Décrire le monothéisme comme un organisme : implications philosophiques
« Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent Allah. »
(Coran 35:28)
Biologiste de formation, l’anthropologue Gregory Bateson (1904-1980) était sensibilisé à l’intelligence du Vivant. Il l'a montrée à l’œuvre, tout au long de sa vie, dans la culture et les comportements humains. « Expliquer, disait-il, c’est cartographier les éléments d’une description sur une tautologie » - tautologies qu'il tirait de l'observation du monde biologique, d’une inépuisable subtilité.
Depuis une quarantaine d’années, la sécularisation occidentale est confrontée à l’irruption de logiques religieuses, notamment islamiques, dont peine à rendre compte la rationalité sociologique. Dans ce contexte, le défi est d’articuler deux récits, violemment antagonistes aujourd’hui :
- D’une part, l’histoire philosophique de la sociologie, c’est-à-dire l’histoire que la sociologie se raconte à elle-même, quant à la succession des idées philosophiques aboutissant à sa « découverte scientifique » au XIXème siècle.
- D’autre part, l’histoire d’une conscience historique musulmane, cristallisée dans une lignée de théologiens de l’orthodoxie sunnite - Ibn Hanbal (m. 855), Ibn Taymiyya (m. 1328), Ibn Abdelwahhab (m. 1792) - mais déjà en germe dans les versets consacrés à Jésus (autour de 622). Autrement dit, l'histoire que les musulmans se racontent à eux-mêmes, depuis l'intervention coranique dans la controverse judéo-chrétienne.
« Deux descriptions valent mieux qu’une ! », disait aussi Gregory Bateson - et nous montrerons la pertinence d’une approche batesonienne, cartographiant nos connaissances objectives de l’histoire monothéiste sur une tautologie plus englobante, afin d’en redécouvrir la cohérence. Car comme le génome au fil de la croissance d’un organisme, l’expression du monothéisme est affectée par des facteurs « épigénétiques », dont l’analyse ne peut rendre compte qu’à partir d’une perspective neutre et globale - autrement dit laïque - de l’écosystème monothéiste.
Dans son dernier ouvrage, La Nature et la Pensée (Seuil 1984), Gregory Bateson consacre de longs développements à cette idée que « deux descriptions valent mieux qu’une » (ici pp. 74-75, début du chapitre 3).
Sète, le 18 octobre 2021
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