Ovamir Anjum
Jeune chercheur américain d'origine pakistanaise, en poste à University of Toledo (Ohio), il est l'auteur de Politics, Law, and Community in Islamic Thought. The Taymiyyan Moment (Cambridge University Press, 2012).
Traduction de la quatrième de couverture :
Politique, Loi et Communauté dans la pensée islamique : le moment Taymiyyen
Dans un compte-rendu révisionniste de l'histoire de la pensée politique islamique depuis le haut Moyen-Âge jusqu'au Moyen-Âge tardif, ce livre se concentre sur la pensée d'Ibn Taymiyya, l'un des plus brillants théologiens de son temps. Les exposés standards de l'histoire politique sunnite s'arrêtent typiquement à la fin de la période classique, et laissent donc à l'écart la contribution d'Ibn Taymiyya. Cette étude originale démontre comment son influence jetait une lumière nouvelle sur toute la trajectoire de la pensée politique islamique. Bien qu'il ne rejetait pas l'idéal du Califat, comme on le croit souvent, il le redéfinissait néanmoins de manière radicale, en en faisait une institution politique rationnelle conçue pour servir la communauté (Oumma). Grâce à une réinterprétation créative, il déployait le concept coranique de fitra (nature humaine divinement dotée) pour centrer la communauté des croyants et sa lecture commune de la révélation comme la plus haute autorité épistémique. Ainsi il subvertissait l'élitisme devenu chronique dans les doctrines théologiques, légales et spirituelles classiques, et s'employait à raviver la dimension éthico-politique de l'islam, plutôt que simplement légale. Par cette ré-évaluation du travail d'Ibn Taymiyya, ce livre marque un tournant majeur des interprétations traditionnelles de la pensée islamique médiévale.
Un rôle crucial dans mon cheminement
J'ai lu ce livre peu après sa parution, dans les premières années du Printemps Arabes, à l'époque où j'essayais encore de sauver ma thèse. J'ai finalement dû jeter l'éponge, mais ce livre a tout de même été déterminant : il m'a permis d'opérer le lien entre le domaine des sciences sociales, et l'islam que je m'étais mis à pratiquer cinq ans plus tôt - mais jusque là comme une sorte “d'observation participante”, qui m'enfermait plus encore dans une impasse. Ce livre m'a permis d'inscrire mes habitudes intellectuelles dans le vocabulaire de la théologie, sur le terrain d'une histoire sociale et politique médiévale : “d'activer” les mots arabes que je prononçais.
Au fond c'est ce qui m'a permis les années suivantes - après mon installation à Sète, tandis que je travaillais un peu comme prof de maths - de me réapproprier des pans entier de notre histoire intellectuelle européenne sous l'angle du monothéisme, et de reconstituer plus facilement ainsi une culture classique qui m'avait toujours fait défaut. (à travers wikipedia surtout, même si certains livres de sciences sociales m'ont beaucoup aidé, notamment : Emmanuel Todd, Où en sommes nous? Une esquisse de l'histoire humaine (2017) ; Gérard Delille, L’économie de Dieu: famille et marché entre christianisme, hébraïsme et islam (2015). Ces livres m'ont énormément appris - tout en me confortant dans ce que ces auteurs ne comprennent pas, concernant l'islam.)
À partir de 2017, j'ai finalement compris que, pour faire le pont avec mes contemporains et rompre mon isolement, je n'avais d'autre choix que d'investir la théologie monothéiste, et d'abord de me plonger dans les premiers temps du christianisme, et dans le texte biblique lui-même. Je suis donc maintenant familier du courant historico-critique d'études bibliques (grâce notamment à l'IPT).
Pour autant, plaquer cette approche sur les origines de l'islam me semble problématique à plus d'un titre. Je compte bientôt expliquer pourquoi, et me replonger pour cela dans mes notes de 2013 sur The Taymiyyan moment.
On doit également à Ovamir Anjum une traduction anotée du livre d'Ibn Qayyim Madarîj al-sâlikin (les marches des ascensionnistes - voir vidéo ci-dessous), publié en 2020 chez Brill, en version bilingue anglais-arabe.
Fondateur de Ummatics Institute*, suite à l'article-provocation : Who Wants the Caliphate? (2019).