Outils pour utilisateurs

Outils du site


fr:modele:coucou

Ceci est une ancienne révision du document !


Le coucou savoyard et les sciences sociales postcoloniales

Le coucou savoyard (cadran en bleu, balancier en rouge, poids en vert)

Commercialisé au vingtième siècle et jusqu’à nos jours, le Coucou savoyard est une version miniaturisée de l’horloge comtoise , qu’on fabriquait en Franche Comté du XVIIe au XIXe siècle.
L’horloge se compose :

  • d’un balancier, qui donne à l’horloge sa pulsation ;
  • d’un cadran, placé en façade du mécanisme ;
  • de deux poids en forme de pommes de pin, comme source d’énergie, et qu’il faut remonter régulièrement.
    (Code couleur)

Le coucou peut-être envisagé comme un système cybernétique*, conçu pour maintenir la vérité de la proposition « heure », c’est-à-dire l’adéquation entre un phénomène naturel régulier (le nombre d’oscillations du pendule) et la position des aiguilles sur le cadran.

Expliquer, nous dit Bateson, c’est cartographier les éléments d’une description sur une tautologie*.
D’une certaine manière, l’horloge « explique » le temps : elle cartographie la description du temps sur le système des heures et des minutes, la tautologie représentée sur le cadran. Au bout de soixante minutes le coucou sort chanter l’heure, puis s’en retourne dans sa maison…

Le propre des sociétés postcoloniales* est de coexister avec des explications sociologiques. En effet les peuples ont droit à disposer d’eux-mêmes - selon la doctrine du Président Wilson, qui organise (en principe) l’ordre international post-1945 - à la condition expresse de se constituer comme peuple. Donc les Nations « performent » leur condition de Nation, à travers un certain nombre de comportements, en partie intégrés et en partie « artificiels » (c’est-à-dire faisant l’objet d’un but conscient). Ces comportements sont pris en charge de manière différenciée, par certains individus plutôt que d’autres, dans certains contextes plutôt que d’autres, mais il y a toujours ce contexte englobant qu’on appelle modernité*, sous-jacent aux différents contextes, qui s’impose aux différents acteurs.

D’une manière générale, il n’y a que les Européens* pour croire que la modernité est inéluctable ; les autres savent que la modernité fonctionne « à crédit », que tout système cybernétique requiert une source d’énergie extérieure. L’Européen peut se représenter la Nature comme une grande horloge, qui tend docilement son visage à l’intervention du Monarque, afin qu’il puisse s’en rendre « comme maître et possesseur » (cartésianisme*). Les autres savent que ça ne marche qu’un temps, que périodiquement il faut remonter les poids, sans quoi l’horloge s’arrête. Ils le savent, parce que c’est à eux qu’on demande de remonter les poids. Quant à ceux à qui on ne le demande jamais, ils l’ignorent. Et c’est comme ça à chaque génération. Même au Yémen, celle qu’on appelait la « génération Nido » (d’après le lait en poudre de marque Nestlé), qui avait bénéficié de cinquante années de modernisation, cette génération n’avait pas tout compris. Certains ont pu croire, par exemple, que le cadran finirait un jour par imposer son rythme au balancier…
Voilà peu ou prou comment fonctionne le monde.

Application

L’objet de ce texte - et de ce site tout entier - est d’explorer les rapports entre la tragédie yéménite et l’échec de ma thèse. La finalité étant d’adopter une perspective cybernétique globale sur le monde contemporain.

Au moment où surgissent les mouvements de l’année 2011, je suis en sixième année d’une thèse, que je pense être sur le point de terminer enfin. La thèse porte sur la dimension genrée de la sociabilité masculine, et sur un mystérieux cas de schizophrénie qui s’est déclaré au fil de ma recherche chez Ziad, le personnage principal de ma première étude (maîtrise).
Dans cette situation, on peut distinguer trois cycles, trois boucles cybernétiques, ou trois tours de pistes effectués par le coucou :

  1. à l’échelle de ma maîtrise (histoire du Za’îm) ;
  2. à l’échelle de ma thèse (histoire de la « folie » de Ziad) ;
  3. à l’échelle d’un tournant historique (« le Printemps Yéménite »).

Le nœud commun de ces trois histoires, c’est la conversion cybernétique du regard européen.
(1) dans ma maîtrise (2003) les jeunes du quartier (de la génération Nido) se révoltent contre Ziad au moment où le visiteur occidental a perdu toute aura (« Il est juste comme nous ! »). À cet instant, je sens que l’histoire m’échappe (le coucou s’émancipe du balancier, entrainé directement par les pommes de pin…). Ziad tient bon, car il garde en tête un enjeu sous-jacent. Et de fait, je sublimerai son personnage dans ma maîtrise (théorie du Za’îm), l’élevant quasiment au rang de prophète (résonances avec l’histoire de Loth).
Sauf que juste après, je me convertis à l’homosexualité (juin 2004).
(2) ma thèse ne porte pas sur l’homosexualité des Yéménites, mais sur l’homosexualité* de l’observateur, et le non-dit qui lui est associé. En clôturant le terrain par ma conversion à l’islam (septembre 2007), je permets une analyse rétrospective en termes cybernétiques. Mais l’Université ne veut pas comprendre, et Ziad persiste dans sa folie.
(3) En 2011, tous les coucous sortent chanter en même temps. Le cadran s’emballe, les pommes de pin descendent jusqu’en bout de course. Isolé en France, le balancier s’arrête. Alors Ziad se prend pour Jésus.

⇒ Pour l’avenir des relations bilatérales entre l’Europe et le Moyen-Orient, il faut concevoir un nouveau coucou, qui cesse de fonctionner à crédit : un coucou qui intègrera dans son fonctionnement la conversion cybernétique du regard européen. Tant que notre petite histoire n’est pas comprise, nous n’allons pas dans la bonne direction.

13-16 septembre 2023
(à peaufiner)

fr/modele/coucou.1694849799.txt.gz · Dernière modification : 2023/09/16 09:36 de mansour

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki