Ani Difranco, les médias et la guerre

Dernière partie d’un documentaire de 2003 sur les médias indépendants en temps de guerre, avec la journaliste Amy Goodman :
(Déjà mentionné dans mon aniblog : billet du 9 mars 2008)

La première partie de la vidéo est intéressante aussi.
Je ne me souvenais pas cette affaire des journalistes espagnols, tués dans leur hôtel de Bagdad en avril 2003. Forcément je n’y étais pas, et nous les Français étions moins concernés. L’affaire fait étrangement écho au meurtre des caricaturistes de Charlie Hebdo douze ans plus tard, mais à l’envers : les Espagnols ont posé leurs stylos pour montrer leur honte, et les Français ont fait exactement l’inverse ! Ça me renforce dans cette idée, que j’appelle « l’effet Villepin » : la France est malade de ne pas avoir pris part à la Guerre d’Irak.

Toutes ces années, les Français ont continué à se prendre pour Tintin reporter, à faire commerce de leur engagement sur des « terrains minés », à se prendre pour des héros de la libre pensée… En janvier 2015, eux qui n’avaient pas été foutus d’écrire un papier cohérent sur l’affaire Merah, ils sont sortis derrière Netanyahou et Poutine en brandissant leurs stylos, après l’assassinat des caricaturistes. L’élite intellectuelle a pris goût à cette fierté bravache, qui poussait tout le pays vers l’extrême droite, inexorablement. La gauche en face n’a rien pu faire, parce qu’elle vivait toujours sur ce mythe du héros intellectuel et du reporter engagé… La corporation universitaire française a voulu défendre l’empire hégémonique des sciences sociales - c’était un impératif existentiel - reprenant à son compte les corporate lenses du journalisme américain. Pendant tout ce temps, les musulmans diplômés ont laissé faire (j’étais bien placé pour l’observer…).

Toute la contradiction réside dans cette petite phrase d’Amy Goodman :

…Sauf que ce jour ne viendra jamais en réalité, pas dans ce cadre-là (voir la chanson A spade).
Dans la matrice monothéiste*, les histoires sont déjà trop imbriquées. Mais les sciences sociales n’ont pas voulu le comprendre, et les musulmans diplômés* ne les y ont pas aidés. Ils ont revendu leur « came » (anthropologie de l’islam*), et maintenant ils prennent des postures de solidarité avec Gaza… Avec tout ça, les Français devraient s’abstenir de voter RN, pour que ce petit monde ne soit pas perturbé dans ses « engagements » ? Mais qu’ils le veuillent ou non, l’humiliation est là : celle qu’ont vécue nos alliés sur le terrain irakien, elle les rattrapera forcément.

Quant à l’assurance d’Ani Difranco, cette place qu’elle a pu prendre dans ces circonstances historiques, cela ne lui est pas venu de nulle part (voir le théorème d'Ani). Il ne suffit pas de prendre la parole, de brandir son stylo. C’est ce que la gauche française n’a pas encore vraiment compris.