Ethnologie
Les mots ethnologie et anthropologie sont des synonymes, qui désignent couramment la même discipline universitaire.
Avec une nuance subtile cependant :
- Anthropos en grec ancien (Άνθρωπος) désigne l'homme dans son universalité.
- Ethnos (ἔθνος, qui donne ethnie), désigne plutôt l'homme dans son appartenance spécifique à un groupe humain situé.
Dans le contexte français, le mot ethnologie a donc une connotation culturaliste. Il est utilisé par des chercheurs et des laboratoires qui veulent souligner l'importance de l'érudition par aires culturelles, contre une conception plus « politique », centrée sur les enjeux sociaux et l'engagement réflexif du chercheur, de plus en plus à la mode.
⇒ Typiquement, l'ethnologie est revendiquée par les départements universitaires qui doivent défendre l'existence d'un cursus spécifique face aux disciplines concurrentes (sociologie, histoire, sciences politiques, géographie…). À l'inverse dans les institutions transdisciplinaires (EHESS, ENS), on se réclame plutôt des sciences sociales et de l'ethnographie*. Quant au mot anthropologie*, on le laisse au Collège de France car le mot impressionne (il suggère une exigence philosophique qui n'a plus vraiment cours…).
La division hiérarchique du travail scientifique, selon Claude Levi-Strauss
(encore défendue en France dans les premières décennies d'après-guerre)
1- L'ethnographie* : la collecte des « faits de culture » ;
2- L'ethnologie : synthèse des données à l'échelle d'une aire culturelle ;
3- L'anthropologie* : synthèse plus générale effectuée depuis Paris par un universitaire, généralement philosophe de formation.
Cette conception n'est vraiment remise en cause en France qu'après l'essoufflement du paradigme structuraliste, avec l'essor des critiques féministes et postmodernes (linguistic turn), étroitement liées aux Décolonisations. Elle reste cependant défendue par les partisans de l'ethnologie.
Concernant ma propre démarche, au départ j'avais clairement choisi mon camps : contre une conception « ethnologique » de la discipline (Nanterre, Aix-en-Provence), et pour une conception plus « politique » (ENS, EHESS), ce dont le choix de Taez découlait directement. Aujourd'hui j'ai plus de respect et d'intérêt pour ces approches, du fait de mes déboires avec ce que j'ai appelé ironiquement « l'anthropologie de l'islam »*.
Soulignons l'existence d'une dimension ethnologique des sciences islamiques, depuis l'origine : inhérente à la fascination des élites abbassides pour l'Arabie tribale, et dont l'érudition orientaliste constitue le prolongement. Là encore, l'antidote réside dans l'épistémologie* et les sciences sociales, pas dans la pensée dite « décoloniale »*, ou dans un délire de persécution généralisé.