et aucun parti pris : l'Orient est un phénomène anthropologique objectif, lié à l'assise monothéiste de l'histoire des idées européenne.

« Le Moyen-Orient, économiquement en retard, porte les formes familiales les plus complexes et les plus “évoluées” : la famille communautaire endogame, qui associe le père et ses fils mariés, puis encourage le mariage entre les enfants de ces frères, résulte de cinq mille ans d’évolution. L’Amérique du Nord, leader de la globalisation économique puis de sa contestation, représente, plus encore que l’Angleterre ou la France du Bassin parisien, la forme familiale nucléaire la plus proche du modèle originel d’homo sapiens. »

Emmanuel Todd dans Où en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine (Seuil 2017).
Frise résumant ce que je comprends de l'histoire (intellectuelle) du monde

Philologie

Du grec : l’amour (philo-) des mots ou des textes (-logie).
Les disciplines philologiques sont des disciplines littéraires par excellence, qui se spécialisent dans une langue ou un corpus donné : Égypte ancienne (hiéroglyphes), traditions bibliques (hébreux ou grec, araméen et arabe), théologie médiévale (latine et arabe), traditions vernaculaires (vieux français), etc.. Elles développent chaque fois des savoir-faire spécifiques : dater les manuscrits, connaître l’évolution des termes selon les époques, distinguer un texte original de ses reprises ultérieures, parfois même le reconstituer… L’approche philologique conçoit l’accès au corpus comme une fin en soi, indépendamment de toute re-conceptualisation - contrairement à l’approche philosophique*, et contrairement à l’approche sociologique a fortiori.

En France, l’établissement d’excellence des disciplines philologiques est l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), fondée en 1868 sur le modèle de l’érudition allemande. Après la seconde guerre mondiale, l’approche philologique est marginalisée par la montée en puissance du paradigme sociologique*, indissociable d’une forme de réductionnisme* : l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS, à l’origine VIe section de l’EPHE, pèse aux alentours de 40M€ de budget annuel, contre 4M€ pour la maison-mère.
Toutefois en ce qui concerne l’étude de l’Islam*, les sciences sociales sont aujourd’hui plombées par une suspicion latente « d’islamo-gauchisme » : l’heure est au « réarmement » des compétences philologiques, encouragé par l’État à travers la création institutionnelle de l’islamologie*.

· 2024/04/16 14:48

Philosophie

La philosophie est une tradition intellectuelle qui se développe en Grèce classique, autour d’une séquence biographique étonnante, fondatrice de l’époque hellénistique :

  1. Socrate est un maître énigmatique d’Athènes qui pratiquait le dialogue spéculatif, et prétendait ainsi « faire accoucher les esprits ». Accusé de corrompre la jeunesse, il est condamné à boire la ciguë en l’an -399. Son activité ne nous est connue qu’indirectement.
  2. Platon est un disciple de Socrate, dont il couche les dialogues par écrit. Ses traités sur le beau, le politique, la vertu, développent la notion de logos. Il est le fondateur de l’Académie.
  3. Aristote est un élève de Platon de statut métèque (non-athénien), qui applique le logos de manière systématique aux réalités d’ici-bas, et fonde ainsi les premières disciplines : biologie, physique, politique, rhétorique, logique… Ses ouvrages resteront pendant deux millénaires - jusqu’à la révolution scientifique européenne - les références incontournables de toute activité scientifique rationnelle.
  4. Alexandre-le-Grand est le fils du roi de Macédoine, qui engage Aristote comme précepteur pour l’élever dans l’idée platonicienne du Philosophe roi. Alexandre réunit les cités grecques pour envahir l’empire Perse, diffuse la culture grecque en Égypte et jusqu’aux rives de l’Indus (Inde actuelle). Il meurt de maladie en -323, âgé de trente-deux ans, sans avoir mené à bien son projet de conquête de l'Arabie.

L’ère hellénistique prend fin quatre siècles plus tard avec le développement du message chrétien, synthèse du logos* et de la prédication monothéiste*, où Jésus prend peu ou prou la place de Socrate. L’activité philosophique décroit.
Sous domination arabe, la philosophie connaît une seconde jeunesse qui permet l’émergence de la raison* médiévale. Introduite en Europe, “digérée” par Thomas d’Aquin (m. 1274), elle sert de socle théologique à l’Église pendant quelques siècles, jusqu’au choc frontal avec Galilée (m. 1642) et Descartes (m. 1650), qui discrédite Aristote définitivement.
En Europe, la science s’est réorganisée autour des propositions cartésiennes. Mais on continue d’entretenir des philosophes qui lisent les auteurs grecs… ainsi que ceux qu’ils jugent compatibles : un rituel identitaire européen, qui pallie les insuffisances du dualisme* et nous permet, malgré l'ignorance de notre propre histoire, de rester en contact avec le monde.

· 2024/04/16 14:42

Postcolonial

Sur l’ensemble de ce site, j’utilise le terme « postcolonial » au sens de la périodisation : l’époque postcoloniale est une période historique qui a succédé à l’époque coloniale, elle-même en passe d’être remplacée par une nouvelle période - « post-postcoloniale », comme on pourrait la nommer temporairement.
Cet usage diffère d’un autre, peut-être prédominant mais que je considère abusif, où le terme postcolonial signifie : « encore colonial », la continuation du colonial jusque dans le présent. Dans bien des situations, l’usage du terme suffit à me positionner dans un camps : mes interlocuteurs partent au quart de tour, après quoi il faut désamorcer ; l’incident ouvre un espace à la discussion.
De mon point de vue, le terme postcolonial reste indispensable lorsqu’on parle du Moyen-Orient, afin de pointer l’organisation spécifique du monde entre 1945 et 2011.

  • 1945, l’établissement d’une Pax Americana au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, reprenant à son compte la doctrine énoncée durant la Première par le Président Wilson : « le droit des peuples à disposer d’eux-même ». Doctrine qui attribue un rôle singulièrement central aux sciences sociales (indispensables pour se constituer comme « Peuple »… - d'où une forme d'idolâtrie* inhérente à l'exercice).
  • 2011, moment historique de cristallisation de la promesse postcoloniale, qui est aussi un « chant du cygne ». Dorénavant la population arabe est massivement alphabétisée - donc plus manipulable par les médias et réseaux sociaux, certes, mais attachée surtout au cadre des « Républiques Arabes »… - et voilà soudain qu'elle se soulève, en reprenant sans équivoque le lexique européen : pour demander l’État de droit.

Réponse des Nations Occidentales entre frilosité (Syrie, Yémen), opportunisme des dirigeants (Egypte, Libye), et émotivité des opinions publiques (qui ne voient pas plus loin que l’assassinat de caricaturistes au bout de leur rue, pendant que des pays sont rayés de la carte). Une trahison historique ? Peut-être. En tous cas un démenti de fait aux croyances collectives qui sous-tendaient l’action politique. Disons un démenti historique, dont l’époque postcoloniale ne peut simplement pas se relever.

J'utilise aussi l'expression : ère postcoloniale tardive. En général il s'agit du Yémen des années 2000 (déjà pleinement conscient de ces contradictions) ou de la France des années 2010 (qui persiste dans son déni).

· 2023/06/22 08:39

Printemps arabe

Brusque effondrement de l’ordre politique et des jeux interactionnels associés (enchantement ethnographique), lié à la soudaine disqualification du regard occidental.
L’expression désigne communément les soulèvements de l’année 2011, dans plusieurs pays arabes aux régimes plutôt républicains ; je l’utilise ici comme nom commun désignant le retournement survenu lors de mon premier séjour, dont découle toute l’histoire ultérieure.

· 2023/05/14 12:16

Prophète

L’islam perçoit l’ensemble des figures prophétiques comme découlant d’un archétype unique, que le texte coranique introduit par un système de références croisées. Il n’y a jamais un livre par prophète comme dans la bible hébraïque (à l’exception de la sourate de Joseph/Yûsuf, n°12). Le Coran fonctionne plutôt par des allusions, toujours lacunaires, dispersées en fonction des sujets abordés ou rassemblées dans une vision récursive (comme dans la onzième sourate, Hûd, la plus accessible pour saisir cet archétype). Mais ce fonctionnement est déjà perceptible dans les Évangiles vis-à-vis de l’Ancien Testament, ainsi que dans les traditions interprétatives du judaïsme, antérieures ou postérieures.
En comparant les portraits retenus dans les différents textes bibliques, ou élaborés par les traditions interprétatives, on constate des déplacements toujours significatifs (matrice monothéiste*).

· 2023/07/18 08:12

Raison

Le terme latin ratio signifie initialement calcul, ou méthode. Mais pour prendre son sens actuel de raison (qui existe dans toutes les langues européennes), il s’est trouvé investi de l’héritage intellectuel grec à travers deux chemins bien distincts, l'antique et le médiéval. Récapitulons cette histoire :

  1. Le terme ratio est utilisé dans les traductions latines de l’antiquité, comme équivalent de la notion grecque de logos (λόγος)*, la pensée appuyée sur le discours - notamment chez le philosophe romain Cicéron, mort en - 43.
  2. Mais avec l’irruption du christianisme, le terme grec logos est préempté dans son sens non-philosophique ordinaire : on parle de la Parole de Dieu, apportée par Jésus et les prophètes du judaïsme. Les deux usages sont incompatibles, si bien que la tradition philosophique s’éteint progressivement.
  3. La révélation coranique apporte un nouveau déplacement : Jésus n’est pas le fils mais seulement le mot de Dieu, kalimat Allah (كلمة الله) - voir versets 3:45 et 4:171. Les mots ainsi désintriqués, théologiquement et linguistiquement, l’activité philosophique peut renaître dans une tradition d’expression arabe.
    En problématisant les rapports conflictuels entre Philosophie* et Révélation, les penseurs musulmans travaillent pleinement l’hypothèse philosophique du noûs (νοῦς), l’Intellect gouvernant le monde (que les Grecs n'ont jamais confondu avec le logos), qu’ils expriment par la notion arabe de ‘aql (عقل).
  4. Mais pour traduire ‘aql, lors des grandes traductions latines du XIIe siècle, c’est encore ratio qui est utilisé. Dès lors, le terme latin est investi de deux notions grecques distinctes - à la fois le noûs et le logos - ce qui relance la question des rapports entre Raison et Révélation (scolastique).
  5. Au XVIIe siècle, l’absolutisme européen se cristallise dans la pensée de René Descartes (m. 1650), avec son fameux mot d'ordre : « Je pense donc je suis » (Cogito Ergo Sum)*. C’est la naissance du rationalisme européen, dont la filiation est indissociablement chrétienne et musulmane : puisque je m’identifie à Jésus (qui est le mot de Dieu), ma pensée (logos) est aux prises avec l’Intellect du Monde (noûs).
    En pratique cependant, le dualisme* cartésien ne fonctionne vraiment que dans le domaine des mathématiques… Face à Descartes, Blaise Pascal (m. 1662) souligne le paradoxe par son aphorisme bien connu : « Le cœur a ses raisons (noûs) que la raison (logos) ne connaît point… »
· 2023/07/18 08:22

Réductionnisme

Voir l'entrée Transition de phase.

· 2024/04/16 13:04

Réflexivité

Exercice qui consiste à observer l’observateur, à étudier les modalités de la connaissance. À l’ère postcoloniale, la réflexivité devient un élément fondamental de l’exercice ethnographique* et de sa scientificité. Pour autant, les chercheurs répondent à cette injonction sous des formes très différentes, qu’il convient de distinguer :

  • la réflexivité d’enquête (explicitation des alliances* nouées sur le terrain) ;
  • la réflexivité d’auto-analyse (sociale, familiale, psychanalytique…) ;
  • la réflexivité épistémique (au sein de l’Arbre de la Connaissance, quels paradigmes ont déterminé l’approche scientifique qui a été la mienne) ;

La Réflexivité dans la méthode ethnographique.
(…) / Glossaire

· 2023/07/08 13:27

Rupture de symétrie

La rupture de symétrie est un phénomène bien connu des physiciens, moins bien connu des biologistes, et moins bien encore des chercheurs en sciences sociales, bien qu’il joue un rôle central dans l’émergence des configurations historiques.
On citera les exemples suivants :

  • En physique des transitions de phase*, lorsqu’on passe d’un état désordonné de la matière à l’établissement d’une structure cristalline, orientée d’une certaine manière ;
  • En biologie, dans l’épigenèse des vertébrés : « Le spermatozoïde pénètre dans l'œuf un peu en dessous de l'équateur et c'est le méridien passant par les deux pôles et le point d'entrée qui définit le plan médian de la symétrie bilatérale de la grenouille. (…) Une piqûre avec une fibre d'une brosse à poils de chameau peut faire tout aussi bien l'affaire. »
  • En ethnographie, l’établissement d’une alliance d’enquête* ;
  • En anthropologie, l’établissement d’une alliance* monothéiste.
· 2023/07/19 07:52

Schismogenèse

Processus de différenciation réciproque entre deux groupes sociaux, qui peut prendre une forme symétrique ou complémentaire, à travers leurs interactions cumulées.
Le concept est proposé par l’anthropologue Gregory Bateson dans Naven (1936), son œuvre de jeunesse, consacrée à l’étude d’une tribu de chasseurs de tête en Mélanésie. Le concept aura une influence profonde sur l’ensemble des sciences sociales, en histoire (notion de configuration chez Norbert Elias) et en sociologie (interactionnisme d’Erving Goffman). Bateson transposera ensuite la même idée en psychiatrie, avec l’hypothèse de la double contrainte* dans la genèse de la schizophrénie.
Voir aussi l’entrée matrice monothéiste* (application de la schismogenèse à l’histoire de l’aire culturelle monothéiste).

Chantier Averroès (passage d'une schismogenèse symétrique à complémentaire dans les rapports Europe-islam)
(…) / Glossaire

· 2023/04/14 11:06

Science

Mes lecteurs sont susceptibles d’avoir en tête surtout deux conceptions du mot « science », qu'il importe ici de distinguer clairement :

  • la conception liée à la révolution scientifique européenne du XVIIe siècle (Descartes, Newton, Galilée…) ;
  • la conception islamique, qui naît (dans la conception sunnite orthodoxe) avec la révélation coranique du VIIe siècle ;

Pour le versant épistémologique* de cette distinction, voir les entrées : #raison, #monothéisme. Bien d’autres conceptions existent et sont anthropologiquement possibles, mais leur examen excèderait la portée de ce site.

Par défaut sur ce site, j’utilise le mot science dans le sens moderne : c’est l’histoire d’un physicien qui part au Yémen, et je m’exprime aujourd’hui comme anthropologue. Dans le domaine des sciences islamiques, je ne peux me prévaloir que d’une fréquentation dilettante, encore teintée d’observation participante*, mais d’aucune formation sérieuse à ce jour (ijâza).

  • Qu'en est-il du logos* chez les Grecs, cinq siècles avant notre ère? C'est précisément sur cet héritage que le monde monothéiste s'est divisé pendant deux mille ans, conduisant à l'émergence de ces deux conceptions.

Notons qu’à la tradition philosophique grecque*, la révolution scientifique européenne entretient des rapports complexes et ambivalents : elle s’affirme initialement contre Aristote, ce qui lui donne son momentum et son statut de « révolution », pour autant elle s’inscrit dans le moment culturel de la Renaissance, qui prône le retour aux sagesses de l’Antiquité. Et comme le génie mathématique cartésien a finalement échoué à renouveler l’ensemble du savoir humain, les filiations aristotéliciennes demeurent dans de nombreux domaines.
Par contraste dans l’Islam* comme civilisation, les deux conceptions sont distinguées plus clairement. Des auteurs médiévaux d’expression arabe ont apporté des contributions décisives dans de nombreux domaines (médecine, histoire, optique, astronomie) ; l’historien des sciences repère même des évolutions plus profondes de l’approche scientifique elle-même (abstraction algébrique, expérimentation…). Mais « l’inspiration divine » n’y est pour rien, en tous cas la science islamique n’a jamais joué à ce jeu-là, dans sa conception sunnite orthodoxe - contrairement notamment à Descartes*, dont l’approche spirituelle fait également tradition. La science islamique a toujours distingué très clairement les sciences religieuses et celles de ce bas monde, et cette distinction (liée historiquement au hanbalisme*) a été en elle-même fondamentale pour l’histoire des sciences.
De cette clarté passée vis-à-vis de la science des Grecs, découle l’ambivalence actuelle vis-à-vis des sciences modernes, légitime et nécessaire à l’heure de la crise écologique. Cette ambivalence-là, les musulmans d’aujourd’hui gagneraient peut-être à l'assumer plus clairement.

· 2023/10/10 08:46

Segmentarité

Terme introduit par Émile Durkheim pour décrire les organisations tribales, dans une perspective évolutionniste. Ces « sociétés primitives » sont organisées par des mouvements de « fission » et de « fusion » - point d’honneur* qui accroît les conflits, pudeur qui les enterre… - et peuvent ainsi encaisser à peu près n’importe quelle épreuve. Elles ont la propriété segmentaire des vers de terre, qui lorsqu’on les coupe forment deux individus autonomes…

L’enjeu de mon travail était de renverser cette perspective évolutionniste, en redécouvrant cette propriété sur le terrain du genre, comme propriété de la société en général : une propriété d’invariance par changement d’échelle*, liée à un « état de grâce » plutôt qu'à un état de nature.

« La segmentarité retrouvée par surprise à Taez, épicentre du Printemps yéménite » (texte de 2013)
Emmanuel Todd et la densification tendancielle des formes familiales.
Société segmentaire sur wikipedia

Sionisme

Dans le cadre de ma réflexion sur la matrice monothéiste* du monde contemporain, je propose la définition suivante :
Situation où une autre tradition religieuse se coule dans les conceptions théologiques du protestantisme, afin de négocier l’existence d’un projet national ou communautaire.

Cette définition fait référence au rôle matriciel du protestantisme évangélique dans l'aboutissement du projet de Theodor Herzl, à travers notamment la figure de William Hechler. Pour ces éléments peu connus du public français, je renvoie à la conférence en 2020 d’Antoine Fleyfel, philosophe et théologien catholique libanais (ici sur Hechler, sur le phénomène contemporain).

· 2024/02/29 21:29

Structure

« Disposition, Agencement des parties (d'un ensemble), tel qu'il apparaît lorsqu'on l'étudie » (Dictionnaire Le Robert).
Dans l'espace théorique des sciences sociales (marxisme, structuralisme…), chaque orientation se définit par une certaine conception sous-jacente du mot : ce qu'on entend au juste par « structure », où on la situe dans le réel.
Pour moi, la notion est étroitement liée au paradigme batesonien de l'écologie mentale*.

Structure qui relie (pattern which connects) : expression utilisée par Gregory Bateson à la fin de son œuvre, désignant l’appréhension du monde dans son unité épistémique*.

Remarque : dans ma reprise contemporaine des débats théologiques médiévaux, je mobilise la notion de « Social »* contre celle de structure (conformément à la tradition durkheimienne d'origine).

· 2023/07/06 10:50

Social

Adjectif que nous prononçons tous sans y penser (centre social, mouvement social, prestations sociales…). C’est à l’origine un substantif (« le social »), dont les sociologues se souviennent lorsqu’ils tentent de réfléchir à ce qu’ils font. Risquons en une définition : l’ensemble des coutumes et institutions qui régulent notre vie collective, appréhendées sous l’angle de l’objectivité historique, et néanmoins envisagées comme un tout. La notion de social s’organise autour d’une tension, parce que l’objectivité toujours découpe le monde, et la sociologie prétend le réunir.

…Le fait social est défini comme « toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure » (Emile Durkheim, Les Règles de la méthode sociologique, 1895).
Le fait social total est un concept forgé par Marcel Mauss dans son Essai sur le don (1923), désignant des faits sociaux qui « mettent en branle dans certains cas la totalité de la société et de ses institutions (…) et dans d’autres cas seulement un très grand nombre d’institution. »
Par exemple, ma recherche ethnographique dans le Taez des années 2000 m’a permis d’identifier la « culture de la vulgarité » comme un fait social total. Celui-ci affecte-t-il l’islam lui-même, ou seulement ces institutions et domaines de la vie sociale accessibles à ceux qui croient aux faits sociaux totaux ? C’est tout l’enjeu de mon travail ces dernières années.

D’un point de vue anthropologique, l’institution sociologique dérive à l’évidence d’une métamorphose de l’Église chrétienne à l’ère industrielle, où le Social occupe évidemment la place de Dieu : une mutation monothéiste d’après la révolution scientifique européenne*. Pour autant, la pensée sociologique est déjà avérée en Islam* au XVe siècle (Ibn Khaldoun n’utilisait pas le terme social mais sa pensée tournait autour d’une fétichisation analogue, promettant à ses yeux l’émergence d’une science nouvelle, qui n’a finalement fleuri qu’en contexte européen).

Quoi qu’il en soit, ces filiations historiques n’empêchent pas d’aborder le Social en tant qu’hypothèse scientifique, d’en tenter la critique épistémologique et empirique, à la manière d’un physicien expérimentateur : préciser le concept, comprendre l’approximation qu’il recouvre, en déterminer les conditions de validité - tenter en un mot d’en acquérir l’intuition. C’est cette démarche qui a été la mienne, dont découle tout mon travail.

· 2023/06/21 09:11

Sociologie

Parmi les trois disciplines principales des sciences sociales, avec l’histoire et l’anthropologie, la sociologie est celle qui s’intéresse aux situations contemporaines sous l’emprise de l’État - quand l’anthropologie se charge des situations en marge de cette emprise (société sans écriture), l’histoire se chargeant des situations passées (envisagées à partir des traces écrites).

…Mais par commodité, il m’arrive d’utiliser « sociologie » comme synonyme de « sciences sociales ».
J'utilise alors l’adjectif « sociologique » comme synonyme de : relatif à l’hypothèse du Social*, pris dans l’hypothèse théorique qui lui est associée - soit dans un sens réflexif* plutôt que dans un sens positif plus ordinaire (relatif au social, à la société). Cela m’avait déjà valu un commentaire lors de ma soutenance de DEA (septembre 2005) : cet usage du terme m'était indispensable dans mes tâtonnements théoriques, pour cerner les faux-semblants de l’époque postcoloniale tardive* (bien avant le basculement de 2011). En tant que discipline étroite, la sociologie n’est pas vraiment mon problème - d’autant que j’ai été formé dans une institution à l’avant-garde de cette proclamation d’unicité (feu le Laboratoire de Sciences Sociales de l’ENS).

Appareil sociologique
- Selon la critique bourdieusienne : ensemble des structures mentales mobilisées dans la perception objectiviste* du monde social.
- Appareil posé sur l’épaule de Johan van der Keuken.

· 2023/07/10 09:07

Syllogisme

Le syllogisme est un raisonnement logique, où l’examen de deux propositions (ou plus) conduisent à une conclusion. Depuis Aristote*, la logique a étudié les règles de validité du syllogisme, qui ont formé le socle de toute la pensée scientifique pendant 2000 ans. Un exemple de syllogisme logiquement valide (dit de type “Barbara”) est :

  1. Tous les hommes sont mortels ;
  2. Or Socrate est un homme ;
  3. Donc Socrate est mortel.

Le syllogisme en herbe (syllogism in grass), ou syllogisme batesonien :
Au XXe siècle, avec le développement des logiques non-aristotéliciennes puis de la cybernétique*, Gregory Bateson insiste sur l’importance centrale, dans l’ensemble du monde vivant, de syllogismes non-reconnus comme valides, tels que :

  1. L’herbe est mortelle ;
  2. Or les hommes sont mortels ;
  3. Donc les hommes sont de l’herbe.

Tautologie

Tautologie (Définition de Gregory Bateson, dans le glossaire de La Nature et la Pensée) :
Ensemble de propositions liées entre elles où la validité des liens ne peut être mise en doute. La vérité des propositions, en revanche, n’est pas posée. Exemple : la géométrie euclidienne.

Dans la géométrie euclidienne, il n’est pas contestable que si deux droites sont parallèles, toute parallèle à l’une est parallèle à l’autre ; la géométrie ne dit pas si ce sont vraiment des droites, ou si elles sont vraiment parallèles…

· 2023/07/05 14:03

Totémisme

Mode d'organisation sociale et religieuse fondée sur le principe du totem - tel clan se dit parent de l'ours, de l'araignée ou de l'aigle… Le totémisme établit des relations homologiques* entre, d'un côté, les végétaux ou les animaux et, de l'autre, les groupes humains sociaux.

Ce type d’organisation sociale est aboli explicitement par le monothéisme. Pour autant, le totémisme joue un rôle important dans la théorie anthropologique, d’où un usage ponctuel et « par extension », à propos de la société yéménite.

· 2023/04/04 12:51

Transition de phase

En physique, on appelle « transition de phase » les changements d’états, c’est-à-dire les passages entre des états plus ou moins ordonnés de la matière : passage d’une phase solide à une phase liquide ou gazeuse, et réciproquement. Autre exemple : le phénomène d’aimantation, lorsque toutes les particules alignent leur moment magnétique (spin) sur une direction particulière ; ou encore la perte de cette aimantation, quand l’agitation thermique dépasse un certain seuil (voir l'entrée Modèle d’Ising*).
Dans la physique des transitions de phase, on s’efforce de prédire le comportement macroscopique observé, en intégrant des comportements microscopiques individuels, préalablement modélisés. On a ainsi pu réduire la thermodynamique (lois reliant les paramètres de pression, volume et température) à la mécanique statistique (propriétés globales d’un grand nombre de particules en mouvement). On parle alors de réduction d’une théorie à une autre. Les physiciens sont souvent sollicités pour mettre en œuvre ce genre de démarches dans des domaines connexes comme la biologie, voire en sciences sociales - mais on court toujours le risque du réductionnisme.

Section Modèle(s)
Jeux d'échelle
Les interactions de trafic
(et toute la sous-section Processus).
(…) / Glossaire

· 2023/07/10 17:53

Type logique

L’erreur de type logique - aussi appelée « erreur du concret mal placé » - consiste à confondre le nom avec la chose nommée. Ou plus précisément, croire que l’existence du nom, quelque part dans la sphère du langage, implique nécessairement l’existence d’une chose correspondante dans le réel.
Ces considérations sont introduites par le philosophe et mathématicien Alfred North Whitehead (1861-1947) :

« Toute science doit forger ses propres instruments. L’outil que requiert la philosophie est le langage. Ainsi la philosophie transforme-t-elle le langage de la même manière qu’une science physique transforme des appareils préexistants »

Alfred North Whitehead, Process and Reality, 1929.

La notion est reprise par Gregory Bateson (1904-1980), anthropologue et biologiste de formation. Bateson nous rappelle que de telles erreurs, loin d’être l’apanage des seuls schizophrènes, ont un caractère omniprésent dans l’ensemble du monde vivant.

· 2023/06/11 13:36

Université

Institution née vers l’an mille de par et d’autre de la Méditerranée, fondée sur un modèle d’enseignement original : en lieu et place de l’ancestrale relation maître-disciple, la segmentation des savoirs technoscientifiques et leur contrôle par rétroaction (cybernétique)* des hiérarchies universitaires.
Dans le monde islamique, la naissance de cette institution est étroitement liée au modèle politique mamelouk*. Appropriée dans la chrétienté latine, elle connaît un développement inégalé qui conduit à la « Renaissance », c’est-à-dire l’affirmation subjective de l’Europe*, de l’intérieur et contre la civilisation (islamique) médiévale - un peu comme le ver dans le fromage corse…

· 2024/01/15 11:30

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fr/glossaire.txt · Dernière modification : 2024/04/16 14:42 de mansour

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