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Journal juin 2024 : Dissolution / Réunification

Journal ouvert à l’aube du vendredi 14 : quelques remarques sur la simultanéité entre la réunification de Taez et la dissolution d'Emmanuel Macron. La conjonction interroge, et pour l’histoire de ce site c’est un épilogue éloquent.

Dimanche 9 : Sur Whatsapp à 21h05

- « Cet homme est une ordure historique. »
- Sœur n°1 : « Tu parles d'Étienne Daho ? »
- « C'est la fusion ultime de la macronie et du RN. Ils vont avoir trois ans pour s'amadouer en cohabitation. Voilà, la tragédie est là. »
- Sœur n°2 : « Je pensais que c’était pour faire barrage au RN ? »
- « Faire barrage avec 15% ? C'est pour organiser la transition douce de la macronie au RN. La gauche sera laminée dans trois semaines, et plus laminée encore dans deux ans. C'est juste la fin d'un monde. »
- Sœur n°2 : « Je pense que la moitié des abstentionnistes vont réagir »
- « Non. Il y a une inertie du débat public, les choses ne peuvent pas changer aussi vite. La gauche va s'unir, elle va croire au sursaut, perdre les élections de peu, et pendant trois ans elle va encore se bercer d'illusions. Le RN aura l'Assemblée, la Macronie gardera l'Elysée, et la gauche contribuera à maintenir le décor en place. L'actualité sera monopolisée par le Bandit et le Gendarme, sur le théâtre de Guignol. Mais en coulisses, ils auront tous les leviers pour gérer la transition au mieux. Avec un tel degré de fausse conscience, je ne pense pas qu'une opposition réelle puisse émerger d'ici 2027.
Enfin qui vivra verra. Et tout le monde finira au cimetière de toute façon 😂 »

- Mère : « Je ne suis pas d’accord Vincent. Le RN sera dans l’embarras car il n’est pas prêt à gouverner si tôt, et ce sera la preuve que le RN n’est pas la solution. Il y aura un sursaut des abstentionnistes dès les législatives… Coalition droite et Macron, ou gauche??? à suivre. Bisous »
- Sœur n°1 (répondant à Sœur n°2) : « Oui, mais il y a aussi des abstentionnistes qui votent à l'extrême droite… »

Jeudi 13 : Accélération

(posé dans l'accueil des Moments)


Comme le Bernard l'ermite, l'Europe a un problème structurel de croissance dans son rapport à ses propres institutions
(Explications dans la section Explorer).



Vendredi 14 : Sur la situation politique française

Il y a deux jours, j’écoutais les commentaires d’Henri Guaino sur la situation politique de la France. C’est un homme que j’estime, surtout pour son rapport à l’histoire, et il était passablement pessimiste :

« On a ouvert une ère de désordre absolu, qui va déboucher sur beaucoup de violence - vous connaissez mon obsession… » (vers 10’).

Or je pense qu’il se trompe, pour des raisons structurelles : il ne tient pas compte de l’intelligence des musulmans, il ne la voit simplement pas.1)

Aujourd’hui au réveil, je pensais encore à mon CV, désespérément vide. Mais je pensais aussi aux Bernards-l’ermite, à leur « chaine de vacances », et je riais de moi-même : comment dans ces circonstances songeraient-ils à me donner du travail ??

Sur ce site, je démontre qu’on peut gagner des hasanates en faisant des sciences sociales. On peut être une petite goutte d’huile dans le grand moteur de l’Histoire, et pour cela mériter sa place au Paradis des Bienheureux. C’est ce pourquoi j’écris, il n’y a rien d’autre à attendre. Plus j’avance, plus il me semble que les musulmans font déjà comme ça, sans avoir besoin de lire Bateson ou d’écouter Ani Difranco2). Les musulmans sont ces petites gouttes qui font l’Histoire, quand Ani et moi nous tenons sur le bord du Grand Canyon (voir tout en bas son poème, que j’ai traduit avant-hier). Si je peux être une petite goutte à mon tour, ce salaire est bien suffisant.

En réalité, la chaîne de vacances est dans sa phase finale, et pas besoin d’être Vincent Planel pour s’en apercevoir. Nous sommes dans ce moment où le Bernard l’ermite, ayant calé son abdomen mou et visqueux au fond de sa coquille, va bientôt pouvoir lever les yeux.
Dans chaque famille politique, on assiste ces jours-ci à une irrésistible décantation, chacune s’installant dans une personnalité qu’elle « sent bien » :

  • À gauche, tout s’écoule vers François Ruffin - l’un des rares qui a su un peu se mettre à l’écoute des Gilets Jaunes ;
  • À droite, tout s’écoule vers Edouard Philippe - celui qui a fait ses preuves dans la crise du Covid, et que Macron a remercié parce qu’il lui faisait de l’ombre ;
  • À l’extrême droite, tout s’écoule vers Jordan Bardella.

Dans ce moment historique où le RN devient le parti majoritaire en faisant 32 % des voix, c’est du bon sens que la famille Le Pen est encombrante, et qu’il faut confier les rênes à un jeune. Bien sûr à gauche on ne veut pas y croire, on soupçonne une « stratégie de dédiabolisation ». Non, c’est juste un moment historique où la gravité reprend ses droits, partout. Chaque fois ce sont des hommes, par gravité encore. Mais c’est une question d’adéquation au rôle, relativement à chaque orientation idéologique, en fonction d’une situation historique partagée.

Une fois clarifiées les têtes d’affiches, les militants en ordre de marche et l’abdomen bien calé, ces structures partisanes vont pouvoir lever les yeux. Alors elles se rendront compte de leur inadéquation : Philippe est un type trop bien pour prendre la tête de la macronie, et le combat de coqs Bardella-Rufin n’a aucun sens. Pas plus que le match « Rassemblement National » contre « Front Populaire ».

« L’Histoire se répète. La première fois elle est tragique, la deuxième fois c’est une farce ».
Édouard Philippe a raison de citer Karl Marx. Je parie qu’avant la fin de cette campagne-éclair, les militants eux-mêmes auront honte de leur nom.

La raison de cette inadéquation est pointée par Emmanuel Todd, dans le dernier chapitre de son dernier livre, La Défaite de l’Occident (Gallimard 2024) :

« Ce que ne pouvaient imaginer Engels ou Lénine (mais que Hobson avait entrevu), c’est que le prolétariat occidental pourrait être complètement transformé en une plèbe vivant largement du travail des Chinois et d’autres peuples du monde. (…) Pourquoi les populations qui ont survécu au démantèlement de leur industrie sont-elles maintenant de droite ? C’est tout simple. Les partis de gauche, sociaux-démocrates ou communistes, s’appuyaient sur des classes ouvrières exploitées. Les partis populistes, eux, s’appuient sur des plèbes dont le niveau de vie dérive largement du travail sous-payé des prolétaires de Chine, du Bangladesh, du Maghreb ou d’ailleurs. Je me surprends moi-même en pensant ce qui suit : les électeurs populaires du Rassemblement National sont, au regard de la théorie marxiste la plus élémentaire, des extracteurs de plus-value à l’échelle mondiale. Ils sont donc très normalement de droite. »

D’où ce moment révélateur, avant-hier sur le plateau de Mediapart, cette remarque d’une militante de Seine Saint-Denis à la 66ème minute :

« …Juste, je voulais dire aussi quelque chose. Beaucoup de personnes sont venues voter mais… en sortant… la plupart disaient espérer qu’il y a des choses qui vont changer. Le pouvoir d’achat. Le pouvoir d’achat, on n’en parle pas. Beaucoup de personnes qui retirent les aliments à la caisse, ça aussi c’est vraiment scandaleux. Parce que vraiment, on n’arrive pas à joindre les deux bouts… »

On sent cette militante pas vraiment à l’aise, dans son rôle habituel de « classe populaire racisé-e ». Que tente-t-elle d’exprimer au juste ? Faut-il comprendre que ceux qui se rendaient aux urnes, jusque là en Seine Saint-Denis, s’y rendaient pour que les choses ne changent pas ?
Plan large sur l’ensemble des invités : l’une hoche la tête de manière cérémonieuse, les autres restent étrangement figés…

C’est le nœud de notre situation historique, qui se dénouera forcément dans cette campagne. Le renoncement à l’extraction de plus-value, il se joue d’abord dans nos propres subjectivités. Quels que soient les atermoiements, les grincements que cela suscite, les sphères publiques européennes s’y dirigent à grand pas. Et dans l’instant-même, l'Orient retrouve son épaisseur.

La circulation revenue sur le carrefour, devant le Centre Mansour al-Fransi (autre photo reçue ce matin).

Le mur de Taez est tombé hier, et Ziad m'accuse d'en être responsable avec Trump. Il promet : « Je vais les baiser tous les deux sur le Carrefour du Palais Républicain », c'est-à-dire juste derrière la ligne de front, au début de la zone houthie. « Dieu le Fils » reprend pied sur l'Orient, pour mettre un terme à l'incompétence des élites ‣Occidentales, égarées par leur suffisance.

Ziad énonce la vérité d'un moment de la vie politique française, parmi des Yéménites qui ne comprennent rien de ce qu'il raconte, une part de leur destin qui leur échappe. C'est moi qui ai ouvert cette frontière : ce doit être vrai puisque Ziad l'affirme, en vertu d'une conjoncture en fait mondiale, dont il a construit l'intuition de là-bas.

Hier soir à la mosquée, je relisais les sourates des deux derniers juz’, mémorisés cette année et que j’aimerais ne pas oublier. Je me suis demandé : le basculement en cours est-il de nature à fixer le texte dans ma mémoire ? Ça a été une évidence.
Par exemple Sourate 81 :

« Lorsque le soleil s’éteindra, que les étoiles s’obscurciront, que les montagnes s’ébranleront… »

Bien sûr qu’on lit différemment ces sourates mecquoises dans ces moments de basculement historique, qui sont des moments d’éveil (comme l’a été 2011 - voir mon texte Une révolution bénie).

Il n’y aura pas de guerre civile - c’est le moment de le dire pour de vrai cette fois (contrairement à 2015) - parce que les musulmans vont prendre leurs responsabilités. De cela, la réunification de Taez est déjà le signe avant-coureur. Les Français sont obnubilés ces jours-ci, ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Mais nous vivons précisément l’instant où ils lèvent le nez du guidon, et disent : « Oh ! ».

Ani Difranco, Grand Canyon (2003).

Samedi 15 : Mon bulletin Le Pen de 2017

Notice de la page d'accueil.
⇒ voir accueil_2024-06-15_bulletin_de_vote

Dimanche 16 : Plan Local d'Urbanisme

Déposition dans une enquête publique sur une modification du PLU à Antony
(rien à voir, mais pertinent sur le fond).

Semaine du 17 : Variations sur Ani Difranco

⇒ Voir la section Ani Difranco
(je boucle les textes commencés le vendredi 7).

Samedi 22 : Que ta main gauche ignore…

Quelques discussions à la mosquée hier soir après le cours, je réalise qu'ils ne s'inquiètent pas du tout. Que le RN soit aux portes du pouvoir, ça ne les concerne pas, ou pas plus que les fois précédentes. De l'autre côté j'ai ma grande sœur qui fait campagne : elle nous envoie des listes d'arguments pour convaincre les électeurs, comme si des arguments pouvaient convaincre les électeurs, comme si l'argumentation elle-même ne nous avait pas mis dans cette situation.
Mais moi, ce double constat me place dans une étrange quiétude. Cela me rassure en fait qu'ils ne sachent pas, d'un côté comme de l'autre. Je pense à cette phrase : « sans que sa main gauche ne sache ce qu’a donné sa main droite » (extrait de hadith et dans la bible également, Mt 6:3). Je pense aussi au troisième chapitre de La nature et la pensée : « Versions multiples du monde », et au cinquième chapitre : « Versions multiples de la relation ».

Ces derniers dix jours, j'ai souffert d'une incapacité totale à me concentrer : à force d'écrire sur Ani Difranco, de suivre dans les médias les palabres de la gauche, je n'étais plus capable d'ouvrir un livre de fiqh ou de sîra. Impression d'être sous-emprise, retombé dans une méchante drogue, et de ne plus rien connaître. Sortir un peu m'a remis les idées en place.

Au cœur de ce wiki, il y a mon petit théorème de 2008, la découverte fondamentale de ce que les Taezis jouaient sur les deux tableaux. Je devrais plutôt dire : jouaient en conscience sur les deux tableaux. Jouer sur les deux tableaux sans conscience, c'est ce que je reproche aux musulmans diplômés* : entre islam et sciences sociales, ils proposent des recoupements incestueux, comme la notion d'islamophobie. Une relation d'application (les sciences sociales s'appliquent à l'islam) et d'instrumentation (les musulmans doivent utiliser les sciences sociales). Des recoupements qui emmènent la Gauche vers l'abîme, en la maintenant dans ses illusions dualistes*.

Pour autant moi aussi, je dois jouer sur les deux tableaux, c'est indispensable! Je dois maintenir une distance entre moi et le monde, entre ma gauche et ma droite, entre mon intuition et l'omniscience divine. Car au fond je n'en sais rien moi-même, si le RN sera au pouvoir le mois prochain. Si ça se trouve, ce sera comme les autres fois. Suis-je prêt à rempiler pour trois ans, de solitude et d'humiliation? Bien sûr je suis prêt, à condition de ne pas tabler sur un Jugement Dernier dans deux semaines, un solde de tous comptes au soir du 7 juillet. À condition de ne pas placer ma foi dans l'intuition* de mon cogito, oublier Dieu et la laisser me rendre fou. Ça, c'est une maladie professionnelle d'anthropologue, et je m'y surprends régulièrement! Mais si je reste avec Dieu, il n'y a pas de solitude et pas d'humiliation.

« C'est vrai tu écris beaucoup, tu en es conscient… », m'a dit le frère hier soir, dans la voiture sur le chemin du retour. « …Moi je ne pourrais pas écrire comme ça sur moi, ne serait-ce qu'une page. ». Je n'ai pas vraiment su lui répondre : j'ai dit que je n'avais pas d'autre choix, pour être musulman. Ce n'était pas très clair, j'ai préféré détourner la conversation. Mais ce matin les choses m'apparaissent plus clairement.

Quand je fais des sciences sociales, je dois être Ani Difranco, portant ma honte sur une scène avec ma guitare. Quand je fais des sciences islamiques, je dois être Mansour, le « captif amoureux » du Prophète Mohammed (les prières et la paix soient sur lui). Il n'y a aucune contradiction. Je sais bien que dans l'absolu, les sciences de la révélation sont des sciences sociales (celle-ci étant le premier Big Bang, dont découle tout le reste…). Mais cette vision théorique n'appartient qu'à Dieu. En tant qu'étudiant, je suis obligé de séparer les registres : de travailler avec ma honte dans les sciences sociales profanes, et avec mon point d'honneur* dans les sciences islamiques.


Il n'y a aucune contradiction. C'est tout à mon honneur d'avoir dissolu dans l'acide mon enquête au Yémen, pour qu'il n'en reste plus qu'une histoire de ma honte, et que tout puisse partir par le trou de la baignoire. C'est ce qui me permet aujourd'hui de me tourner vers la page - wajh en arabe : la double-page est un « visage »… - malgré dans mes oreilles le vacarme de A spade, la chanson traduite hier, qui n'est toujours pas partie. Le trou de la baignoire, c'est la matrice monothéiste* : je lui livre ce corps qui gigote encore, et le texte n'en est que plus vivant.

PS: Todd parle de « Dissolution de la France » (je reçois la vidéo à l'instant). Il a juste rien compris.

Rédigé dans la foulée :
Ani Difranco, les médias et la guerre
(j'ai déjà replongé…)

Dimanche 23 : Pour un souverainisme inclusif

Restaurer la figure du converti dans son universalité (réaction à l'interview d'Emmanuel Todd).
⇒ voir la page Ani à 23 ans

Lundi 24 : Mujtahid Babe

Ani Difranco, mujtahid babe
(une clarification nécessaire).

Mardi 25 : Une approche de l'histoire prophétique

La Sira dans un œil-de-chat

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1)
Raisons structurelles que je pose dans La cage, notice du mois de novembre dernier, revisitée hier. Un aveuglement spécifiquement « catholique », peut-être ?
2)
Et bien que j'aie souvent cassé du sucre sur les « musulmans diplômés »*
fr/comprendre/moments/2024_06-dissolution_reunification.txt · Dernière modification : 2024/06/25 14:22 de mansour

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