Déboires de l'Islam majuscule
J’explique dans le glossaire la distinction entre l'islam-religion (avec une minuscule) et l'Islam-objet (avec une majuscule), selon une convention typographique que j'emprunte à la recherche historique française.
Cette convention a été critiquée pour son caractère colonialiste. De fait, elle permet d’annexer un « territoire scientifique » nommé Islam, dans une entreprise de colonisation assumée du passé, qui réserve un rôle subalterne aux personnes de cette confession - ou plutôt pas de rôle du tout, ce dont on se désole bien entendu…
Aboutissement logique de cette démarche, on a publié récemment dans notre pays un Coran des historiens qui, au nom de la « Science », transpose la méthodologie historico-critique des études bibliques sans autre forme de procès, avec une bien faible distance critique à l’égard de cette démarche. Donc un Coran totalement inutilisable pour les croyants1) - singulière violence, sans laquelle l’islamologie universitaire française peine manifestement à exister.
Mais le problème doit être considéré à l'échelle des sciences sociales.
Car lorsque l'histoire désigne seule son champ de recherche, elle parle de l’Islam en tant que réalité civilisationnelle, délimitée à la fois :
- dans le temps : il n’y a pas d’Islam avant le VIIe siècle, selon elle…
- dans l’espace (les « pays d’Islam »), comme si l’Europe médiévale, et même notre époque contemporaine, ne relevaient pas de la même civilisation…
⇒ L’Islam-objet des historiens est conçu de facto comme antinomique d’une origine et d’une modernité commune.
Le piège se referme lorsque les musulmans à leur tour, mettent à la religion la majuscule de leur nom propre, dans un pays qui les considère toutes comme des noms communs.
⇒ L’Islam-objet des sciences sociales, seule réponse possible, désigne la pratique réflexive* des musulmans eux-mêmes dans la modernité*.
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Voir également 4:157 Ils ne l’ont point crucifié (l’impasse historico-critique).