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L'édition standard

Une édition standard du Coran existe, elle vous est forcément familière. Elle est extrêmement pratique, parce que la pagination recoupe peu ou prou la division en hizb (1/60) et en juz (1/30). Pas exactement, et il doit y avoir à cela des raisons historiques : la division en juz est évidemment plus ancienne que l'édition standard, mais je n'ai pas fait de recherches précises.

Cette édition se ramène peu ou prou au calcul suivant : 10x15x20x30 (explications ci-dessous).

Certaines éditions reprennent presque la même pagination, mais à un verset près, parfois un mot, qui se retrouve sur la page suivante ou précédente, ce qui est problématique pour la mémorisation.
Donc on privilégie l'édition standard, sur l'application Tarteel par exemple, également sur le site quran.com… et sur la liseuse!

  • KOreader : lire le Coran sur une liseuse : « J’étais très malheureux l’année dernière d'avoir dû abandonner cette liseuse, faute de détenir une version PDF de l’édition standard… »

Vincent Planel 2024/11/13 15:23
J'ai beaucoup réfléchi cet automne sur cette question de l'édition standard : je colle ci-dessous quelques morceaux relativement aboutis, qu'on comprenne au moins de quoi il est question.
Cette réflexion m'a énormément aidé dans la mémorisation. Car au départ, j'avoue que l'idée me révulsait, de m'intéresser à la place des mots sur la page, d'associer ma mémorisation à une chose aussi triviale (comme le conseille Ibrahim Khan…). Peu à peu, j'ai accepté de m'en remettre à l'édition standard, pour aboutir finalement à une sorte de dépassement : au lieu de construire des viaducs spectaculaires dans les montagnes suisses, je suis devenu une araignée sur le mur (texte du 28 octobre).
Une sorte de thérapie, en somme… Qui sait si ça marchera pour les autres - en tous cas je livre ce témoignage.

Une hypnose industrielle

(rédigé le 18 octobre 2024)

L'édition d'un livre, sans même parler ici de son caractère standard, a pour effet d'inscrire une parole dans une tautologie* :

mots, lignes, pages, chapitres.

Exactement comme les unités que nous utilisons dans la mesure du temps :

Secondes, minutes, heures, journées…

C'est le type de tautologie qui s'est insinué depuis l'ère industrielle, dans notre rapport au temps… et ailleurs!
Qui ne s'est jamais laissé absorber par la contemplation d'une horloge :

57…58…59…00…01…02

Nous sommes habitués à changer de minute après 60 secondes, et à changer d'heure après 60 minutes. Et si nous voyons une horloge où il est écrit : 23 heures 59 minutes et 59 secondes, instinctivement nous suspendons notre souffle… horloge à chiffres indiquant 23h59m59s…

Tout ça est évidemment parfaitement arbitraire. Autrefois dans l'islam, on changeait de date à partir du coucher du soleil. C'était plus pratique par certains aspects (pas besoin de montre), mais ce n'était pas compatible avec la civilisation industrielle (ça changeait tout le temps).

Les mois lunaires également, étaient pratiques d'un certain point de vue : il suffisait de lever la tête pour avoir une idée de la date. Aussi parce qu'on pouvait prévoir qu'on y verrait clair plutôt en début de nuit, plutôt en fin de nuit, voire pendant toute la nuit durant les fameux « jours blancs », les 13, 14 et 15 du mois. Pour préparer une bataille par exemple, c'était assez utile… Mais pour la civilisation industrielle, c'est beaucoup plus utile de savoir qu'il y aura toujours 30 jours en juin, toujours 31 jours en juillet, et que seul le mois de février peut avoir un jour supplémentaire (les années bissextiles). Utile surtout de savoir qu'il fera toujours froid en décembre et chaud en juillet… Tout ça est l'effet d'une tautologie.

Quand le Coran parle des inventions, il les attribue à Dieu (la cotte de maille, la chasse au vautour, etc.). Pour nous qui sommes dans la civilisation occidentale, il faut être prudents. Derrière les outils, il y a des hommes, derrière les hommes il y a le Social, et derrière le Social il y a Allah, oui. Mais si vous attribuez directement à Allah, vous vous désarmez devant Shaytan. Adopter les douze mois du calendrier solaire suffit à nous faire basculer dans un monde plus prévisible, ou la prévisibilité est de mise.

Argument repris et développé sur la page :
Pourquoi s’intéresser à la sociologie? (12-13 novembre 2024).

Un calcul élémentaire

Pour le calcul du temps, la tautologie se résume par le calcul : 60x60x24.
ça fait 86 400 : il y a 86 400 secondes dans une journée.
Mais il est évidemment beaucoup plus facile de se donner des unités intermédiaires, comme des engrenages successifs : une roue de 60 secondes, qui fait tourner une roue de 60 minutes, qui fait tourner une roue de 12 heures, deux fois par jour. Derrière les aiguilles de l'horloge mécanique, il y a lesdites roues : si vous ouvrez l'horloge vous pouvez les toucher…

On appelle cela une tautologie* (voir glossaire) : un ensemble de relations logiques, qui ne peuvent être mises en doute :

60 secondes font une minute.
60 minutes font une heure.
24 heures font une journée.
30 journées (environ) font un mois.
etc.

Le coucou savoyard et les sciences sociales postcoloniales Quand vous allez mémoriser le Coran, vous allez enfermer le texte dans une tautologie mentale. C'est très important que vous sachiez quelle tautologie vous êtes en train d'utiliser, que vous en développiez l'intuition*.

Un calcul avec les mains

Pour vous faire sentir l'effet de cette tautologie, je vous propose de vous livrer à un petit calcul de physicien, un petit calcul « avec les mains ». Il va s'agir de redécouvrir, à l'arrière plan de choses les plus familières, l'engrenage de la tautologie.

L'édition d'un livre implique l'inscription d'un texte dans une tautologie : Après tel nombre (moyen) de mots, il faut changer de ligne ;
après tel nombre de lignes il faut changer de page ;
après tel nombre de pages, on passe à la partie suivante.

Bien sûr, le choix des paramètres est parfaitement arbitraire.
Pour le calcul du temps, on l'a vu, la tautologie se résume par le calcul : 60x60x24.
Dans le cas de l'édition dite standard : une dizaine de mots par ligne, 15 lignes par page, 20 pages par parties (juz'), et 30 parties pour le Coran tout entier.
10x15x20x30.
Ou si l'on compte en hizb : 10x15x10x60.
Le résultat est 90 000.
Pour s'en convaincre, utilisons l'écriture scientifique des physiciens (15=1,5×101 ; 60=6×101) :
10x(1,5×10)x10x(6×10)
10x10x10x10x(1,5×6)
10x10x10x10x9
90000

Bien sûr, ce n'est pas le nombre de mots réels :
Le Coran contient 77 439 mots (d'après le site islamweb).
D'un autre côté, il n'y a pas vraiment 9 000 lignes, car chaque titre de sourate enlève deux lignes.
Nombre de lignes estimé : 9000-2×114 = 8772
Il n'y a donc pas 10 mots par ligne en moyenne - désolé pour ceux qui attendaient un miracle…
Une meilleure estimation est 77439/8772 ~ 8,83.
Il y a environ 8,83 mots dans chaque ligne de l'édition standard. Mais je préfère que vous reteniez le chiffre 10, ainsi que le nombre 90 000, ou plus exactement 10x15x10x60. Retenons que le nombre de mots est de l'ordre de 90 000, groupés en 60 parties de 10 pages, contenant 15 lignes, de 10 mots environ.

C'est le principal intérêt de la parole divine, d'un point de vue strictement rationnel : vous habituer à voir à l’œuvre les tautologies que vous-mêmes avez posées sur le monde. C'est là principalement que réside sa grâce.

Une ni'ma et une épreuve

(rédigé le 17 octobre 2024)

La “botte” de Bateson L'existence de ce standard est une ni'ma. C'est aussi une épreuve.

J'ai mieux compris en rédigeant la page Raison graphique et mémorisation [15 octobre 2024, à propos de 17:18 : يَصْلَىٰهَا مَذْمُومًۭا مَّدْحُورًۭا]. L'existence de cette tautologie, certes extrêmement pratique, nous empêche de poser d'autres tautologies sur le texte. Et ça ne sert à rien d'en faire abstraction, de faire comme si nous n'étions pas piégés dans cette tautologie.
Les remarques de Bateson, avec sa botte, sont ici décisives : la division du monde en parties est une question de practicité, et c'est tout!

Vous avez conçu un énorme meuble, comme dans ces archives bureaucratiques : chaque verset est dans un tiroir. Mais vous ne pouvez pas faire abstraction des circonstances de votre accès au texte.
Le défi est d'arriver à surmonter cette tautologie, cette première mise à l'écrit. Et c'est un problème très général, très analogue à celui que rencontre un anthropologue qui revient sur le terrain, après un premier passage à l'écrit.

Le propre de l'Europe, c'est de s'en être remis à la raison graphique*.
Et la question qui se pose au musulman, c'est sa capacité à garder un pied dehors.

Si au contraire vous sacralisez le fait d'avoir les deux pieds dedans, de n'aborder le texte qu'à travers cette énorme armoire à fiches, si vous placez votre foi et votre fierté de croyant dans le fait que vous arrivez quand même à mémoriser l'ensemble du texte, mais sans aucune velléité de démanteler cet horrible dispositif, alors… - j'hésite à le dire aussi frontalement mais… - alors vous êtes plutôt juif, d'un point de vue anthropologique, un juif musulman. Dans le sens où vous avez adopté, vis-à-vis de l'Europe, la position épistémique qui est celle des juifs (et eux n'avaient pas d'autre choix, leur Alliance ayant été résiliée, que cette capacité à rester en lien avec leur texte à travers une parenté diasporique…).

L’œil de l'intelligence artificielle
Teaser de la matrice monothéiste (rédigé au mois de septembre).

Il faudrait que les musulmans diplômés prennent conscience du lien direct entre la tragédie actuelle (plutôt à Gaza cette année, au Yémen avant ou ailleurs encore), et certains de leurs comportements les plus ancrés, notamment la manière dont ils mémorisent le Coran. Cette manière de ne pas affronter la responsabilité de leurs propres représentationsGB8, des tautologies qu'ils emploient dans leur rapport au monde, et au texte sacré. Et au fond cette indifférence vis-à-vis de la damnation par la raison graphique, de ne pas se sentir concerné par cette problématique, de se croire statutairement au-dessus. Cette évidence à laquelle je fais face depuis dix-sept ans, qui sous-tend la non-réception de notre histoire, à Ziad et sa famille et moi. Enfin, c'est du moins mon histoire, l'épreuve à partir de laquelle je parle…

La signification des points sur la page

(…) L'intersection entre le rythme de la parole et cette tautologie « industrielle ».
Quand vous regardez les points sur la page, voilà ce que vous contemplez. Ça me semble extrêmement utile de le savoir.

Toujours en chantier (comme le reste…)

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fr/methodo/coran/vision/edition_standard.txt · Dernière modification : 2024/11/14 08:06 de mansour

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