Postcolonial
Sur l’ensemble de ce site, j’utilise le terme « postcolonial » (ou plutôt post-colonial, avec un tiret) au sens de la périodisation : l’époque postcoloniale est une période historique qui a succédé à l’époque coloniale, elle-même en passe d’être remplacée par une nouvelle période - « post-postcoloniale », comme on pourrait la nommer temporairement.
Cet usage diffère d’un autre, peut-être prédominant mais que je considère abusif, où le terme postcolonial signifie : « encore colonial », la continuation du colonial jusque dans le présent (approche décoloniale*). Dans bien des situations, l’usage du terme suffit à me positionner dans un camps : mes interlocuteurs partent au quart de tour, après quoi il faut désamorcer ; l’incident ouvre un espace à la discussion.
De mon point de vue, le terme postcolonial reste indispensable lorsqu’on parle du Moyen-Orient, afin de pointer l’organisation spécifique du monde entre 1945 et 2011.
- 1945, l’établissement d’une Pax Americana au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, reprenant à son compte la doctrine énoncée durant la Première par le Président Wilson : « le droit des peuples à disposer d’eux-même ». Doctrine qui attribue un rôle singulièrement central aux sciences sociales (indispensables pour se constituer comme « Peuple »… - d'où une forme d'idolâtrie* inhérente à l'exercice).
- 2011, moment historique de cristallisation de la promesse postcoloniale, qui est aussi un « chant du cygne ». Dorénavant la population arabe est massivement alphabétisée - donc plus manipulable par les médias et réseaux sociaux, certes, mais attachée surtout au cadre des « Républiques Arabes »… - et voilà soudain qu'elle se soulève, en reprenant sans équivoque le lexique européen : pour demander l’État de droit.
Réponse des Nations Occidentales entre frilosité (Syrie, Yémen), opportunisme des dirigeants (Egypte, Libye), et émotivité des opinions publiques (qui ne voient pas plus loin que l’assassinat de caricaturistes au bout de leur rue, pendant que des pays sont rayés de la carte). Une trahison historique ? Peut-être. En tous cas un démenti de fait aux croyances collectives qui sous-tendaient l’action politique. Disons un démenti historique, dont l’époque postcoloniale ne peut simplement pas se relever.
J'utilise aussi l'expression : ère postcoloniale tardive. En général il s'agit du Yémen des années 2000 (déjà pleinement conscient de ces contradictions) ou de la France des années 2010 (qui persiste dans son déni).