L’enjeu
6-7 juillet 2023
Entre islam* et Occident*, il existe une relation tacitement admise, inscrite dans les structures* discursives de chaque époque considérée.
- L’ère coloniale supposait une telle relation : dans le langage ordinaire, « musulman » désignait une catégorie juridique, ce qu’on a beaucoup de mal à imaginer aujourd’hui.
- Depuis 1945, « musulman » est une catégorie de sciences sociales, étroitement liée à la notion de culture : ensemble de représentations héritées, supposées refléter ce que des personnes sont, et associées à la reconnaissance de droits selon la règle du jeu postcoloniale* (« droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »).
Cette définition tacite de l’islam est commune aux discours produits en France, en sociologie notamment, et à ceux produits par les musulmans eux-mêmes, quant à l’ordre du monde « non-musulman ». - Dans notre ère postcoloniale tardive, l’équation tacite « islam = terroriste » cherche à nous dire quelque chose : une menace sur l’ensemble des mots, que l’islam ferait peser par sa simple présence. Le dualisme* postcolonial est à l’œuvre : quelques crayons de couleurs suffisent à le montrer, libérant le regard vers autre chose.
Ce dont cette équation nous parle plutôt, que nous n’arrivons pas encore à formuler, c’est la perte du leadership occidental. Il en sortira sans nul doute une nouvelle relation, tacitement admise entre ces deux entités - mais aussi plus largement, de l’un et de l’autre avec le monde. L’écologie mentale* d’une époque, qu’islam et Occident suffisent ensemble à définir.
Les vertus de l'inversion
Sur ce site, ma stratégie intellectuelle se limite à inverser la relation actuellement admise - entre l'Occident et l'islam, entre le nom et la chose nommée - sur la base d’une réflexion d’épistémologie* et de sciences sociales, empiriquement située (ce qu’on appelle ethnographie)*.
Cet objectif général était déjà manifeste :
- dans l’analyse de mon terrain yéménite : théorème de l’enchantement ethnographique (formulé vers 2008)
- dans l’exploration de l’Histoire : l’Islam comme méta-contexte de l’histoire des idées européennes (formulé vers 2018).
Je le formule ici un peu plus clairement :
- en lien avec les évolutions géopolitiques récentes (guerre d’Ukraine),
- et l’avancement de mon propre travail (analyse de l’incident inaugural d’octobre 2003).
Inverser la relation entre islam et Occident produit un certain nombre de paradoxes, qui nous confrontent à des erreurs de types logiques*, des impensés structurels qui organisent notre quotidien. Car la révolution féministe* d'une part, la révolution djihadiste* d'autre part, n'ont fait en elles-mêmes qu'embrouiller les choses. L'une et l'autre ont transformé le monde, mais ne peuvent en elles-mêmes en accoucher : pas sans une rigueur épistémologique minimale, dont j'essaie ici de montrer l'exemple.