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fr:comprendre:processus:feminisation

De la féminisation des sciences sociales

« Comment je te parlerais, alors que Waddah t’a féminisé ? »
Tentative d'entretien enregistré (2’10)

Dans l’arène des sciences sociales ces dernières décennies, les discussions méthodologiques sur le genre de l’observateur ont pris un tour de plus en plus hiératique et caricatural. On assiste toujours peu ou prou au même affrontement rituel, entre une avant-garde de la « féminisation » et une arrière-garde de « l’objectivité ».
Dans le premier camps, celui de la critique féministe et de la réflexivité*, l’argumentation va toujours dans le même sens : la féminisation c’est formidable, ça permet de « voir » quantité de choses… Dans le second, on traite ces innovations par le mépris, on se réclame des bonnes vieilles disciplines universitaires et de leurs méthodes « objectives » plus établies. Un jeu de dupes relativement réglé, où les deux camps se tiennent mutuellement en joue : les premiers essayent de ne pas trop entamer leur crédibilité scientifique, les seconds de ne pas trop passer pour des « vieux cons » - mais tout le monde se tape sur l’épaule à la fin, en mangeant des petits fours aux frais du contribuable. De fait, il peut sembler que l’Université dans son ensemble ne s’en sorte pas plus mal.

Dans ces débats entre le « voir » et « l’objectivité », on oublie une possibilité : que la féminisation rende l’observateur aveugle, d’une manière que l’objectivité ne puisse totalement compenser. Car le problème n’est pas tant de « voir » des choses grâce à la réflexivité, mais de les restituer après les avoir vues. C’est tout le paradoxe de cette interaction ordinaire - Tentative d’entretien enregistré (10 mars 2006) - qui suscite pourtant une honte vertigineuse. Aux Yéménites, il suffit de 2’10 pour enterrer la hache de guerre, ce que quinze années d’efforts académiques n’ont pas permis à ce jour.

Et si l’on tient à se replonger dans le dossier Waddah - comme si cette honte n’était liée qu’au passage à l’acte - le problème est exactement le même. Dans ce dossier, j’ai montré que l’issue de mon premier terrain était déjà incluse dans les ingrédients de départ - la méthode ethnographique d’une part, et d’autre part le Régime, comment cette société traitait la présence du visiteur européen. Sans le passage à l’acte d’octobre 2003, il n’y aurait pas de mémoire en juin 2004 (La Théorie du Za’îm). Il fallait attraper la main tendue par Waddah - quitte à lui faire une clé de bras - ou j’aurais renié ma propre méthodologie. La féminisation méthodologique (réflexivité d’enquête*) menait inévitablement à la féminisation en acte. D’où mon retour au Yémen avec cette question : pour ressaisir cette part de mon engagement, dont l’objectivité n’avait pas su rendre compte.

L’angle-mort de l'intersexuation

Derrière les débats méthodologiques qui accompagnent la « féminisation » des sciences sociales, il se cache un problème épistémologique plus profond, à savoir : la damnation qui découle potentiellement de l'intersexuation (le véritable sens de la racine kh-n-th en arabe). Une notion très négative en islam, que certains aujourd'hui voudraient parer de toutes les vertus.

Mais cet angle-mort ne remonte pas à la révolution féministe, elle vient de beaucoup plus loin : la disqualification de la relation « maître-disciple », une mutation anthropologique survenue depuis l’An Mille, dans le rapport au savoir de la chrétienté latine, et qui marque l’identité intellectuelle européenne jusqu'à aujourd'hui (⇒Un Léviathan universitaire?)

Personnes:
Abdallah al-’Âïdî
Moments:
Tentative d’entretien enregistré (10 mars 2006)
Contextes:
La notion d'intersexuation (racine kh-n-th)
Processus:
De la féminisation des sciences sociales
(Billet du 22 février 2023, qui débouche finalement sur le sommaire intersexuation)
Sommaire intersexuation
fr/comprendre/processus/feminisation.txt · Dernière modification : 2023/09/05 12:38 de mansour

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