Outils pour utilisateurs

Outils du site


fr:modele:matrice:sionisme

Ceci est une ancienne révision du document !


Morceaux rédigés du 6 au 11 juin 2025.
Il y a là plusieurs textes que je dois organiser et remanier ces prochains jours, mais les idées essentielles sont là.

Localiser le sionisme musulman

Il y a la trahison dont tout le monde parle : celle de notre humanisme / des dirigeants arabes. Mais au fait, quel rapport entre les deux, et pourquoi les évoque-t-on toujours ensemble ?
L’autre trahison, dont on parle beaucoup moins, est celle du Coran : « Nous nous sommes éloignés du livre d’Allah… ». La formule se promène sur les lèvres de la Communauté : on ne la comprend plus très bien mais on la répète quand même, car tout musulman sincère en porte le drame en son cœur. Une sorte de crédo vernaculaire, c’est-à-dire exprimé dans la langue locale, le français en l’occurrence : « S’être éloigné du Livre d’Allah ». Mais au fait qu’est-ce que ça veut dire ? En quoi cet éloignement consiste-t-il au juste? En quoi y a-t-il là une explication de la crise à Gaza ?

On voudrait commencer par quelques constats, une désignation anthropologique élémentaire de notre situation.

Impuissance du langage 

D’abord, notre époque constate avec effroi l’inefficacité du langage. Car c’est bien une nation développée, une nation instruite, qui fait cela aux Palestiniens. Aux yeux de tous, à la population qu’elle a chassé de sa terre quatre-vingt ans plus tôt, qu’elle a soumis à un blocus pendant seize ans, à qui elle fait payer sa propre faillite sécuritaire, l’impasse de sa propre politique. Une nation développée qui affame méthodiquement près d’un million de personnes, après avoir tout détruit de leur vies, de leur monde, qui leur tire dessus en faisant mine de les nourrir, comme on disperse des animaux.
Alors de grands esprits prennent la plume, pour inscrire ces nouvelles pratiques (in)humanitaires dans la vieille mauvaise conscience du Vieux Continent. L’Europe qui a affamé l’Afrique à travers l’oppression coloniale, et qui tire aujourd’hui sur ses enfants à travers ses gardes cotes… Ainsi la bande de Gaza dirait le rapport de la civilisation industrielle au reste du monde : un microcosme pour lire le destin de notre planète, aux dimensions limitées…
L’image est éloquente et porteuse, en tous cas pour des subjectivités écolos, essentiellement discursives, les plus mal armées pour affronter l’impuissance du langage. Auprès du reste du monde, l’image est contre-productive. S’il suffisait de comparer les Gazaouis aux Amérindiens, la guerre serait terminée depuis longtemps.

Puissance de la Parole 

« Se rapprocher de la parole d’Allah ». Cette même formule a poussé l’organisation Hamas dans le projet du 7 octobre - projet qu’on peut juger fou et suicidaire, indépendamment de toute considération morale sur le droit de la guerre, sur un plan purement rationnel. Ils avaient un coup à jouer, après quoi la clôture électronique se refermerait pour toujours, sur eux et sur leur peuple. Ce coup sur l’échiquier, ils ont voulu le jouer quand même, et nul doute qu’ils se sont appuyés pour cela sur le livre d’Allah. Hors de toute considération morale, encore une fois : je ne parle pas ici en tant qu’imam, mais en tant qu’anthropologue. Il a bien fallu la connivence d’un Livre - avec une majuscule - pour qu’un groupe ait pu construire un projet de cette ampleur, pierre après pierre, passant entièrement sous les radars de la surveillance israélienne. Ce qui fait dire à des analystes en chambre, et sur les plateaux télé : « Le Coran justifie la terreur… ». Mais le texte coranique fait beaucoup plus que justifier un tel évènement, en réalité : il en accouche.

Face à cette puissance de la Parole, la Communauté elle-même est incrédule. Elle a ses propres analystes en chambre : « Les Israéliens savaient, ils ont laissé faire exprès… » - qui changent d’avis l’instant d’après : « Allah a voilé les coeurs des infidèles ». On cite des versets coraniques avec tapage et grandiloquence, mais en réalité on n’y croit pas vraiment. Les musulmans vivent surtout une crise de la foi.

Il faut donc commencer par poser ce fait : Oui, le Livre les a aveuglés. Maintenant que fait-on ?

Témoigner pour le Texte 

Chaque tragédie terroriste nous ramène au matin du 12 septembre 2001. Un matin qui s’éternise, récapitulant tous les malheurs de l’Irak dans les années 2000 : comme si Gaza devait les traverser à son tour, au cours d’une longue matinée de 600 jours. Et nous toujours cloués au lit, tétanisés, toujours incapables de nous lever.

Quelque part dans ses six cent pages, le Coran proclame : « Ainsi avons-nous fait de vous une communauté médiane… » (2:143). Pas besoin d’être musulman pour entendre cet appel. Il faut que se lèvent ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont en position de faire médiation. Ceux qui n’ont aucune culpabilité de ne pas avoir été dans les rangs du Hamas, d’entretenir un autre point de vue sur le monde, n’étant ni Palestiniens ni Irakiens. Ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont en position de plonger au coeur de cette situation, entre le texte et ses lecteurs, entre le texte et ses lectures. En position de témoigner à la fois pour le texte lui-même, et pour la lecture qui en a été faite dans une situation donnée : sans la condamner à l’avance, mais en refusant absolument d’y réduire le texte. Parce qu’avant le cataclysme, l’explosion aveuglante, ceux-là regardaient déjà le monde, et le texte les aide à s’en souvenir un peu.

Ce qu’il nous faut comprendre, c’est l’incapacité chronique du mouvement propalestinien actuel à opérer cette médiation entre le texte et ses lectures. Usé sans doute par trois décennies de palabres anti-terroristes : « Le Coran justifie-t-il ou non la violence. ». Comment les musulmans se sont-ils laissés enfermer dans cette question-piège, dont on vient de voir qu’elle n’expliquait rien ?

Les grands travaux théologiques

Et en face pendant ce temps, aux yeux de tous, les grands travaux théologiques se poursuivent. Parallèlement aux tapis de bombes, aux pelleteuses travaillant sans relâche pour retourner la terre du petit territoire, le Rabbin Oury Cherki y va de sa Lettre ouverte à l'islam (janvier 2024), prolongée deux mois plus tard dans une Lettre ouverte aux Sages de l'islam (mars 2024) :

« Dans la première partie de cette lettre, j’ai montré comment l’islam pouvait devenir une religion légitime du point de vue du judaïsme et comment ces deux religions pouvaient coopérer efficacement. Cela dépend de la reconnaissance du judaïsme par l’islam, comme une religion comprenant des commandements spécifiques donnés par Dieu aux juifs et comme possédant un message universel destiné à tout homme. Bien entendu, d’autres problèmes restent à résoudre pour la création d'un pont de paix et de foi entre les enfants d'Abraham. »

Inutile de dire qu’un an plus tard, le Rabbin Oury Cherki n’a pas changé d’avis (interview de mai 2025, toujours depuis Jérusalem) :

- « L’État d’Israël est compris dans le subconscient collectif de la civilisation actuelle comme étant un évènement biblique en pleine modernité. Or si je suis défini comme participant à un évènement biblique, je dois repenser mon identité. (…) Ce qui est touché ici, c’est le point névralgique de l’identité dans ce qu’elle a de plus concentré. C’est ça qui va engendrer des réactions tout à fait irrationnelles [dans la communauté juive], comme quoi Israël ferait des crimes contre l’Humanité etc.. »
- Le présentateur (un peu gêné…) : « Oui, irrationnelles – maintenant quand on voit aussi les télévisions françaises par exemple, les grands médias, et qu’on voit ces images, on peut imaginer qu’effectivement… »
- « Oui mais il y a une manipulation absolument extraordinaire ! Vous savez qu’en Allemagne nazie, il y avait certainement des enfants qui ont été bombardés avec leur poupée dans leurs lits, lors de la conquête, le démantèlement de l’Allemagne nazie par les Américains. C’est-à-dire, on pourra toujours chercher une scène qui va vous faire tirer des larmes, qui va vous ébranler émotionnellement etc., sans se poser la question de savoir : Mais qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que c’est que ce conflit ? Contre qui on lutte ? etc.. »

Donc ce à quoi nous assistons - ne vous y trompez pas - c’est la création d'un pont de paix et de foi entre les enfants d'Abraham.

Les alliés d’Israël sont-ils sionistes ?

Comme on le sait, Israël a ses alliés dans la région : notamment les Emirats Arabes Unis qui promeuvent activement cette vision, à grands renforts de projets architecturaux futuristes, pour accueillir les rencontres entre le cheikh d’Al-Azhar et le Pape François - ainsi que par l’épuration systématique des élites religieuses dans le Yémen voisin, où les Emirats interviennent militairement depuis 2015. Dans toutes les régions sous leur contrôle, les EAU organisent l’exécution de tout ce qui ressemble de près ou de loin à un frère musulman. Et les génies qui nous gouvernent en France, comme on le sait, mettent un zèle particulier à leur emboiter le pas…

Pour autant, est-ce vraiment là que réside le sionisme musulman ?

L’explication n’est-elle pas un peu absurde ? Tout serait donc la faute d’un minuscule état du Golfe ? Certes doté d’une réelle puissance financière, et d’une capacité d’intervention militaire éprouvée, mais cela suffit-il pour remodeler la théologie monothéiste à sa guise ? Et d’ailleurs, est-ce vraiment là son objectif ?

Cette « théologie » émiratie a pour seule ligne de mire de « coopérer efficacement » avec ses voisins (pour reprendre la formule du Rabbin Cherki), au sein d’une alliance géopolitique donnée. C’est ce que recherche toute organisation étatique quelle qu’elle soit, peut-on vraiment le lui reprocher ? Oui bien sûr, les crimes commis à Gaza et au Yémen sont suffisamment avérés, on peut et on doit les leur reprocher. Mais au-delà, cette alliance mérite-t-elle vraiment notre détestation ? Surtout pour nous, qui vivons au centre de cette alliance, qui en consommons quotidiennement les fruits…

Un militantisme vintage

Cette fameuse « trahison des dirigeants arabes », n’est-elle pas usée jusqu’à la corde ? Ce lieu commun n’aurait-il pas plutôt sa place avec les robots Moulinex et les tables en formica, dans les souvenirs d’une époque révolue ? Mais de la débâcle de 1967, on refuse de faire le deuil. Ce souvenir-là est indémodable, il jouit d’une cure de jouvence perpétuelle, comme en témoigne l’enthousiasme toujours renouvelé sur les campus étudiants. Dans cette situation, les musulmans peuvent-ils être tout à fait innocents ?

La trahison de notre humanisme, ne s’est-elle pas jouée aussi dans ce que sont devenus aujourd’hui les sciences sociales : un vieux robot moulinex qui ne fonctionne plus depuis longtemps mais qu’on continue d’agiter, avec les effets performatifs attendus, ritualisés, auprès d’une clientèle des quartiers populaires. Et en face la colère du « petit blanc », toute aussi ritualisée, qui consiste à prendre le contre-pied de l’humanisme, de l’écologie, de l’égalité homme-femme etc.. Je répète ma question : les musulmans peuvent-ils être tout à fait innocents dans cette situation, qui appelle impérieusement une forme de médiation ?

Si l’on cherche à comprendre où réside aujourd’hui le sionisme musulman, ne faut-il pas chercher dans l’attachement de notre communauté à un islam-moulinex, étroitement lié à la phase des indépendances nationales ? Un islam qui a perdu toute capacité de médiation, simplement parce qu’il fait d’autres usages du texte. Dans le sionisme musulman, le verset coranique ne dénote jamais autre chose que l’appartenance. Au fond, on pourrait remplacer le Coran par Kalila et Dimna, n’importe quel texte rédigé en arabe, et érigé en folklore national. Cela viendra peut-être…

Et c’est dans ce contexte qu’intervient la proposition théologique du Rabbin Oury Cherki : la reconnaissance du judaïsme par l’islam, en tant que sa matrice d’origine.
La réfutation de cette thèse, en temps normal, ne devrait pas prendre plus d’une phrase ou deux. Alors pourquoi les musulmans occidentaux en sont-ils incapables ? Pourquoi préfèrent-ils enflammer les campus, plutôt que de fermer la porte une fois pour toute à cette idée, poliment mais fermement ? Dans ce rêve Moulinex, qu’est-ce qui continue de se jouer pour eux ?

Redéfinir le sionisme

Sionisme” dans le glossaire.

Il faut se donner une autre définition du terme, prendre de la hauteur sur la période qui a vu sa réalisation historique dans l’État d’Israël, sortir des ornières creusées par le « conflit israélo-palestinien ».

Par la théologie 

Pour un musulman, le Coran est la parole d’Allah. Les théologiens de l’islam sunnite ont insisté depuis le IIIe siècle (IXe siècle de l’ère chrétienne), que la parole coranique était incréée. C’est-à-dire, dans la logique analytique du Moyen-Âge, que cette parole n’est rattachée ni à un lieu, ni à un temps donné.
Bien sûr, chaque verset a été révélé quelque part en Arabie et dans des circonstances particulières, souvent retenues par la tradition. Mais en tant que parole de Dieu, l’énoncé en lui-même n’a pas de temps et pas de lieu.
Si le lecteur ne comprend pas ce que j’avance, il n’a qu’à penser au statut de Jésus dans le christianisme, qui accompagne le croyant dans toutes les situations vécues ; de même dans le judaïsme, les lois ancestrales héritées de Moïse. Je ne fais que décrire un trait fondamental de la pensée monothéiste, sans prendre parti. Mon propos n’est pas normatif, je recherche une explication causale.

Le drame de notre temps est que le Coran a été localisé, par les musulmans eux-mêmes : d’abord à travers la fondation d’États-nations à référence musulmane, vers le milieu du siècle dernier, puis dans l’expérience de l’identité musulmane, à l’épreuve du cosmopolitisme globalisé. Les États ont vu le jour, mais n’ont pas toujours répondu aux aspirations de leurs peuples, et finalement c’est la condition diasporique qui s’est généralisée.
De sorte que, quand les musulmans prétendent « se rapprocher de la parole d’Allah », le plus souvent ils la localisent, et par cela même ils s’en éloignent. Ce mécanisme mérite d’être qualifié de sionisme musulman.

Le sionisme musulman, c’est quand l’islam se retrouve inscrit dans le système de coordonnées des sciences humaines, sans que les musulmans veuillent vraiment admettre cette situation, sans qu’ils se donnent les moyens de la problématiser.

C’est là une caractéristique de l’ère postcoloniale*, de l’ordre international fondé en 1945, autour de la superpuissance des Etats-Unis. Dans cette nouvelle ère, l’étude de l’islam ne relève plus de l’Orientalisme, discrédité par sa collusion avec le projet colonial, mais de l’anthropologie : on pourrait connaître l’islam par observation participante*. Et les musulmans eux-mêmes, à l’heure où ils se relèvent de l’humiliation coloniale, veulent en être persuadés.
Au fil des décennies cependant, cette conception a montré ses limites, et nous nous débattons aujourd’hui dans ses contradictions. En réalité, la parole d’Allah n’a rien à voir avec « l’anthropologie de l’islam »*, et tout à voir avec l’ethnographie* : une pratique des sciences sociales généralistes à partir d’une situation d’observation précise.

Par le contemporain 

La parole d’Allah est avec moi, dès lors que je pense l’universel à partir d’un lieu particulier. Si ma démarche est sincère, cette parole s’impose naturellement par sa pertinence, se révèle à moi de manière renouvelée ; elle pense avec moi et m’accompagne, où que je sois.

Ensuite se pose le problème de l’institution : quand le musulman monte sur le minbar, qu’il construit son prêche, mandaté par une mosquée ou une association, dont il s’efforce de réaliser les attentes. On constate le plus souvent, dans ce genre de situation, que la parole d’Allah est utilisée comme une digue, pour capitaliser sur la présence des fidèles à cet endroit. Le prêche du vendredi apparaît alors comme la dernière portion d’un territoire morcelé, grignoté par la colonisation toujours plus envahissante de la modernité - mais aussi par les démissions successives des musulmans eux-mêmes, démissions intellectuelles en premier lieu.

Enfin, vient le problème de la violence.
Après chaque attentat se pose la question d’une relation causale entre cette tendance observée sur les minbars - les « prêcheurs de haine », comme dit la presse à sensation - et le passage à l’acte d’un musulman, ou d’un groupe de musulmans particulier.
Dans ce genre de situation, une majorité de musulmans choisissent instinctivement de se taire, pour ne pas donner prise. Mais certains musulmans s’expriment, et notre espace public hyper-médiatisé se trouve rapidement saturé par une cacophonie, qui présente toujours les mêmes contours :
• d’un côté, ceux qui expliquent « ce n’est pas ça l’islam », l’auteur de l’acte en question n’a pas compris la parole d’Allah, qui se posent en alternative aux « prêcheurs de haine » ;
• d’un autre côté, ceux qui trouvent à l’auteur des excuses d’ordre sociologique, et ressortent tous les contentieux historiques disponibles sur le marché - de la colonisation aux barres d’immeubles, en passant par les discriminations, les contrôles au faciès etc., entretien sociologique à l’appui : « Wallah j’ai la haine, chaque fois qu’ils me demandent mes papiers… ! ».

Le fait est qu’il n’y a jamais personne pour témoigner du livre d’Allah. Il n’y a jamais personne pour dire :
« Oui ce jeune homme lisait le Coran, je le lis aussi, mais je ne suis pas là pour juger telle ou telle interprétation. Toute lecture s’enracine dans un contexte. Attendons de tirer au clair ce qui s’est passé. »

Retour sur Mohamed Merah 

Prenons le cas de l’affaire Merah. En mars 2012, en pleine campagne d’élection présidentielle, un jeune Toulousain se met à tuer des militaires engagés en Afghanistan, à cinq jours d’intervalle, puis des enfants dans une école juive (il avait manqué la cible militaire prévue ce jour-là). Finalement encerclé dans son appartement par les brigades d’intervention, il livre au négociateur du Renseignement Territorial - déjà rencontré quelques mois plus tôt - une confession fleuve, ponctuée de « Allah akbar ! », de déclarations grandiloquentes sur l’Au-delà et la vie d’ici-bas. Aucun doute que ce jeune homme lisait la parole d’Allah, en tous cas le Coran lui parlait… Devant toutes les caméras nationales, l’appartement est encerclé pendant trente-six heures, le temps d’enregistrer les précieuses bobines, puis le jeune homme est tué lors de l’assaut. Dès le lendemain, une partie de la jeunesse française se rebiffe, les « Vive Merah ! » fusent dans les cours de récréation, devant le corps enseignant ébahi. On apprendra plus tard que le jeune homme voyageait depuis plus d’un an dans un Moyen-Orient en pleine révolution, grâce à des fonds de provenance douteuse. On apprendra aussi ce que le jeune homme ignorait lui-même, mais qui constitue le contexte objectif de son passage à l’acte : depuis plusieurs mois, l’institution du Renseignement se disputait en interne, à propos de son éventuel recrutement (rapport de l’IGPN, octobre 2012).
Face à une telle complexité, quel intérêt de ramener les barres d’immeubles, ou des questions de réforme théologique ? Ce qu’il faut décrire, c’est une situation d’interaction particulière entre une institution et un jeune homme, liés par un bras de fer existentiel, et l’irruption dans cette situation de la parole d’Allah :

« Il y a parmi les nomades qui [t’]entourent des hypocrites, et il y en a aussi parmi les habitants de Médine, qui sont passés maîtres dans l’art de la traîtrise. Tu ne les connais pas ; mais Nous, Nous les connaissons. Nous les châtierons doublement. Puis ils seront livrés à un affreux supplice. » (Tawba 9:101, traduction de Mohamed Chiadmi).

Ce verset ne porte pas spécialement sur la violence : il pose juste une situation d’énonciation, où le croyant accepte de s’en remettre à une Parole, de ne pas savoir les raisons de son propre destin - et ces versets sont nombreux dans le Coran. C’est cette situation d’énonciation qu’il faut reconstituer, si l’on veut comprendre et faire comprendre ce qui s’est passé. Mais sur l’affaire Merah, il n’y a pas un seul bon livre. On a laissé cette affaire pourrir, devenir la matrice d’un terrorisme islamiste à la française, le modèle de toutes les vocations ultérieures. Non pas à cause d’un complot machiavélique des autorités - la plupart des responsables n’y ont jamais rien compris. Plutôt à cause de ce sionisme musulman : cette manière de faire valoir sa petite expertise, sa petite autorité morale de musulman raisonnable. Et parce qu’il ne s’est pas trouvé un seul auteur pour témoigner de la parole d’Allah : s’immerger dans ce drame en médiateur, avec dignité et responsabilité, pour ramener un destin particulier à la condition humaine universelle, sans rien ignorer de la violence du monde, de la complexité des situations. Fiasco de l’État à l’origine, reconnu d’ailleurs par l’institution du Renseignement, l’affaire Merah signe surtout l’échec collectif de cette Communauté, objet d’un perpétuel déni.

Ce qui doit être dit sur Gaza 

Concernant maintenant Gaza, la situation est peu ou prou la même : les musulmans occidentaux co-produisent le désastre en enterrant la parole d’Allah. Et la tragédie continuera tant que le Coran ne retrouvera pas sa juste place, dans les attaques du 7 octobre 2023.

Là encore, quel intérêt de revenir à la Naqba de 1948, à la guerre des Six Jours, à la Deuxième Intifada ? Qui sommes-nous pour juger l’Histoire, avons-nous l’omniscience d’Allah ? Et est-ce vraiment cela qui définit l’islam, porter sur l’histoire un point de vue partisan ? Non. Nous ne sommes pas là pour justifier, nous sommes là pour comprendre, et pour témoigner.
Le fait est que Gaza était un territoire sous blocus, soumis à une surveillance sécuritaire ultramoderne, gouverné en interne par un groupe islamiste qui ne cachait pas ses espoirs de revanche. Cette situation correspondait à la volonté du Premier Ministre Netanyahu, à travers une politique assumée personnellement depuis trois décennies. Peu importe la Naqba, peu importe les considérations morales sur le droit de la guerre : c’était la responsabilité de Netanyahu qu’une attaque de ce type ne se produise pas. Point.

Alors par quel miracle Netanyahu s’est-il retrouvé à gérer l’après 7 octobre, lui qui en était le premier responsable ? Est-ce par l’amour que lui vouaient les Israéliens, et l’unanimité qu’il suscitait dans son propre pays ? Par la sympathie personnelle du Président Biden, ou des chefs de la diplomatie européenne ? Par l’action de lobbys ou de gros intérêts financiers, qui auraient eu les moyens de maintenir Netanyahu en place après un tel fiasco ? Toutes ces explications ne tiennent pas. Au contraire, tout concourrait à ce que Netanyahu dégage, si ce n’était cette fameuse cacophonie…

Que fallait-il dire des attaques du 7 octobre? Que les militants du Hamas, dans les longs mois qui ont précédé l’attaque, lisaient bel et bien le livre d’Allah. Autrement, rien n’aurait été possible : le système de surveillance israélien aurait capté les messages, repéré des signes de concertation interne - mais l’opération ne s’est pas montée comme ça. Parce que ses artisans en référaient à Allah, beaucoup plus qu’à l’organisation. Le Coran aura en quelque sorte fait écran, entre les militants de l’organisation et la surveillance israélienne, quoi qu’elle fut assistée d’intelligence artificielle.

Souligner ce fait anthropologique, l’écologie mentale* d’une situation, n’a rien à voir avec valider une lecture particulière du texte, ou une idéologie supposée. Dire que le Coran a permis à un Palestinien de creuser un tunnel sans être repéré des services israéliens, ne fait pas de moi un complice du tunnel, ni du système de surveillance, ne me positionne pas plus dans un camps que dans l’autre. C’est juste un fait : vous voyez les musulmans faire toujours les mêmes gestes, répéter toujours les mêmes paroles, et soudain quelque chose vous saute au visage, que vous n’avez pas vu venir.

Le problème, c’est que les musulmans ne savent plus dire cette chose toute simple, ne savent plus l’exprimer, à force de s’enferrer dans leurs propres contradictions discursives. D’ailleurs ils n’y croient plus vraiment : combien m’ont expliqué qu’Israël avait tout vu venir, qu’ils ont laissé la chose arriver exprès… Et l’instant d’après ils changent d’avis : « Allah a voilé les coeurs des infidèles » - on cite des versets coraniques de la manière la plus sotte, la plus grossière qui soit. Le musulman sioniste n’a aucune tenue.

Par l’histoire

Dernier morceau rédigé aujourd'hui (11 juin), initialement intitulé : Les musulmans sont sionistes aussi.
(Il y a des redites qu'il faudra remanier).

Les musulmans sont sionistes aussi.
C’est un élément essentiel pour comprendre la situation actuelle : le quiproquo persistant sous-jacent au massacre.

La confusion du Rabbin Cherki

Prenons cette déclaration du Rabbin Oury Cherki, théologien francophone et fervent soutien du gouvernement israélien actuel (interview vidéo) :

« Il y a une mécompréhension de ce qui se passe aujourd’hui entre l’Occident et l’islam, avec Israël au milieu de tout ça. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, il y a une remise en question de l’ordre mondial par l’islam, dont l’avancée est le Hamas et Daech. Il faut bien comprendre que cette lutte qu’Israël mène, elle doit être gagnée si on veut pouvoir entretenir un dialogue constructif et positif avec l’islam. Or c’est de ça dont il est question aujourd’hui. Ce n’est pas simplement le fait de résister à une violence barbare locale. C’est toute une idéologie, et c’est de ça dont il est question. »

Bien. Est-ce que ce ne serait pas plus clair pour tout le monde, pour désigner « toute cette idéologie qui empêche un dialogue constructif entre l’Occident et l’islam », si on utilisait l’expression sionisme musulman ? Est-ce que ce ne serait pas plus constructif, si les musulmans commençaient par reconnaître le problème en eux-mêmes, en le désignant de ce mot honni ? Cela nous empêcherait de brandir des équations simplistes, du genre « sionisme = Daech », en projetant systématiquement nos contradictions sur l’extérieur. Non, Daech n’est pas un mouvement sioniste. D’ailleurs même l’extrême-droite israélienne n’est peut-être pas aussi sioniste qu’elle le croit.

Sionisme et types logiques

Sortons des ornières discursives du « conflit israélo-palestinien », cadré par l’ordre mondial de 1945. On venait d’inscrire le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » dans la charte des Nations Unies, et chacun s’organisait dans ce cadre : les juifs de Palestine d’un côté, les Arabes de l’autre. Le mouvement sioniste avait comme perspective la création d’un État, donc « sioniste » est devenu synonyme d’israélien. Mais aujourd’hui, avec la fin de l’interventionnisme américain, le défi est la disparition du cadre lui-même, et il n’est pas logique de réserver le mot « sionisme » à l’une des deux parties (finalement c'est un problème de types logiques…)

L’incapacité des musulmans à reconnaître le sionisme en eux-mêmes, voilà la clé de voute de la crise actuelle. Et je parle bien entendu des musulmans européens, parce que le sionisme est étroitement lié à l’Europe. Plutôt que de l’enfermer dans une religion particulière, le mot doit être compris comme désignant une relation (c’est là un mantra de la critique batesonienne*).

De la Réforme à la Shoah

D’ailleurs historiquement, les racines théologiques du sionisme se trouvent moins dans le judaïsme lui-même que dans la Réforme : dans le rapport des protestants au peuple juif, qu’ils découvrent soudain dans leurs Écritures, au moment où la Bible est traduite dans les langues vernaculaires ; peuple auxquels ils s’identifient en tant que minorité persécutée, objet de sympathie et de fascination. C’est l’origine du lobby sioniste évangélique aux Etats-Unis, que les sociétés européennes ont tant de mal à comprendre et à percevoir (voir les explications d’Antoine Fleyfel, philosophe et théologien libanais).
Mais en lui-même, le judaïsme est resté très longtemps à distance de cet engouement. Aux Etats-Unis, le juif new-yorkais n’avait pas beaucoup d’affinité avec les protestants évangéliques de la Bible Belt (avant qu’Israël n’organise des pèlerinages de masse en Terre Sainte…). Même au tournant du XXe siècle, la rencontre entre Theodor Herzl et le Révérent William Hechler est pleine d’ambivalence : c’est une relation d’instrumentation réciproque, une alliance d’intérêts bien compris.

Après la Shoah seulement, les juifs européens ont basculé massivement dans ce type d’alliance. Notamment les juifs français, profondément acculturés par l’émancipation, ayant en fait très peu souvenir de leur religion d’origine, mais qui rencontraient un formidable élan de judéophilie dans les nouvelles générations catholiques d’après-guerre, et qui donnaient ainsi sens à leur différence.

Après 2011, l’expérience des musulmans français n’est-elle pas un peu analogue : pris entre l’effondrement du Moyen-Orient derrière eux, et l’engouement d’une jeunesse encore hostile aux thèses du RN ? Cette analogie est réelle, elle est inscrite dans le fond chrétien des sociétés européennes, qui doit renvoyer toutes les religions non-chrétiennes à leurs responsabilités.
On ne doit pas s’abstenir de remarquer cette analogie, sous prétexte de l’obsession « islamo-gauchiste » des éditorialistes, d’un personnel politique incompétent, dépassé par un basculement qu’ils ne comprennent pas. On ne doit pas se cacher derrière les approximations du Rabbin Cherki, qui relèvent au fond de la même incompétence et du même délire : il tente de pointer « le Hamas », « Daech », « toute cette idéologie », une nébuleuse dont il saisit mal les contours. C’est seulement par la critique interne qu’on pourra mettre un terme au sionisme musulman.

2011 et La Table Servie

Qu’est-ce que le sionisme alors ?
Le sionisme, c’est une religion non-chrétienne qui s’invente un pays dans la modernité, sans s’inquiéter des complexités de l’histoire européenne. On sort les tables et les chaises, les chants traditionnels et les bar-mitsva, on se met à travailler la terre… Cela n’a rien de religieux en soi, même si on s’empare des symboles et des rituels.
Comme dans la sourate La Table Servie (Coran 5:112-115) :

[112] «Ô Jésus, fils de Marie ! dirent les Apôtres. Ton Seigneur peut-Il faire descendre pour nous, du Ciel, une table toute servie?» – «Craignez Dieu, leur répondit Jésus, si vous êtes des croyants sincères !» [113] – «Nous voulons, dirent-ils, manger à cette table, en avoir le cœur net, nous assurer que ce que tu nous dis est bien la vérité et que nous puissions en témoigner nous-mêmes.» [114] Alors Jésus, fils de Marie, adressa à Dieu cette prière : «Seigneur, Dieu ! Fais descendre sur nous une table servie du Ciel ! Qu’elle soit un festin pour nous, du premier jusqu’au dernier, et un signe de Ta part ! Donne-nous de Tes biens, car Tu es le Meilleur des donateurs !» [115] Le Seigneur dit alors : «Je vous la ferai descendre. Mais quiconque d’entre vous Me reniera ensuite, Je le soumettrai à un supplice auquel Je n’ai jamais soumis encore personne dans l’Univers !»

À travers ce verset, j’aimerais pointer le non-dit fondamental des Printemps de 2011, lorsqu’ils sont observés depuis l’Europe, à savoir que les peuples arabes savent parfaitement pourquoi ils se sont effondrés dans la guerre. En amont de ces soulèvements, ces peuples avaient parfaitement conscience de jouer une certain registre, une certaine partition collective : une certaine manière de disposer de soi comme peuple dans la modernité, indépendamment des structures tribales et autres contraintes de l’honneur, qui restaient opérantes en arrière-plan. Ce qui est devenu insoutenable en 2011, ce n’est pas la corruption d’une petite élite dirigeante pro-occidentale, mais la corruption de la société elle-même : cette petite gymnastique de la modernité, indissociable de la relation à l’Europe, qui était de plus en plus difficile à tenir.

Ce tournant historique fondamental fait l’objet d’un non-dit chez les musulmans d’Europe, et plus généralement, dans les subjectivités musulmanes diplômées. Un peu à tous les niveaux, on fait comme si la relation n’avait pas cessé d’exister : comme si les catégories de l’humanisme européen avaient toujours prise sur le réel, alors que nos informateurs ont été hélitreuillés depuis longtemps.
De ce non-dit, la tragédie de Gaza découle directement. En effet, les attaques du 7 octobre s’inscrivent dans un Moyen-Orient totalement bouleversé dans ses équilibres, par tous les conflits armés qui s’y déroulent depuis quinze ans. Le mouvement Palestinien s’est finalement jeté dans la bataille, il y a joué ses dernières cartes, mais les musulmans à l’extérieur s’avèrent incapables de prendre le relais, à cause de ce non-dit. On est trop attaché aux tables et aux chaises, aux banderoles. La cause palestinienne occupe une place bien trop centrale dans les rituels du mouvement sioniste musulman.

Quant aux non-musulmans, ils ne peuvent s’aventurer sur la question de la violence, ils ne comprennent simplement pas. Alors les propalestiniens marchent sur des œufs, et ressassent des arguments du siècle dernier, ce fameux « conflit israélo-palestinien ».

Mais entre le rabbin cherki et le musulman français propalestien, le plus sioniste n’est pas forcément celui qu’on croit. Ceux qu’on appelle « sionistes religieux » sont surtout des sujets de l’État d’Israël, qui tentent de donner à leur pays un avenir, malgré la fin annoncée de l’hégémonie occidentale. Et ce à partir de la religion juive, plutôt que de l’esprit sioniste qui les liait à l’Europe. Du sionisme, ils sont en train de sortir : c’est plutôt le sionisme musulman qui fait blocage…

Par l’épistémologie

J’avance cette proposition simple : la religion du musulman sioniste est un islam rattrapé par le dualisme* des épistémologies modernes, qui opposent l’esprit et le corps, la mathématique et la matière qu’elle prétend modéliser. Un islam installé dans une subjectivité de diplômé, tout à fait à l’aise dans cette stratification éducative qui caractérise aujourd’hui tous les grands pays développés (incarnée en France par le Président Macron, peut-être malgré lui). Cette stratification éducative, où les diplômés n’en finissent pas de « faire de la pédagogie » envers le reste du corps national, d’une manière qui frise souvent la débilité. Le musulman sioniste constate cette évolution, il est atterré lui-aussi, mais il la perçoit comme un drame qui lui est extérieur.

Un manichéisme

L’islam sioniste a en fait tous les traits d’une religion manichéiste, qui s’organise autour de deux divinités, bénéfique et maléfique respectivement. Par exemple, toutes les causes étaient réunies pour la chute de Netanyahu après le 7 octobre, comme on l’a vu, mais le musulman sioniste ne considère pas que Netanyahu est resté en place « par la volonté d’Allah », qu’il y a là une épreuve etc.. Pour le musulman sioniste, le maintien en place de Netanyahu découle de facteurs tout à fait objectifs (à ses yeux), qu’il appelle « forces de l’argent », « l’intérêt des puissants », etc. - autant dire une divinité du Mal. Et cette religion a cela de pratique que le musulman sioniste n’est jamais responsable de rien.
Pour lui, l’Europe n’est pas une épreuve (fitna) - avec toute la richesse sémantique de ce mot, qui signifie tantôt un malheur et tantôt une bénédiction, l’essentiel étant que le musulman rendra des comptes au Jour Dernier sur sa conduite dans celle-ci. La notion d’épreuve s’inscrit dans une vision monothéiste : l’idée d’un Dieu unique, omniscient et omnipotent, tenant l’homme comptable de ses actions. Mais pour le musulman sioniste, l’Europe est tantôt une subsistance (rizq) et tantôt une calamité (musîba), chacune relevant d’un niveau de réalité différent - donc aucune raison de penser les deux ensembles, comme dans la notion d’épreuve. Le dieu du Bien (qu’ils appellent « Allah », totem de la Communauté) est trop bon pour vouloir le Mal, spontanément mis au compte d’autres entités surnaturelles, tout à fait réelles dans la subjectivité du croyant.

Mémoire juive / oubli musulman

Cette description ne manquera pas d’évoquer une certaine vision du monde juive, dans son ambivalence envers la chrétienté environnante - notamment sous la chrétienté d’ancien régime, lorsqu’aucune émancipation n’était concevable, ou dans l’Est de l’Europe (judaïsme ashkénase).
Cette convergence n’est évidemment pas un hasard, mais il faut aussi pointer la différence : lorsque le judaïsme se replie sur cette posture, dans les phases de pogroms et de persécutions, il trouve une richesse culturelle profonde, sédimentée par des siècles d’expérience subjective, parce que le judaïsme est cela : le fait de continuer à lire la bible hébraïque, dans un monde qui a basculé dans le christianisme.
Mais lorsqu’un musulman se replie sur cette posture, que trouve-t-il ? Rien. Les musulmans sionistes ne sont que des Européens ordinaires, qui se retrouvent avec une identité entre les mains, dont ils ne savent pas quoi faire. Une identité qui a survécu à leur socialisation et à leurs études, mais ils ne savent pas expliquer pourquoi : la tradition dont ils sont porteurs n’a jamais suivi l’histoire des idées sous cet angle-là. Donc le musulman sioniste oscille, entre l’identification au wahhabisme (l’entité qui a pris son parti historiquement de cette configuration, dès le XVIIIe siècle), et une rhétorique décoloniale ressassée jusqu’à l’obsession. Comment sont-ils toujours vivants, après avoir subi tant de génocides, si près de l’Europe ? Le musulman sioniste ne sait pas le dire, il manque une explication à sa présence au monde à cet endroit. Mais en bon sioniste, il compense par la fuite en avant…

Un islam rattrapé par le dualisme des épistémologies modernes, avons-nous dit. Ou plus exactement, qui conçoit le fait de s’y maintenir comme une vertu en soi. Pour le musulman diplômé il y aurait là une forme de piété, inhérente à la participation au projet (sioniste) de « faire avancer la cause de l’islam ». Peu importe que le Moyen Orient s’enfonce dans les guerres, dans les crises humanitaires de tous les superlatifs : il n’est jamais responsable de rien, ayant perdu la première responsabilité de toutes (dans une perspective monothéiste), celle de ses propres représentations (GB8).

Accueil matrice  /  Retour
fr:modele:matrice:sionisme

fr/modele/matrice/sionisme.1749662376.txt.gz · Dernière modification : de mansour

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki