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Sevrage et sciences islamiques

Une page nommée sevrage, créée le 8 mai 2024 dans le dossier Processus.
Chantier où je tente de faire le lien, par association libre…

1. Centralité dans mon enquête

Le mois dernier, en lien avec la découverte des posts de Ziad, j’ai exhumé l’histoire de Notre escapade à l'Hôtel Sindbad, à Khokha au bord de la mer rouge, du 12 au 14 mars 2006. Cette escapade est un moment crucial : une tentative de concertation entre Ziad et moi, au début de mon troisième séjour, le moment où je m’élance dans ma thèse. En fait cette concertation échoue : deux semaines plus tard Ziad met fin à notre alliance en me demandant de quitter sa pièce. À l’époque, je n’ai pas d’explication à ce comportement, si ce n’est un problème psychologique de Ziad, que je n’arrive pas à identifier.
En tous cas, ce n’est pas mon « homosexualité » qui fait échouer cette concertation, au sens où j’aurais fait à Ziad une avance sexuelle qu’il n’aurait pas supporté. La situation est plus complexe : en fait toute la société s’attend à ce que je fasse à Ziad une proposition sexuelle, parce qu’ils ont eu vent de mon coming out, rumeur colportée « de source sûre » par le petit milieu des diplômés francophones de l’université. En fait Ziad lui-même s’y attend : il veut lui aussi cette escapade pour que je lui parle, afin de comprendre ce qu’il en est. Effectivement je lui en parle et… il ne se passe rien.
Ou plutôt si : ce qui se passe, c’est que Ziad est convaincu par la sincérité de mon « homosexualité ». Il est confronté à la sincérité de cette démarche, dont il voit bien qu’elle est à mes yeux naturelle, et en même temps étroitement liée à mon interaction avec son pays (c’est pourquoi la rumeur colportée par les diplômés était tout sauf « objective » : elle témoignait surtout de leur propre aveuglement). Pour sa part, Ziad découvre là quelque chose de plus profond : un monothéisme* latent, inconscient, dont il lui revient d’accoucher. Mais pour cela, il n’a pas d’autre manière que de devenir le Christ. Voilà en somme le « problème psychologique » de Ziad, plutôt un dilemme existentiel, le destin qu’il se découvre en ces circonstances.

La semaine dernière, j’ai ajouté un second texte sur cette escapade, intitulé Sindbad la nuit, où en quelque sorte je « coupe le son ». J’y évoque ce qu’a été mon interaction avec Ziad cette nuit-là, d’ailleurs notre seule interaction corporelle dans toute cette histoire, de 2003 à 2010.
À vrai dire, la même interaction se reproduit tout à la fin en août 2010, quand Ziad et moi se retrouvons dans la pièce que son frère Yazid m’a fait construire. Officiellement, je suis là pour « soigner » la psychose de Ziad avec ma thèse (conformément au projet du Prix Michel Seurat…), mais cela débouche finalement sur cette interaction corporelle, exactement la même qu’en mars 2006. Par la suite, Ziad passe ses nuits dehors à hurler, donc Yazid trouve un prétexte pour le renvoyer en prison, puis un prétexte pour me chasser de la pièce. Je finis par me retirer quelques mois plus tard, plus amoureux que jamais de cette famille…
Bref, cette interaction est bien le coeur de l’histoire.

Dans ce dernier texte, j’ai décrit cette interaction en termes de sevrage, et j’ai exhumé encore une autre occurrence, cette fois à l’origine de toute cette histoire (Retour sur 1999), à l’époque où je ne connaissais même pas l’existence du Yémen. Dans cette interaction, un musulman tente de sevrer un Européen en lui montrant son dos. Oublions donc mes théories sur « l’homoérotisme »*, et plus récemment sur « l’intersexuation »* : retenons plutôt cette notion de sevrage. Depuis maintenant 25 ans, je tourne autour de cette interaction mystérieuse, éminemment paradoxale.

2. Pourquoi montrer son dos ?

Pourquoi le musulman se comporte-t-il de la sorte ? Je renvoie à la section Explorer de ce site, à la notion de matrice monothéiste*, et au fait que l’islam est un métacontexte* de l’histoire des idées européennes. Ou pour le dire plus simplement, le musulman montre son dos à l’Européen parce qu’il ne craint rien. Les juifs et les chrétiens en aval (face interne de la bouée) ne sont pas les juifs et les chrétiens en amont (face externe de la bouée).

Montrer son dos, c’est une manière assez pratique de couper court à une interaction qu’on ne sait plus gérer. Une autre manière est de se retirer dans son village et de dire à l’Européen : « Tu n’as qu’à me suivre. » Exactement comme Ziad a fait en septembre 2003 - non sans une réconciliation formelle au préalable, qui sonnait évidemment faux. De ce comportement mystérieux et incohérent, je ne pouvais évidemment pas me satisfaire. Et quelques années plus tard, Ziad était contraint de me montrer son dos…

Avant l’islam, les Arabes connaissaient le zihâr, ce rite païen où un homme rejetait son épouse en lui disant : « Tu es comme le dos de ma mère ». Du jour où je suis devenu musulman, Ziad est devenu comme le dos de ma mère : il a perdu l’emprise qu’il avait pu avoir sur moi par le passé, à l’époque où j’essayais de m’entendre avec lui.
De toute façon entre temps, Ziad était devenu impuissant. D’où certaines idées fixes de ses posts sur Facebook. À travers sa conversation continue avec des célébrités, Ziad met en scène sa virilité capturée par l’Occident, ou plus simplement sa qualité d’homme. Il l’exprime très clairement il y a quelques semaines, dans un moment de grande agressivité envers moi :

« Salut à toi ma Lune! Où étais-tu? Aujourd'hui je suis très contrarié. Je voudrais de toi une vidéo qui éloigne mon dépit, pour la partager et devenir une personne nouvelle sur ton mur. » (Post du 01/04/2024).

Ziad n’est donc pas impuissant dans l’absolu : il est rendu impuissant par son implication dans l’enquête.
Impuissant du fait de la démission des autres ? Je ne crois pas que Ziad le pense, qu’il ne l’ait jamais pensé. Ziad connaît la spécificité de son destin. Malgré ses déclarations tonitruantes contre l’‣Islam, Ziad ne juge pas les ‣Yéménites, il ne juge pas leur foi. C’est juste que lui, il veut croire à autre chose : l’existence d’un autre Occident, au-delà de celui que perçoivent les musulmans, que les musulmans eux-mêmes contribuent à produire. Se prendre pour Jésus n’est pas sortir de l’islam, c’est juste se replier sur une posture originale qu’on appelle « folie », seule à même de rappeler aux humains leurs contradictions.
Malheureusement, les musulmans diplômés* ne veulent pas entendre : ils préfèrent gérer les situations avec leur dos, après quoi ils se disent solidaires du Yémen et de Gaza…

Notre impuissance, à Ziad et à moi, découle-t-elle de la démission des autres ? Quand je dis cela, je ne fais que renforcer le piège. Et en même temps que dire d’autre ?
Il faut parler plutôt d’une épreuve. La condition de diplômé est une tentation.

3. Le diplôme comme fitna

« Toute âme goûtera la mort. Nous vous éprouvons par le mal et par le bien à titre de tentation, et c’est à Nous que vous ferez retour. » (21:35).

De très nombreux musulmans, dans le monde contemporain, considèrent le diplôme comme un moyen. Très logiquement, ils exhument pour cela une théologie médiévale ash’arite, qui nie le caractère incarné* de la parole de Dieu. Ce n’est pas la lettre du Coran qui est sacrée, mais seulement son sens. Les diplômés s’enorgueillissent d’accéder aux vérités cachées du Coran, qui sont nécessairement celles découvertes par la science moderne. On nous inonde de publications concordistes* sur les soi-disant « miracles coraniques », tels que l’embryogenèse des vertébrés (23:14). Ce techno-paganisme fait tellement consensus, quiconque exprime la moindre réserve se voit regarder de travers…
⇒ Commentaire de 23:14 “L’embryologie” coranique.

Chantier à boucler.
J'essaie de comprendre ce qu'il advient de ce sevrage dans la méthodologie des sciences islamiques.
Comme ce n'est pas une mince affaire, je préfère poster dès maintenant cette amorce.

📖 2024:05:08 Sevrage et sciences islamiques

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fr/comprendre/processus/sevrage.txt · Dernière modification : 2024/05/09 20:07 de mansour

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