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Ani et Gaza

Self Evident, poème d'Ani Difranco sur les attentats du 11 septembre 2001,
sur l'album live So Much Shouting, So Much Laughter (2002).
Extrait de trois minutes (1'35 à 5'10)

2024-06-17

Sur son compte facebook il y a quelques semaines, Ani Difranco a posté une vidéo d’elle-même il y a 22 ans, disant ce poème à la télévision. Accompagné de ce commentaire laconique : « 2001/2024, it’s still self-evident ».

En même temps si les Palestiniens sont sous les bombes, c’est bien à cause de la faiblesse des gauches occidentales. Faiblesse historique, terminale. Alors même que les démocrates sont au pouvoir aux Etats-Unis, les positions de Donald Trump font la pluie et le beau temps pour tous les acteurs internationaux. En France, ça donne la dernière idée de génie du Président Macron : retrouver le pouvoir en le donnant au Rassemblement National. En Occident aujourd’hui, tous les responsables politiques « raisonnables » ont besoin de l’extrême droite, pour dissimuler l’impuissance de leur hégémonie. La campagne de la gauche ces jours-ci ne fait pas exception : tragiquement galvanisée par son statut de « dernier rempart contre l’extrême droite », elle fait comme si l’échec du macronisme n’était pas un peu le sien. Le « Front Populaire » convoque l’Histoire, et fait le pari de l’amnésie. Cette gauche incapable de s’entendre sur la crise de Gaza, le plus scandaleux massacre de notre temps, prétend encore apporter des jours heureux à ses concitoyens, les congés payés et tout et tout, avec la nostalgie vintage d’un mauvais clip de pub.

Ce que j’aime le plus chez Ani Difranco, c’est qu’elle a su débrayer – c’est bien ce qui lui a permis, après le 11 septembre, de porter une parole juste. À chaque stade de sa trajectoire artistique, elle a su descendre de la scène, de cette différence statutaire artificielle que la musique instaure entre l’artiste et son public.
La pensée sociologique*, de même, instaure entre le chercheur et la société une estrade artificielle - dont la Gauche, elle, n’arrive pas à descendre. C’est pourquoi je m’obstine à raconter mon histoire. Et le soutien que je n’arrive pas encore à trouver dans la tradition musulmane, je continue de le trouver chez Ani.

Sur ce site, je raconte en détail comment j’ai été amené à confondre islam et homosexualité, dans le cadre bien spécifique d’un « terrain ».
1) Je décortique le déroulement de mon premier séjour en 2003 : comment la tenue de mon carnet de terrain, à partir de la fin du mois de juillet, finit par m’acculer au mois d’octobre à une transaction sexuelle inconcevable, innommable et longtemps innommée (il a fallu attendre quinze ans, et l’effondrement de ce pays, pour que j’écrive publiquement sur cette histoire).
2) En juin 2004, je décide de croire en mon « homosexualité », au moment de retourner sur le terrain, à travers les pages du mémoire que je viens de rédiger - un plongeon dans une flaque d’eau (lire mon texte sur la chanson puddle dive).
3) Également en 2006, les circonstances précises (académiques et sur le terrain) qui m'ont conduit à choisir « l'homoérotisme »* comme thématique explicite de mes investigations… pour me convertir à l'islam l'année suivante (septembre 2007), et mettre ainsi un terme à mon enquête, non sans avoir récolté les preuves empiriques de notre réconciliation (novembre 2008).

Autrement dit, j'ai su débrayer moi aussi, et proprement cette fois-ci. Je gardais de bons rapports avec mes interlocutrices académiques, de bons rapports avec mes enquêtés : en toute logique, ça aurait dû donner une thèse, soutenue si possible avant 2011 - alors j'aurais pu défendre la révolution yéménite depuis la scène académique. Mais c'était compter sans « l'anthropologie de l'islam »*

Aux musulmans diplômés*, que j’interpelle régulièrement à travers ce site, j’aimerais faire écouter cette autre version du poème Self Evident. Il s’agit de sa première présentation publique, à New York même, le 6 avril 2002. On entendra que la voix est nettement moins assurée…

« Je m’en souviendrai toujours comme l’un des moments les plus intenses dont j’ai jamais fait l’expérience sur scène. Sur cet enregistrement, je peux presque entendre ma gorge se nouer à mesure que l’on approche du poème, à l’avant-dernier morceau »1).

Self Evident, Concert au Carnegie Hall (Official Bootleg)
Même extrait qu'au dessus

Oui la gauche a ses défauts : ses petites phrases, ses slogans, ses effets dramaturgiques. La gauche a le défaut de mettre le réel en musique. Avec le recul, l'enregistrement tout en haut a quelque chose d'effrayant : les interactions de cette voix avec la foule, réglée au millimètre, dans la version rodée de ce poème ; quelque chose qui porte déjà en germe le naufrage actuel. Mais au départ il y a toujours un témoignage, l’exigence d’une prise de parole située. Cette voix-là doit frayer son passage aujourd'hui.

Ani Difranco  /  Accueil du Wiki
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1)
Jaquette de l’enregistrement du concert, sorti sur CD en 2006 [je reconstitue de mémoire, le temps de remettre la main dessus].
fr/valoriser/scenographie/ani_difranco/gaza.txt · Dernière modification : 2024/08/09 10:10 de mansour

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