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Sionisme musulman, protestation chrétienne

1-3 juillet 2025

Je m’exprime ici en tant que musulman de culture chrétienne, issu d’une culture chrétienne, qui continue de vivre et d’agir dans une culture chrétienne.

C’est peut-être une évidence mais le fait d’avoir appris l’arabe, d’avoir voyagé au Yémen, d’être devenu anthropologue, et finalement musulman (tout ça il y a vingt ou vingt-cinq ans) ne m’a jamais rendu étranger à la culture chrétienne. C’est même précisément l’inverse : je n’ai jamais mieux compris mon pays, la religion de mes ancêtres (auxquelles ceux-ci croyaient ou pas) et le fonctionnement actuel de ma société, que depuis mon passage par le Yémen. La conversion à l’islam n’a pas fait de moi un Yéménite, bien au contraire. Ma démarche d’enquête dans ce pays, dans des circonstances historiques données, représentait une épreuve dont l’islam m’a permis de sortir par le haut. L’islam est plutôt ce qui m’a permis de revenir.

Car l’islam n’est pas une démarche de baptême, d’infusion dans un milieu donné, ou même d’acculturation. On ne devient pas musulman par observation participante*, ça ne se passe simplement pas comme ça. L’islam est une posture d’ouverture (fath) - mais d’ouverture pudique, d’ouverture consciente - envers tout ce qui est musulman. C’est quand l’exposition au Coran, à la religiosité musulmane plus largement, ne suscite plus en moi la rancœur et l’exaspération d’avant, liée aux incompréhensions de la phase d’approche, seulement paix et quiétude. L’islam, c’est quand mon cœur est dénoué. Ça n’a rien à voir avec le fait de devenir Yéménite ou Marocain. C’est une ouverture et une paix, stable et durable parce qu’elle prend sa source au plus profond. Ce que ne produira jamais la démarche consciente d’aller s’enfermer dans un kibboutz, une expérience de vie communautaire, fût-ce entre musulmans.

Il y a dix-huit ans, j’ai donc réatterri en France récemment converti à l’islam, mais avec une thèse à rédiger. Une thèse dont l’objet était précisément d’exposer cette phase d’approche, cette phase de rancœur et d’incompréhension, de tâtonnement théorique, aux prises avec les contradictions de la société yéménite elle-même - d’où le thème de « l’homoérotisme »*. Jusqu’à la conversion au retrait, la limpidité rétrospective, conformément à la méthode ethnographique*, dont c’était l’application directe. Le projet pouvait paraître sulfureux, il ne l’était pas sur le fond.

Au final, la démarche était sulfureuse surtout pour les croyants, un certain monde associatif. Entre ma thèse et ma conversion, il m’a finalement fallu choisir, et j’ai choisi ma conversion. Je ne peux évidemment pas le regretter : il n’était pas question de devenir musulman tout seul. Pas question non plus de retourner au Yémen, dans ce régime qui ne voulait pas tomber. Pour me défaire des sciences sociales, il valait mieux rester dans mon propre pays.

Mais du coup, je suis resté hanté par ce doute persistant, cette inquiétude intime : ai-je vraiment laissé les sciences sociales?… Pourquoi est-il si difficile de m'en défaire?… Et si j’étais en fait resté chrétien ?
Sachant que je ne l’ai jamais été en pratique : mes deux parents étaient athées, je n’ai reçu aucune éducation religieuse et je n’ai même pas été baptisé. Par contre j’ai hérité de certaines valeurs : le souci de l’égalité, le refus du sectarisme, l’exigence de rationalité dans la compréhension du monde. Autant de valeurs associées à la pratique des sciences sociales, auxquelles il ne m’était pas possible de renoncer, tout compte fait. Or ces valeurs m’ont mis gravement en porte-à-faux, au fil des années, par rapport au fonctionnement ordinaire de la Communauté. D’où cette interrogation lancinante : ces valeurs seraient-elles en fait chrétiennes ? Me serais-je donc trompé de religion ?
Non, je ne me suis pas trompé de religion, mais nous vivons un moment particulier : un moment « sioniste »*, du point de vue de l’articulation entre islam et sciences sociales. L'antidote passe par la proposition « chrétienne » des sciences sociales* généralistes et unitaires, « catholiques » au sens de l'étymologie…

Je m’exprime ici en tant que musulman de culture européenne*, issu d’une culture européenne, qui continue de vivre et d’agir dans une culture européenne. Je m’exprime parce que l’islam m’a fait comprendre le christianisme mieux que je ne le comprenais avant, et également le judaïsme : il m’a fait comprendre le système judéo-islamo-chrétien. Parce qu’il n’y a pas de « culture judéo-chrétienne », pas de perspective sur ce système qui ne passe par l’islam. Ou pour le dire autrement, l’affirmation identitaire « judéo-chrétienne » ne sera jamais systémique, elle échouera toujours à relever les défis de notre temps. Mais face au sionisme musulman, la réaction est presque inévitable…

L’islam européen gagnerait donc à se définir plutôt par cette perception systémique, de la « communauté médiane » (ummatun wasata, 2:143). Déjà sous-jacente au texte coranique, cette compréhension est à reconstruire à chaque époque, en fonction des évolutions du système : c’est la tache de chaque génération, pour que le Texte soit en phase avec son temps. Qu’on jette un coup d’œil à mon code couleur, on comprendra que tout ce site s’y emploie. En tant que musulman, ma ligne de conduite s’exprime dans les coordonnées de cette base. Ce qu’il a de « chrétien » dans ma protestation, reste fondamentalement musulman.

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