Outils pour utilisateurs

Outils du site


fr:theologie:sunnisme:oeil_de_chat

La Sira dans un œil-de-chat

Lu en note dans Wikipedia sur la bataille de Tabouk :

De nombreux détails entourant la vie de Mahomet telle que l'indiquent les biographies, sont « problématiques à certains égards, surtout en ce qu'ils représentent une tradition narrative en évolution constante qui est susceptible de s'être développée oralement pendant une période considérable avant d'être consignée par écrit sous une forme relativement fixe. Dans l'idéal, on aimerait être en mesure de contrôler ces récits grâce à des témoignages contemporains… Le fait est qu'il n'existe pas de témoignage pertinent archéologique, épigraphique ou numismatique datant de l'époque de Mahomet, pas plus qu'il n'y a de références à lui dans les sources non musulmanes datant de la période antérieure à 632. »

Bowersock, Glen Warren, Peter Robert Lamont Brown et Oleg Grabar Late Antiquity: A Guide to the Postclassical World (1999, Harvard University Press) p. 597

⇒ commenter la manière dont l'aspect processuel est vu comme posant problème, alors qu'il est précisément l'indice le plus sûr de l'authenticité des faits rapportés : au moins dans leur existence si ce n'est dans leur détail. La foi sunnite n'a pas besoin d'autre chose : elle ne repose pas sur un culte de la relique, du fragment décontextualisé. C'est donc un piège de sacraliser tel ou tel détail ou incident anecdotique. Après on s'alarme du culte des tombes, mais on fait exactement la même chose par sciences sociales interposées… Il y a un rapport immature aux récits historiques, qui n'est pas le fait des savants musulmans (initiateurs de cette critique historique), mais le fait d'une maléducation moderne (comme on parle de « maldéveloppement » ).

Vidéo égyptienne sur ce sujet, reçue sur Whatsapp en mai 2024.
Typiquement le genre de polémique exaspérante, où je ne veux pas prendre parti.

En s'inspirant de la critique batesonienne*, il semble utile de privilégier la relation aux différents compagnons, aux différents lieux de mémoire (Tabouk par exemple…), même aux différentes écoles juridiques : comprendre comment tout cela, pour des générations de musulmans, s'est organisé comme un espace épistémique*.

L'exemple qui me vient en tête, c'est l'évidente complémentarité entre les figures d'Omar et d'Abu Bakr - sachant qu'Omar a eu un rôle politique et idéologique beaucoup plus important (le Saint Paul de l'islam, disait l'autre…). Donc à l'évidence le personnage d'Abu Bakr est éclairé sous un certain angle (en tant que le compagnon qui n'est pas Omar). Je ne vois pas en quoi comprendre cela diminuerait la foi du croyant une fois réappropriée l'histoire musulmane, ou au minimum sa structure qui relieGB5.

Je pense à l'émerveillement de la fille de Bateson, dans l'introduction de La Nature et la Pensée, quand celle-ci découvre une spirale derrière son œil-de-chat : ce qu'elle pensait être « une sorte de pierre », devient tout à coup la trace d'un être vivant, donc quelque chose doté d'une histoire, à laquelle elle-même peut se rattacher.

Pourquoi avoir peur de ce vertige? La conscience de nous-mêmes dans la perception de ces hommes, qui étaient de toute façon au service de la Révélation, ne devrait pas poser problème. Notre connaissance est de toute façon médiatisée par la foi, et à vrai dire cela est vrai de toute l'histoire des sciences : les développements médiévaux et classiques présupposent le développement des sciences du hadith, en tant que modèles épistémiques… C'est en cela que la posture historico-critique relève d'une reconstruction délirante, ou d'une erreur de type logique*. C'est une mouche posée sur la croupe d'un cheval, qui parvient pourtant à le rendre fou! Pourquoi le croyant ne pourrait-il pas s'installer en conscience dans une mémoire communautaire, comme l'étudiant en licence de physique s'installe en conscience dans le paradigme quantique?

Ce qui l'empêche, c'est ce que j'appelle le régime° : l'état du rapport entre islam et sciences sociales - que j'ai vu s'effondrer à Taez en 2011, et les musulmans ici font comme s'ils n'étaient pas au courant.
Ce qui l'empêche, c'est qu'une sortie de régime est toujours productrice de honte. Je pense à mon expérience dans la phase de retrait, de 2007 à 2010 : plus je perçois la spirale, derrière mes matériaux d'« homoérotisme »*, plus je constate que tout cela converge vers mon propre trou du cul (c'est-à-dire ma propre intersexuation*). Or les diplômés* ont peur de cette expérience : à force de se cacher derrière l'intellectualité des non-musulmans, elle se dérobe à eux comme expérience mentale*. Aussi projettent-ils leur ambivalence sur le monde, en expliquant tout par « l'islamophobie » des autres. Tentation de s'extraire de l'Histoire, alors que le Moyen-Orient vient d'y reprendre pied.

Accueil sunnisme  /  Retour
fr:theologie:sunnisme:oeil_de_chat

fr/theologie/sunnisme/oeil_de_chat.txt · Dernière modification : 2024/06/26 12:11 de mansour

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki