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Méthodologie ethnographique

Contenu à migrer peu à peu vers des sous-dossiers comme : ethnographie, anthropologie, histoire, exegèse

Qu’est-ce que la réflexivité d’enquête ?

Sur le terrain, l’anthropologue passe de longues heures chaque jour à consigner des observations, dans un carnet de terrain, qui constitue son premier outil de travail. La méthode qu’on nous apprend à l’université encourage à distinguer la page de droite et la page de gauche :

  • la page de droite vise une observation systématique et objective (reconstitution d’une journée ou d’une conversation, quadrillage d’un espace, observations vestimentaires…)
  • la page de gauche est là pour recueillir des informations complémentaires (ou « méta »), relatives à l’état d’esprit de l’observateur, qui faciliteront l’interprétation ultérieure des observations :
    • des sentiments subjectifs, sur ce que l’on a dans les tripes au moment de cette observation (« il me drague ! », « Je n’avance pas ! », « Euréka ! » : l’observateur peut vider son sac, le carnet restant absolument privé (F. Weber 1991) ;
    • des ébauches de théorisation, où l’on précise ce que l’on a en tête en observant ceci et cela. À la relecture, on voit aussi ce à quoi on ne pensait pas, et c’est tout aussi important…

Lorsque l’enquêteur peut mettre en relation ces différentes dimensions du travail d’observation - lorsqu’il peut rendre compte à la fois de ce qu’il voyait, de ce qu’il croyait voir et de ce qu’il ne voyait pas, en lien avec l’état de sa socialisation et l’avancement de sa réflexion, aux différents stades de son enquête - c’est le signe que la recherche est vraiment aboutie. L’analyse a alors des chances d’échapper aux biais sur-déterminées - notamment l’encliquage de l’observateur, soulevé par J.-P. Olivier de Sardan.

La réflexivité, c’est ne pas considérer l’accès au terrain comme allant de soi, mais atteindre une certaine lucidité quant aux conditions précises de l’enquête et quant à leurs effets. Plus fondamentalement, c’est construire une réflexion plaçant au premier plan les contraintes inhérentes à l’observation, à l’écriture, aux modalités de la connaissance.

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L'évolution du terme "ethnographie"

Dans l'anthropologie classique, née à l'époque coloniale, le terme “ethnographie” désigne simplement le recueil des faits de culture : c'est le fait d'écrire (graphein) les coutumes d'une ethnie ou d'un peuple particulier.

Mais l'anthropologie a perdu beaucoup de son assurance théorique avec la Décolonisation et la remise en cause des grands paradigmes, sous l'effet de la critique féministe et du tournant linguistique. Aussi depuis le tournant des années 1980, le terme “ethnographie” a pris un sens beaucoup plus riche : c'est l'analyse précise des conditions sociales de l'enquête.

À la manière du protocole expérimental dans les sciences de laboratoire, c'est là que se joue désormais le caractère scientifique d'un travail - plus que dans l'adéquation de ses conclusions avec tel ou tel paradigme théorique, qu'il soit marxiste, structuraliste ou autre.

Une application en deux temps

Un fiasco inaugural

Mon premier travail (terrain de trois mois à l'été 2003 / maîtrise soutenue en juin 2004) comportait une dimension ethnographique importante, puisqu'il s'agissait d'analyser l'autorité charismatique locale qui avait rendu possible l'observation. Je tentais de comprendre en particulier pourquoi à un certain stade, Ziad avait perdu la face, et avait finalement dû se retirer.

Du point de vue de la réflexivité ethnographique, l'incident était particulièrement grave, et remettait fondamentalement en cause ma capacité à mener l'enquête. J'avais su en donner une explication provisoire, en invoquant un stigmate entre deux milieux sociaux (le quartier et le carrefour), mais je me rendais bien compte que ces explications étaient partiellement forcées.

Le déroulement de ce premier séjour n'est devenu transparent que bien des années plus tard. Au fond, Ziad avait affronté un minuscule “Printemps Arabe” : quelque chose qui n'avait pas encore de nom, qui était encore impensable, mais qui allait bouleverser profondément les règles du jeu. Une évolution que la réflexivité ethnographique nous a permis d'anticiper, et c'est ce qui fait la valeur de notre histoire aujourd'hui.

Une alliance ethnographique paradoxale

La dimension ethnographique est tout aussi centrale dans mes enquêtes ultérieures (séjours de 2004 à 2010), mais elle est dissimulée dans d'autres problématiques :

  • les phénomènes de ségrégation dans l'espace urbain (vers 2004-2005) ;
  • “l'homoérotisme” (vers 2006-2007),
  • une problématique de schizophrénie (à partir de 2008).
  • une problématique de conversion religieuse (chez moi) et de millénarisme (chez Ziad), surtout après le basculement de la “Grande Histoire” (2011).

Dans tous les cas, il s'agissait de toucher aux limites de l'écriture, à l'envers de l'évidence sociologique. Mais rétrospectivement, toutes ces périodes sont totalement transparentes aujourd'hui, d'un point de vue ethnographique. C'est ce qui fait la vitalité de notre alliance, qui perdure jusqu'à aujourd'hui.

Sous le radar des sciences sociales
À un certain stade de ma recherche (qu'on peut placer vers 2008), les choses ne se passent plus sous le microscope : l'énigme de mon terrain yéménite est résolue (au sens de l'énigme ethnographique : la relation est stabilisée, j'ai compris la place à laquelle j'ai été “affecté”). Mais je me retrouve face à un autre défi : celui de faire entendre cette histoire dans le monde académique, de l'intégrer aux savoirs existants, autrement dit de la qualifier anthropologiquement.

À cette époque je n'essaie même pas d'échanger avec l'anthropologie du Yémen qui me paraît engoncée dans des schémas culturalistes, liés à une compromission non-assumée avec le régime (comme je pourrai l'exprimer en 2011). Non, je mise plutôt sur les sciences sociales généralistes (depuis ma formation à l'ENS et à l'EHESS), partisanes de l'interdisciplinarité.

Or peu à peu je vais m'apercevoir que cette histoire embête tout le monde, et qu'elle n'a sa place nulle part : les structures académiques existantes ne peuvent simplement pas la prendre en charge. L'anthropologie de l'islam ne m'est d'aucun secours, évidemment : l'islam en tant que “culture” ne m'intéresse pas. Fondamentalement je ne crois pas en l'existence de leur objet, donc mieux vaut rester à bonne distance.
Mais j'ai du mal à qualifier ma position. Et bien sûr, ce n'est pas parce que je viens d'une autre “culture”. En fait je disparais des écrans radars, tout en comprenant mieux que jamais les humanités, que je visite comme un fantôme. Mon intégration dans les structures académiques est compromise irrémédiablement, car nous ne jouons pas le même jeu.

L'ethnographie telle qu'on l'enseigne (concepts clé)

La réflexivité, ou les trois espaces du carnet de terrain

Le carnet de terrain (version papier) comporte ordinairement trois espaces :

  • la page de droite pour les observations objectives (le plus possible)
  • la page de gauche comme défouloir subjectif
  • et pour les amorces de généralisations.

Ainsi, le carnet comporte des informations sur trois niveaux très différents, que l'analyse viendra mettre en relation. Ceci permet de contrôler dans quelles conditions l'anthropologue a vu ce qu'il a vu, dans quelles conditions il a pensé ce qu'il a pensé, ce qui donne une certaine robustesse à l'analyse.

le rôle des affects

évoquer les trois moments de l'analyse :
prise - déprise - reprise.
dans le "Être affecté" de Jeanne Favret-Saada (1991). </WRAP>

Voir également de Florence Weber (qui m'a formé), deux articles importants sur la réflexivité d'enquête (republiés dans son Manuel de l'ethnographe, PUF 2009)

la notion d'engagement ethnographique

évoquer l'ethnographie urbaine qui a été ma référence méthodologique dans les premières années de mon enquête :

Le dernier ouvrage en particulier, m'a longtemps servi de métaphore à ce que j'essayais de faire, à travers mes “boutades homoérotiques”. Toute la question pour moi était de rester engagé dans l'interaction.

Mes outils sur ce wiki

  • un carnet de terrain, organisé chronologiquement.
    C'est la seule partie entièrement privée, qui n'a jamais vocation à être publiée telle quelle (F. Weber 1991).
  • des bribes d'analyses,
    organisées par thématiques..
  • des notes de lecture,
    qui m'aident à reparcourir plus aisément un livre qui m'importe.
  • des notes d'écoute
    (en fait pour moi, c'est encore plus important : j'ai toujours préféré écouter les gens parler de leur travail, car tout devient beaucoup plus tangible et j'apprends beaucoup plus).
  • des notes d'exegèse du Coran et de la Bible, classées par verset
    (par contre ça c'est beaucoup plus récent dans mon travail : pendant très longtemps je me suis interdit de jouer ce jeu-là).

Ethnographie et islam

Au fond mon travail depuis quinze ans est une réflexion sur les conditions d'une ethnographie “halal”.
Mais on peut aussi parler d'ethnographie durable, une ethnographie qui ne détruit pas les rapports d'enquête qui lui ont donné naissance.
La caractère laïque de mon travail - autrement dit son caractère “d'intérêt public”, dans une perspective française - a toujours été reconnu par mes interlocuteurs académiques.

Bien avant d'être musulman, j'ai été un Français engagé sur le terrain yéménite. La conversion pouvait-elle changer la donne? C'était bien la question. Et la réponse a plutôt été négative, dans la mesure où je me suis retiré progressivement de la société Yéménite (de 2007 à 2010), et que je n'y suis pas retourné à ce jour.

Donc parler “d'ethnographie halal” ne signifie évidemment pas réserver l'ethnographie à une communauté - ce serait une contradiction dans les termes. D'ailleurs le Coran ne dit-il pas :

« Vous sont permises [halâl], aujourd'hui, les bonnes nourritures. Vous est permise la nourriture des gens du Livre, et votre propre nourriture leur est permise. » (Coran 5:5).

La notion de halâl n'implique pas en elle-même une référence communautaire, il faut simplement s'entendre sur ce qu'on appelle “bonnes nourritures”. Et d'abord sur le plan des mots.

fr/atelier/methodologie/accueil.1672490913.txt.gz · Dernière modification : 2022/12/31 13:48 de mansour

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