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« Gens de la Tradition et du Consensus » (Saeed Fodeh)

Saeed Fodeh est Professeur de théologie et de jurisprudence à la Grande Mosquée de Amman (Jordanie). Le 17 février 2018, dans l’introduction d’un cours sur un ouvrage de l’imam al-Tahâwi (853-935), il fait une longue digression sur la formule « Gens de la Tradition et du Consensus » (Ahl al-Sunna wal-Jama’a), que j’ai choisi de traduire.

« Qui sont les gens de la Tradition et du Consensus?
Qu’est-ce qui est visé par cette expression ? »

(18 minutes)

La transcription intégrale (versée aux sous-titres de la vidéo) est reproduite ici sous chaque étape de l'argument, dont je reviendrai commenter les enjeux ( en chantier). Ma motivation est expliquée dans la section méthodologie (Tradition et Consensus au prisme de l’ethnographie réflexive).

1. La référence au Coran n’est pas assez spécifique

Al-Tahawî nous dit donc : « Ceci est est le rappel et l’expression de la croyance des gens de la Tradition et du Consensus. » Qui sont les gens de la Tradition et du Consensus? Qu’est-ce qui est visé par cette expression ?
Pourquoi pas « les gens du Coran », par exemple ? Pourquoi ces gens ne se sont pas appelés « les gens du Coran » ? Je ne pose pas la question pour faire des manières, mais parce que c’est évident : toute personne qui croit en la sunna [Tradition] croit dans le Coran. Il n’y a pas un seul musulman qui ne croit pas au Coran. La foi dans le Coran fait partie des choses élémentaires. Quiconque ne croit pas dans le Coran, son islam n’est pas crédible, voilà tout. Mais la question se pose pour la sunna [Tradition]. C’est pourquoi les gens de la sunna [Tradition], les Gens du Vrai parmi les savants, ont voulu spécifier la caractéristique qui les différencie des autres.
Donc ils n’ont pas dit « Nous sommes les gens du Coran ». Non, car cette prédication est proclamée aussi par d’autres. Tout le monde dit : « Nous ne nous autorisons que du Coran »
On le dit chez les kharijites [dissidents]
On le dit chez les mu’tazilites [partisans du libre arbitre]
On le dit chez les chiites [partisans de la maison du Prophète]
On le dit chez les mujassimin [corporalistes]
Tous le disent… Aujourd’hui, à notre époque, même les athées le disent. Les athées, ceux qui nient l’existence de Dieu, proclament l’inexistence de Dieu, le pluralisme religieux, etc., avec des preuves coraniques. C’est une prédication erronée, mais c’est ce qu’ils prétendent.

Il ne s'agit pas de s'inspirer du Coran comme on s'inspire d'une philosophie. Être musulman est un engagement avec la Tradition dont le texte coranique est l'incarnation*.

2. Les sunnites lui adjoignent la Sunna (Tradition)

Donc les gens de la Sunna [Tradition] ont voulu dire : nous sommes les gens de la Tradition…
Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire : « Nous qui avons joint à notre croyance dans le Coran, une croyance dans la Tradition ».
En se fondant sur quoi ? Sur le fait que le Prophète, sur lui la prière d’Allah et la paix, a été envoyé pour guider l’Humanité. Et par conséquent une partie de ses paroles, une fraction de ses paroles et de ses actes, sont en réalité une explicitation de ce qui est descendu dans le Livre Si bien que cette partie des messages sortis de la bouche du Prophète est incluse aussi dans notre foi et dans notre croyance Et nous l’ajoutons au Coran.
Nous croyons au Coran et nous croyons à cette partie, et pas à tous les mots prononcés par le Prophète SAAS. Car tout ce qu’il prononce ne relève pas de la Vérité. C’est pourquoi dans les bases de la juridiction, il y a une problématique spéciale consacrée aux paroles du Prophète SAAS et à ses actes, ainsi qu’à ses décrets, n’est-ce pas ? Ça fait partie des choses auxquelles nous reviendrons Mais c’était une présentation générale.

Noter que même en arabe, le commentaire joue sur les deux acceptions du mot sunna, comme nom propre (la Sunna qu'on invoque à tout bout de champ) et comme nom commun (« tradition », le sens originel du mot) [cf code couleur ].
Tout l'effort de l'imam vise à ressaisir la logique de ce geste - par ailleurs fondamentalement apparenté avec le geste fondateur de la sociologie, au XIXe siècle. En fait il faudrait ajouter un troisième sens du mot sunna : le Social*, tout simplement (voir l'entrée du Glossaire). Ce troisième sens, c’est le squelette dans le placard, avec lequel se débat tout discours de théologie sunnite à l’ère postcoloniale*.

3. La Vérité prédomine par le consensus des croyants

Maintenant, pourquoi « le consensus » ? Gens de la Tradition et du Consensus ? Que veut dire le Consensus ? Parce qu’on a tiré de beaucoup de paroles prophétiques que la vérité et la crédibilité de cette communauté islamique prédominera toujours par le consensus.
Le consensus, ça veut dire quoi ? La majorité. La plupart des gens. Et non les déviants qui sont peu nombreux. Le Vrai sortira toujours par la bouche de la majorité des musulmans. Par le nombre et par la multitude.
C’est pourquoi les savants ont dit « nous sommes les gens de la Tradition et du Consensus ». C’est l’un des sens.

J'ajouterais que dans certaines situations, le vrai reste dans la bouche des musulmans, et n'en sort pas. La vérité de la société française, de son état actuel (section Valoriser), réside dans une large mesure dans le silence des musulmans. D'où l'importance de revaloriser le témoignage, l'identification aux Compagnons en tant qu'ils ont manifesté le Vrai.

4. La fiabilité est dans les Compagnons

Certaines personnes disent que « le Consensus » signifie « les Compagnons ». Car c’est en eux que réside la fiabilité et l’argumentation car les compagnons ont reçu l’éducation du Prophète SAAS et son enseignement. C’est pourquoi nous disons que nous sommes les gens de la Tradition et les gens du Consensus, c’est-à-dire que nous respectons et nous préservons ce consensus - c’est-à-dire le consensus des compagnons. Car ce sont eux qui ont transmis, explicité le message du Prophète SAAS. Voilà.

Soulignons qu'aucune infaillibilité n'est postulée pour chaque compagnon en lui-même (comme il est rappelé plus loin). Selon la science du hadith (l'appareil critique attaché aux témoignages de la geste prophétique), la fiabilité n'est recherchée que dans leur consensus : dans la contrainte sociale*, dirions-nous aujourd'hui, associée au consensus des Compagnons.

5. Une pratique étayée par des preuves

Au bout du compte, nous ne nous attachons pas simplement à la formule, mes chers frères. Nous ne vouons pas un culte à cette formule.
Nous vouons un culte à la lecture du Coran, par exemple La sourate de l’Ouverture, la sourate de la Vache, etc. Mais nous ne vouons pas un culte au fait de dire « Nous faisons partie des gens de la Tradition et du Consensus » - cette formule tout particulièrement.
Nous sommes des adeptes de quoi ? De pratiquer des actes en accord avec des preuves. Car comme nous venons de le dire, prétendre à un comportement qui ne repose que sur le Coran c’est ce que dit tout musulman. Et même certains non-musulmans le disent. La réalisation de cette exigence, c’est ce qui différencie le vrai musulman. Prétendre que tu agis conformément à la Tradition, là aussi, c’est ce que certaines personnes vont venir te dire : « La tradition dit ceci, et ceci… » Je vous donnerai des exemples.
Mais agir selon la Tradition avec ses règles, ses principes et ses pratiques, c’est ce qui distingue les gens de la Tradition et du Consensus. Sur tout cela, nous donnerons des exemples inchallah, là c’est un propos général. Car si on voulait donner des exemples, ce serait comme parler du credo avant de l’avoir étudié. Mais ce qu’on dit maintenant, ce sont des règles et indications générales dont nous développerons la signification par beaucoup d’exemples inchallah au cours de l’explication de ce livre magnifique.

L'argument met en garde contre une forme d'idolâtrie, la tentation de fétichiser une formule. Il propose en échange un fétichisme de la preuve, qui n'en est pas toujours très éloigné en pratique.
Ce qu'il faut retenir, c'est la capacité réflexive* du croyant dans chacune de ses actions, dont découle leur acceptabilité par Dieu. Mais bien sûr, plus l'outillage est rudimentaire dans l'approche du matériau prophétique, plus il le sera dans l'approche des situations contemporaines - d'où le scandale de certaines entreprises islamologiques (Déboires de l'Islam majuscule).

6. L’appellation elle-même ne suffit pour aucune école

Pour cette raison, mes chers frères, la morale de tout cela ne se limite pas à cette formule Ce n’est pas toute personne qui dit « je suis de la Tradition et du Consensus » qui en est réellement. Par exemple à notre époque, le terme « Gens de la Tradition et du Consensus » est utilisé par des gens qui sont en contradiction avec les gens de la Tradition et du Consensus. La simple affiliation à cette tradition et à ce consensus, ou la prétention à cette dénomination n’est ni un critère, ni un gage. Le critère et le gage, c’est plutôt la preuve que tu vas produire, que tu fais effectivement partie des gens de la Tradition et du Consensus. C’est-à-dire les gens qui pratiquent véritablement le Coran, et qui prennent le Prophète SAAS et ses Compagnons véritablement pour modèle.
Mais juste le fait de dire « Moi j’en suis », ça ne suffit pas.
Ça ne suffit pas pour l’école acharite, ni pour l’école maturidite, ni pour l’école salafi, ni pour l’école wahhabite, ni pour l’école d’Ibn Taymiyya, ni pour les chi’ites…
- les Chi’ites ne se réclament pas des Gens de la Tradition et du Consensus, ils nous épargnent ça… Ils disent « nous sommes les Gens de la Maison » - et là encore, ça ne suffit pas de se prétendre affilié aux Gens de la Maison. Car certains Gens de la Maison sont déviants et certains sont rigoureux. Et l’infaillibilité n’a pas été prescrite aux Gens de la Maison, l’infaillibilité a été prescrite au Messager SAAS.
Aucun être humain n’est infaillible si ce n’est le Messager SAAS.
C’est clair ? Donc oui, on va dire qu’on est des gens de la Tradition et du Consensus et nous pouvons produire les preuves, récurrentes et successives, de la véracité de notre prétention.

Noter la généralité de l'argument, valable pour l'ensemble des courants de l'islam.

7. L’affiliation n’est pas nécessaire

À partir de là, que tu te dises des Gens de la Tradition, ou que tu ne le dises pas, dans les deux cas on te demande quoi ? La preuve. Ni plus ni moins.
Si ton raisonnement est correct, alors ton affiliation est avérée, même si tu ne l’as pas revendiquée. C’est pourquoi nous disons que les Gens de la Tradition et du Consensus, ce sont ceux qui ont cru dans les croyances véritables, quant bien même ils ne se sont pas affiliés aux Gens de la Tradition et du Consensus… Même s’ils ont dit « Nous ne sommes pas des Gens de la Tradition et du Consensus » Certaines personnes fâchées contre les Acharites, ou contre les Maturidites, et qui vont te dire « Nous ne sommes pas des Acharites, ni des Maturidites, ni des Gens de la Tradition et du Consensus » - « Bon alors en quoi est-ce que tu crois ? » …et quand ils énumèrent leurs croyances, ce sont les mêmes que les acharites… Celui-là, il fait partie de la Tradition malgré lui… Même s’il contredit les acharites, verbalement. Parce que la leçon ne réside pas dans ses paroles, mais dans ce qu’il croît dans son coeur, en lui-même. Voilà ce qui différentie les Gens de la Tradition des autres.

8. L’argumentation est nécessaire et permet la revendication

Donc il peut dire : « Quelles sont les croyances que déclarent les Gens de la Tradition ? » Un exemple de ces croyances, c’est ce livre que nous allons lire. Le principal but d’étudier ce livre, c’est de savoir ce que disent les Gens de la Tradition et du Consensus. Si nous n’utiliserons pas la formule « Gens de la Tradition et du Consensus » comme preuve à ce que nous disons, alors nous pourrons prétendre à cette formule « Gens de la Tradition et du Consensus ». Nous en ferons une prétention [da’wa]. Nous la revendiquerons [za’âma]. Nous revendiquons faire partie des Gens de la Tradition et du Consensus Et la preuve, c’est que nous disons ceci, dont la preuve est cela ceci dont la preuve est cela, etc. Vous voyez, comment nous avons ramené les choses à leurs fondements ?

9. Notre époque se caractérise par des revendications abusives

Non, nous ne disons pas : « J’ai un droit sur les Gens de la Tradition… » Non ! À notre époque, le raisonnement est inversé. Ça devrait être ainsi à toutes les époques, mais autrefois c’était stable, il y avait une quiétude. Il n’y avait pas le corporaliste qui conteste les Gens de la Tradition, ni le chi’ite, ni le scientiste, rien de tout ça. Les Gens de la Tradition étaient tranquilles, personne ne les contestait. Mais maintenant, le mot « Je suis des Gens de la Tradition et du Consensus », il faut que tu apportes des preuves. L’assertion selon laquelle les Gens de la Tradition et du Consensus sont les gens du Vrai, cette assertion n’est plus recevable. Quoi plus recevable ? Elle exige une preuve. Elle n’est pas recevable de moi, de toi, de ton cousin… Elle peut être recevable de tout le monde, mais pas d’untel, untel et untel, ceux qui ont le droit de te demander la preuve de ce que tu dis. Ils ont le droit !

10. L’objectivité transhistorique de l’interprétation orthodoxe

Parce qu’en réalité, le coeur de ta prétention, de faire partie des Gens de la Tradition, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que tu t’exprimes avec la compréhension du Livre et de la Tradition la plus juste et la plus sage que l’Humanité peut atteindre. Voilà le concept des Gens de la Tradition et du Consensus, dans son sens général. Le sens n’est pas que toi, tu as suivi les compagnons. Sinon on met à la poubelle les autres ? Les autres que les compagnons n’ont aucune valeur, c’est ça ? Non ! Le bien restera dans la communauté du Prophète SAAS, on ne sait pas qui est meilleur du premier ou du dernier ! Quand certaines personnes définissent l’expression « les Gens de la Tradition et du Consensus », définissent « le Consensus » comme étant « les Compagnons », on prend l’exemple du plus renommé, sur lequel on s’accorde. Mais ce n’est pas à l’exclusion des autres, comme beaucoup se l’imaginent, qu’exclusivement eux seraient « les Gens de la Tradition et du Consensus ». Non. Les Gens de la Tradition et du Consensus sont présents de manière continue dans l’histoire islamique, et ils ne cesseront jamais, si Dieu le permet. Tous font partie des Gens de la Tradition et du Consensus.

11. Les compagnons eux-mêmes mis à l’épreuve du Vrai

Ce n’est pas juste leur affiliation aux Compagnons, la limite et le critère, car on demande aux Compagnons eux-mêmes, à qui se sont-ils affiliés ? Se sont-ils affiliés à eux-mêmes ? Non ! Ils se sont affiliés au Vrai ! Le Vrai est ce qui a fait d’eux les Gens de la Tradition et du Consensus. Leur affiliation véritable au Vrai, a véritablement fait d’eux les Gens de la Tradition et du Consensus. Vous voyez ? Donc le critère n’est pas simplement l’affiliation aux Compagnons, c’est plutôt le Vrai auquel les Compagnons se sont affiliés, par quoi les Compagnons sont devenus Compagnons. Ce qui différentie les Gens de la Tradition des autres, ce n’est pas qu’ils s’affilient aux Compagnons Parce que la question s’applique aux Compagnons eux-mêmes. Ça veut dire quoi « Compagnon » ?? Qu’est-ce qui a distingué les Compagnons des autres ? C’est le Vrai qui les a distingué ! Leur engagement dans le Vrai les a rendus spéciaux. Vous voyez comment le problème se pose maintenant ? Donc le critère distinctif dans l’engagement avec les Gens de la Tradition et du Consensus, et l’affiliation aux Gens de la Tradition et du Consensus, qui sont les Gens du Vrai, c’est la démonstration du Vrai, par eux. Et c’est tout. Ni plus ni moins.

12. Remonter aux sources de l’objectivité

C’est pourquoi toute personne à qui tu dois t’adresser, à qui tu dois expliquer quelque chose, tu dois lui expliquer par le Vrai. Mais les niveaux d’explication et les étapes diffèrent : Certaines personnes te disent : « Je suis d’accord avec toi ! » Parfois on me dit : « Donne moi n’importe quel savant qui le dit parmi les Gens de la Tradition… » « Al-Ghazâlî, ça me va… Al-Juwaynî, ça me va… Al-Râzî, ça me va… Untel, ça me va… » « Pas la peine de m’entrainer dans les détails du problème ! »
Et certains te disent : « Non ! Moi je n’admets d’aucun de ces savants » « Y a-t-il une preuve du Livre ? Y a-t-il une preuve de la Sunna ? C’est tout. »
Il a le droit ! Il a le droit de demander ça.
À la base, tu n’as pas le droit de lui dire « Pourquoi mon frère ? Juwaynî te dérange ? Ghazâlî te plaît pas ? » Il a le droit que ça lui plaise pas al-Râzi, ni al-Juwaynî, ni al-Ghazâlî. Car aucun de ceux-là n’est infaillible.

Remonter aux sources du Vrai, retrouver une fidélité à la Tradition originelle : voilà précisément ce qu'aimeraient faire les sciences sociales*, et qu'elles ont beaucoup de difficulté à faire - beaucoup plus de difficultés que les musulmans… : « La façon dont la sociologie a défini ses propres questions durant le siècle passé [XXe] rompt sur des aspects fondamentaux avec les intentions qui étaient celles des sociologues classiques. Pour simplifier, ces derniers – et Marx, Durkheim, Simmel et Mead en particulier – insistaient fortement sur la nécessité de fonder la théorie sociologique sur l’observation empirique de ce que font effectivement les agents dans des sociétés concrètes pour construire socialement le caractère concret, signifiant et reproductible de leur vie. (…) Si la sociologie et la théorie sociale sont assurément à un tournant, un peu désemparées (…) c’est bien davantage parce que la théorie sociale s’est développée sous une forme qui l’a conduite à s’écarter fortement de ses racines, de cette perspective originaire qui s’était construite contre les positions de la philosophie traditionnelle, de l’économie et de la psychologie. Aujourd’hui, la théorie sociale dans son ensemble intègre les positions propres à la philosophie classique, lui emprunte ses termes et ses critères, comme si cela ne contredisait pas directement la possibilité même d’une théorie sociale. C’est ainsi que la formulation philosophique des problèmes que la théorie sociale classique avait rejetée a été réintroduite au sein de la discipline. Dès lors, les arguments qui s’opposaient à ce type de formulation des problèmes ont été oubliés. C’est l’une des raisons pour lesquelles la théorie sociale apparaît si occidentalo-centrée et peu pertinente face à la globalisation. » (Anne W. Ralls, sociologue américaine, interactionniste et ethnomethodologiste) Entre les sciences sociales et l'islam, il faut poser le problème en termes d'interférences, tantôt constructives (période des Indépendances) et tantôt destructives (ère postcoloniale tardive*).
Bien sûr Saeed Fodeh, ce n'est pas son problème…

13. Agir dans la monstration du Vrai

Al-Ghazâlî est devenu l’Argument de l’islam, pas en sortant du ventre de sa mère Ni al-Râzî le Rénovateur. Ni al-Juwaynî n’est devenu l’Imam des deux lieux saints, parce que c’était écrit de lui dans le ventre de sa mère… Par ses actions, il est devenu l’Imam des deux lieux saints… Par ses actions, il est devenu l’Argument de l’islam… Par ce qu’il a mené de démonstration [izhâr], d’exposition [bayân], de notification [balâgh] de cette religion… ils ont été surnommés ainsi. Donc l’Argument, ce n’est pas le point de vue de l’imam al-Ghazâlî. L’Argument, c’est ce que Ghazâlî a avancé comme explication. Donc à toi d’argumenter à propos des créatures : Comment ? Par le Vrai, et non par le point de vue de telle créature. Qu’est-ce que le Vrai ? C’est ce que ces créatures ont expliqué. D’abord au fondement, puis par ces créatures. Car le Vrai s’est rapproché d’eux, comme s’est rapproché des Compagnons, que Dieu soit satisfait d’eux.

Noter les termes utilisés pour caractériser l’agir du savant :

  • izhâr : (dé)monstration, manifestation, affichage
  • bayân : exposé, tableau, déclaration
  • balâgh : notification, annonce, communication

Le caractère rationnel du témoignage, fondé sur des preuves, ne verse jamais dans une recherche de cohérence formelle, ou la construction d'un système philosophique valorisé pour lui-même. La preuve agit au plus près l'intuition du croyant, afin de rendre manifeste la Vérité religieuse, ou bien rendre manifeste l'égarement.

14. Ne pas enfermer le Vrai dans les Compagnons

Ainsi, « les gens de la Tradition et du Consensus », ce n’est qu’un nom qui décrit, qui s’applique et qui atteste des Compagnons, comme il atteste de ceux après eux, et ceux après eux, jusqu’au Jour Dernier, si Dieu le permet - à la condition qu’ils soient des Gens du Vrai. Voilà le critère des gens de la Tradition et du Consensus. Voilà le concept ultime, des gens de la Tradition et du Consensus, Et c’est ce qu’ont voulu dire les gens de la Tradition, et du Consensus, quand ils ont dit « Nous sommes les gens de la Tradition et du Consensus » Et il ne nous est pas permis de nous limiter, d’enfermer nos cerveaux et nos réflexions au fait de répéter sans cesse : « Si ça n’a pas été dit par un des Compagnons, on ne suit pas. » Non, ce n’est pas le seul critère possible. Le critère est correct… Mais le Vrai [al-haqq], c’est ce que la preuve [dalîl] a mis en évidence [bi-sidq]. C’est tout. Et sur cette base, tel Compagnon a dit, tel autre Compagnon a dit, et tel autre après eux…

Noter l’identification aux Compagnons dans le geste savant.

15. Une méthodologie du Vrai

Ça peut être une question dont les Compagnons n’avaient pas besoin ! Donc ils n’ont pas cherché à y répondre… Mais certains après eux ont cherché, et ils en ont dit, ils ont apporté des preuves qui sont les preuves du Vrai. Donc il ne nous est pas permis de dire : « S’il ne nous est pas parvenu des Compagnons une mention détaillée sur cette question, elle ne fait pas partie des questions du Vrai. » Non ! Car la méthodologie du Vrai, c’est la méthodologie qu’ont utilisé les Compagnons, pas simplement les énoncés partiels qu’ils ont prononcé. Les Compagnons ont prononcé des paroles en se fondant sur une méthodologie [manhaj] et en se fondant sur des déductions [istidlâl] conformes, valides, qui les ont conduit à des résultats. Donc on ne se limite pas au point de vue de ces questions précises, mais au point de vue de ces méthodologies, qui mènent à ces questions, comme elles peuvent mener à d’autres questions. Voilà la compréhension profonde et précise de l’expression « Gens de la Tradition et du Consensus ».

16. Un défi pour l’Humanité jusqu’au Jour Dernier

Donc quand nous disons : « Nous sommes des gens de la Tradition et du Consensus », nous ne revenons pas en arrière dans l’Histoire, mais nous poursuivons l’Histoire jusqu’au Jour Dernier. Quand nous disons « Nous sommes des gens de la Tradition et du Consensus », et quand nous nous affilions aux Compagnons, nous nous affilions au Vrai auquel s’affilient les Compagnons. Notre affiliation n’est pas simplement aux personnes des Compagnons, quel que soit l’honneur qu’on puisse en tirer. Mais nous nous affilions au Vrai, et la problématique des « Gens de la Tradition et du Consensus » représente une sorte de défi. Cette exigence suprême, qui représente un défi pour l’Humanité toute entière : que ces questions, ces croyances, ces attestations, affermies par les Gens de la Tradition et du Consensus, restent celles établies par les preuves conjointes de la Raison et des Ecritures. Indépendamment de ce qu’on en a dit dans le passé, de ce qu’on en dira à l’avenir. C’est pourquoi pour les Gens du Vrai, nous ne faisons pas de différence entre une entre une avant-garde et une arrière-garde : ils sont tous des Gens du Vrai. …si ce n’est par la grammaire de la déduction [nahû al-istidlâl], la manière d’exposer [tarîqat al-bayân], la méthode d’expression [manhaj al-ta’bîr], etc..

Noter le rejet de la problématique avant-garde / arrière-garde, typique de la modernité*.

17. Permet le dévoilement de l’erreur

Voilà les grands principes, qui ne sont pas sans importance. Par exemple, la question de la pluralité religieuse… Que toutes les religions, que tu soies chrétien, juif, vous serez tous au Paradis. Cette question, les Compagnons en ont-ils parlé en détail ? Non ! Mais il y a des preuves parfaitement claires, du Coran et de la Tradition et des paroles des compagnons, qui le montrent. L’Ahmadisme [né en Inde au XIXe siècle] ? Y a-t-il des propos précis sur l’Ahmadisme ? Evidemment non… Mais il y a des preuves globales et définitives, qui montrent que c’est un courant erroné. Donc je voudrais qu’on comprenne que le courant des Gens de la Tradition et du Consensus, et que l’affiliation aux Gens de la Tradition et du Consensus, ont ce sens-là, qui contient en lui toutes les définitions auxquelles nous avons fait référence. Nous implorons Dieu d’avoir réussi à éclairer ce sens. Louange à Dieu Seigneur des mondes, prières et salut sur notre Prophète Mohammed, le Sceau des Prophètes. Merci à vous.

fr/theologie/sunnisme/saeed_fodeh/ahl_al-sunna_wal-jama_a.txt · Dernière modification : 2023/07/06 11:14 de mansour

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