Vincent Planel (Curriculum Vitae)

En octobre 2003, à la fin de mon premier séjour d’immersion dans la société yéménite, j’ai commis un acte grave : j’ai privilégié la relation à ce lieu à ma propre pensée consciente. J’ai privilégié une autre conscience qui s’esquissait alors à peine, entre moi et mes interlocuteurs, au cœur des contradictions du monde. Cet acte a fait de moi un anthropologue*, un vrai : quelqu’un qui sait pointer de l’intérieur les angles-morts de la pensée européenne, parce qu’il a su s’en extraire, et qu’il en connaît le coût.

De cet acte grave ont découlé des conséquences terribles pour mes interlocuteurs. L’anthropologie est toujours quelque chose de grave mais à l’époque, juste après 2011, les institutions n’ont pas su prendre en charge cette gravité : elles l’ont pris comme excuse pour disqualifier mon travail, et cette relation ethnographique* m’est restée sur les bras. Sans doute aurais-je pu soutenir une « thèse bidon » sur la dimension genrée de la sociabilité masculine au Yémen, mais c’était un sujet trop grave. Parce que je crois aux sciences sociales, et parce que je crois au Yémen, je suis passé de l’autre côté de la barricade.

La décennie suivante, replié sur Sète , j’ai construit dans mon coin l’anthropologie qui m’avait manqué. Celle qui explique la tragédie yéménite dans un cadre plus large, la replace dans ce qui nous arrive à tous. Premier retour à l’écriture en 2018, pour renouer avec cette gravité. Début 2022, je commence à construire ce wiki, brique après brique.

Taez.fr n’est pas, comme on pourrait s’y attendre, un hommage à la ville ou une association d’exilés.
Taez.fr fait référence à la relation ethnographique, qui m’est confiée en dépôt (amâna) :

Lorsque l’anthropologue s’engage, c’est assurément par comble d’ignorance et d’iniquité. Aussi, peut-être lui revient-il d’éprouver le sens de ce verset et de le rappeler aux autres, quand tant de discours présentent l’islam comme une chose simple - tellement simple qu’on pourrait en faire l’anthropologie*, tellement simple que l’islamisme sous ses différentes formes passe toujours pour une vertu. Expliquer cette gravité n’est pas chose facile, mais c’est la modalité de mon retour sincère (nasîha), par lequel je m’efforce d’être utile en ce monde.