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Explications sur le cours (février 2025) :

Histoire de l’islam et des civilisations

Règle du jeu   Chronologie   Fondamentaux   Théorie

Avec 4 feutres et un tableau blanc (ou un cahier et un bic 4 couleurs).

Règle du jeu

1) On se donne un axe du temps sur le bas du tableau, courant de Moïse/Mûsâ jusqu’à nos jours.
L’axe est toujours le même au fil des séances (même si on zoome parfois sur telle ou telle partie), de manière à avoir constamment sous les yeux l’ensemble de l’histoire humaine connaissable.

2) On se donne le code couleur suivant :
rouge et bleu renvoient toujours à une forme de dualisme.
vert renvoie à la sortie du dualisme, au Vrai (al-haqq) tel qu’il est saisi dans l’islam, mais aussi à certaines notions d’anthropologie systémique comme l’« écologie mentale »* ou « la structure qui relie »GB5.

⇒ Le jeu consiste à placer au tableau des références historiques communes, en argumentant sur leur couleur, de manière à identifier des configurations.

Chronologie

Liste de références historiques communes, que je considère particulièrement significatives. Avec liens wikipedia, et courte indication sur la manière dont je les « colorie ».

Antiquité

-1200 ~ Moïse

-480 : L’affirmation de l’identité grecque face aux Perses (Périclès, bataille de Salamine)

-399 : De l’Académie à l’Empire : Socrate (-399) > Platon (-348) > Aristote (-322) > Alexandre le Grand (-323).

0 : La Palestine sous occupation romaine : courants du judaïsme hellénistique d’après l’approche historico-critique
(esséniens, pharisiens, sadducéens, zélotes…).

70 : La fin de l’Alliance 2:141 : postures face à la Seconde Destruction du Temple
(le schisme christianisme/judaïsme rabbinique).

325 : La Trinité, ou comment l’Empire romain est devenu chrétien (Premier concile de Nicée).
Arius et Augustin d'Hipone

622 (1H) : Présences monothéistes dans l’Arabie du VIIe siècle
Comprendre le changement de qibla (2:142-150).

Moyen-Âge

37H (657) : Le contentieux entre Ali et Mu'awiyya(Bataille de Siffin)

132H (750) : La transition Omeyyade/Abbasside.
Jean Damascène (m.749) : Défense des icônes et mu'tazilisme.

204H (820) : La Risalâ d'al-Shafi'i (naissance usul al-fiqh).
Abu Hanifa (80-148H) / Malik (93-179H) / Al-Shâfi’î (150-204H).

218H (833) : La mihna. Ibn Hanbal (164-241H) face à l’inquisition mu’tazilite.
Al-Bukhârî (m.256H).

324H (935) : Al-Ash'ârî et la théologie ash'arite.

524H (1130) : le Mahdî Ibn Toumert, Ghazâli (505H) et les deux Averroès (520H/595H).

728H (1328) : le positionnement d'Ibn Taymiyya / Ghazâli et Averroès.
732H (1332) : naissance d'Ibn Khaldoun …et de la sociologie!

Renaissance Européenne

1095 : Première croisade
(conséquences pour Constantinople et les juifs européens).

1150 : Fondation Sorbonne (et autres universités à travers l'Europe).

1274 : Thomas d'Aquin et l'averroïsme.

1492 : Chute de Grenade / Re-découverte du continent américain.
(La « matrice islamophobe » et les thèses dites « décoloniales »*).

1517 : les thèses de Martin Luther.
Réformes et contre-réformes Le Léviathan (1651).

1650 : Descartes et Pascal (1662),lecteurs de Montaigne (1592).

1789 : Jean-Jacques Rousseau (1778) et Ibn Abdelwahab (1792/1206H).
Révolution française.

1830 : Conquête d'Alger.
Expérience algériene et expérience marocaine de la colonisation.
Lyautey et Pétain face à la Guerre du Rif (1921-1927), sous le regard d'un jeune Général…

1918 : 14 points du Président Wilson.
1945 : Effondrement de l'Europe, décolonisations, rivalité USA / URSS.
1990 : Première Guerre du Golfe. Une rivalité USA / Islam?
2016 : élection de Trump, conversion isolationniste des USA / reste du monde


Fondamentaux

On posera en outre quelques faits historiques fondamentaux, resitués au tableau lors de chaque cours. grece-occident.jpg

Les « racines grecques » de l’identité européenne

L’identification de l’Europe occidentale au paganisme de l’antiquité grecque et à sa philosophie, par dessus la chrétienté latine du Moyen-Âge : une fiction historique au fondement de notre identité collective depuis la Renaissance, qui a structuré les rhétoriques de la Guerre froide, puis celles du « Choc des Civilisations ».

On rappellera les conquêtes d’Alexandre le Grand (m.-323), l’élève d’Aristote, qui diffuse la pensée philosophique grecque dans une aire géographique allant de la méditerranée jusqu’aux rives de l’Indus (Pakistan actuel), mais meurt avant d’avoir conquis l’Arabie…
⇒ objet de fascination pour les premiers empires musulmans, et d’interrogation ambivalente : c’est la non-identification qui triomphe finalement, du moins dans la sphère religieuse (Ibn Hanbal face à l’inquisition mu’tazilite en 218H).
⇒ adopté comme modèle sans ambiguïté par les monarchies européennes, puis les empires coloniaux, et enfin par la superpuissance américaine (innombrables péplums hollywoodiens…).

transmission_arabe.jpg

La « transmission arabe » d’Aristote

En réalité, il y a consensus des historiens sur le fait que l’activité philosophique s’est interrompue dans la chrétienté latine pendant une longue période, pour des raisons linguistiques et doctrinales, parce qu’Aristote était un auteur païen.
Idem pour les musulmans, mais la philosophie a quand même « travaillé » l’histoire politique et doctrinale de l’Islam classique, aboutissant à l’œuvre de l’andalou Averroès (m.1198) : un commentaire intégral de l’œuvre d’Aristote, produit sur ordre des sultans berbères almohades, qui fait autorité par la suite dans tout l’Occident latin.
C’est cet Aristote-là, avec lequel le monothéisme avait appris à cohabiter, que le catholicisme prend soudain pour « parole d’évangile » avec Thomas d’Aquin (m.1274). Le coloriage rouge/bleu permet d’insister sur ce paradoxe fondamental : Thomas réintroduit Aristote au nom d’une défense de la foi contre l’averroïsme, alors en vogue dans l’Université - soit dans la continuité des débats au sein de l’Islam, par exemple entre Ghazali et Averroès (Tahâfut al-tahâfut…).
Mais dans la chrétienté latine, ces innovations produisent une dissidence, d’abord religieuse (Luther en 1517) puis scientifique (Galilée m.1642, Descartes m.1650), qui plonge l’Europe dans une longue guerre civile, dont émergera le concept moderne d’État-nation.

⇒ On parle d’une « transmission arabe » Aristote, mais cette expression consacrée trahit un déni structurel : celui d’une Europe occidentale née sous l’influence civilisationnelle de l’Islam*, qui ne sait plus vraiment comprendre sa propre histoire.

mono-etat-nation.jpg

Les « guerres de religion »

L’Europe nomme « guerres de religion » cet héritage civilisationnel qu’elle n’a pas su gérer. Mais notre histoire ne peut redevenir intelligible sans l’influence du facteur religieux, souvent unificateur, en tous cas toujours structurant. Et cette histoire se joue pour une grande part au sein de l’Islam, dans des débats dont seuls les musulmans ont vraiment les clés aujourd’hui. Dans l’histoire de l’Europe, l’influence de l’islam est celle d’un métacontexte* : un élément toujours présent, jamais évoqué explicitement dans la conversation. Et ce à l’origine pour des raisons théologiques et linguistiques, dorénavant inscrites dans l’épistémologie*. Réduire cette complexité à une affaire « d’islamophobie » est totalement absurde - sauf par un mélange de paresse intellectuelle et de mauvaise foi… C’est pourquoi on utilisera le rouge et le bleu au maximum, dans l’histoire islamique et aussi en dehors - sans réserver le vert aux musulmans, ça n’aurait pas d’intérêt.

Les musulmans diplômés* ont aujourd'hui cette responsabilité : comprendre cette situation pour la gérer intelligemment, au lieu de souffler sur les braises d’une confrontation mentale dont nous sortons tous perdants. Et pour nous y aider, développer une vision matricielle de l’histoire, de notre propre présence au monde.

epigenese-monotheiste.jpg Représentation visuelle de l'épigenèse monothéiste (avril 2024).


Théorie

Rappelons qu’à l’origine, ce code couleur me servait à raconter mon enquête au Yémen (ci-dessous un powerpoint de mars 2021) : ma progression d’une vision sociologique binaire (2003) vers une vision systémique (2008/2010), à travers la contemplation d’un « terrain » anthropologique - l’étude localisée de certaines régularités comportementales, en lien avec le défi de ma propre insertion.

Contraint finalement d’abandonner ma thèse en 2013, je me suis retrouvé dans une situation de terrain inversé : une insertion sociale et professionnelle devenue problématique dans mon propre pays - c’est ce qui m’a conduit à explorer ces questions.

Ma démarche est une « sociohistoire »*, en ce sens que je n’ai jamais considéré l’histoire indépendamment du monde contemporain. Mais plus fondamentalement encore, je n’ai jamais considéré l’histoire indépendamment de considérations épistémiques* fondamentales - la condition dualiste de tout observateur, et de tout musulman diplômé. Ce que je place au tableau chaque fois, c’est bien mon rapport à telle ou telle référence historique - c’est pourquoi le code couleur s’impose. Il doit toujours être discuté, et c'est bien là l'intérêt : en posant le problème du dualisme, en explicitant des configurations, replacer l’histoire en un lieu où elle puisse être discutée.

Dualisme ?

Le dualisme* est le nom d’un problème philosophique typiquement moderne : la séparation entre l’esprit et le corps dans la civilisation industrielle, entre la pensée et la matière dans les disciplines scientifiques, etc. (voir glossaire).
- Mais ici, je l’utilise aussi en lien avec le grand problème de la théologie médiévale : les rapports entre raison (‘aql) et révélation (naql) - problème traité en islam dans les fondements du droit (usûl al-fiqh), entre argumentation logique (ijtihâd bil-ra’î) et argumentation par citation (bil-ma’thûr).
- Je remonte aussi à l’Antiquité, aux fondements de l’identité grecque face à l’empire Perse (Frise résumant ce que je comprends de l'histoire (intellectuelle) du monde).

Depuis une bonne quinzaine d’années, je tente ainsi de construire une convergence utile entre la pensée musulmane et la critique batesonienne* du dualisme. C’est pourquoi le code couleur est volontairement flou, permettant d’agréger schématiquement des observations très diverses :
- allant de l’opposition entre langues indoeuropéennes et sémitiques
- jusqu’à l’opposition entre macronisme et complotisme dans la situation contemporaine.

Le code couleur exprime en fait certaines caractéristiques les plus fondamentales de l’épistémologie* humaine.
- Telles que l’opposition entre nom et chose nommée en linguistique
- ou dans l’étude des comportements, l’analyse du sens de l’honneur* (nif et hurma - voir glossaire).
- L’épistémologie humaine se construit toujours entre une assise (les mots qu’on utilise) et un visage (les situations qu’on tente d’affronter).
- Mais cette règle vaut également pour l’œuf fécondé (embryologie)…
La problématique du dualisme vaut pour l’ensemble du règne animal et végétal, comme Bateson nous le rappelle : il est illusoire de prétendre la résoudre dans la sphère du langage, qui ne se suffira jamais à elle-même. C’est pourquoi l’hypothèse monothéiste est nécessaire.
- Et c’est pourquoi l’ethnographie* - la description scientifique d’une situation sociale située, articulée à la compréhension du passé - peut éventuellement conduire à l’islam.

Selon les contextes, le coloriage voudra dire tout cela. Et peu à peu, nous comprendrons comment ces différentes formes de dualisme sont apparentées : l’évolution du statut de l’écrit dans la civilisation monothéiste à travers les âges, des premiers livres révélés jusqu’aux réseaux sociaux.

Configuration ?

La configuration* est un concept très utilisé dans les sciences sociales françaises, qui croient en l’unité de la sociologie, de l’histoire et de l’anthropologie. C’est un concept développé par l’historien allemand Norbert Elias, inspiré notamment par la lecture de Gregory Bateson (voir glossaire).

Pour ma part, j’utilise ce mot pour rendre compte de l’hypothèse monothéiste : comment comprendre rationnellement la pertinence transhistorique d’un texte donné, révélé à un moment t de l’histoire humaine ? Comment traduire cela, dans les termes d’une hypothèse ethnographique multisituée* ? Ma réponse est la suivante : la pertinence d’un texte révélé s’inscrit toujours dans une configuration.

La configuration par excellence, pour ce qui nous occupe, est la position de l’islam comme « communauté médiane » (2:143) entre christianisme et judaïsme rabbinique.
Mais d’un point de vue anthropologique, le mécanisme est plus général :
• Au sein de l’histoire islamique, si l’on revient périodiquement vers le texte révélé avec une lecture renouvelée, c’est chaque fois pour surmonter une situation d’impasse, qui se ramène toujours à une forme de dualisme. Et la formation intellectuelle du musulman réside dans sa capacité à re-saisir ces impasses rétrospectivement.
• Dans l’histoire européenne* (c’est-à-dire les mutations successives de la chrétienté latine, largement sous influence de l’Islam*…), ce mécanisme est également à l’œuvre. Pour survivre subjectivement en tant que monothéisme, face à l’islam et ses innovations techniques, l’Europe embrasse délibérément l’épreuve du dualisme. C’est là une constante de son histoire. Ici aussi, la nouveauté s’inscrit toujours peu ou prou dans une configuration - même si les acteurs n’en ont plus conscience, notamment dans l’histoire des sciences.

La science moderne est une mutation du monothéisme qui s’imagine en prise avec le monde. Il n’y a pas lieu de le reprocher aux scientifiques, qui y croient sincèrement. Par contre, le musulman diplômé* a cette responsabilité historique de le comprendre, de garder vivante la conscience de cette configuration dualiste, où toute l’histoire moderne continue de se débattre. C’est là que réside le témoignage de l’islam, en tant que communauté médiane. Je crois que jusqu’à 2011, les régimes arabes remplissaient bon an mal an cette fonction (pour nous en France en tous cas…). Depuis 2011 les diplômés musulmans nagent en plein délire, et l’Europe avec eux. Concernant notre époque, voilà peu ou prou mon intuition…

Pour rendre l’islam à l’histoire, un musulman doit admettre que la Révélation est descendue dans un contexte (que les historiens nomment « antiquité tardive »), et que celle-ci crée à son tour un contexte dans le monde (que les historiens nomment « Moyen-Âge »), dont émerge la modernité* européenne. S'il ne revient pas au musulman de connaître le premier, en vertu de la transcendance du Texte, le second relève bien de sa responsabilité. L’islam a un amont et un aval, une assise et un visage : c'est dans cette configuration même que se révèle la transcendance de la Révélation.

fr/valoriser/enseignement/hic.1740679902.txt.gz · Dernière modification : 2025/02/27 19:11 de mansour

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