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Objectivisme et intersexuation sur un terrain ethnographique

Les objets de mon enquête :

Objet théorique

Sur le plan théorique, le véritable objet de mon enquête au Yémen a toujours été la question des rapports entre objectivisme et intersexuation :
(1) mon problème a toujours été d’échapper à l’objectivisme, d’échapper aux descriptions dualistes* d’une supposée « guerre civile » entre tradition et modernité, entre les tribus et les diplômés, entre le régime et les laissés pour compte, entre Sanaa et Aden, entre chiites et sunnites, etc..
(2) Selon la méthodologie, on échappe à l’objectivisme par la réflexivité. Mais j’ai eu conscience très tôt que ce n’était pas si simple (du fait des circonstances de mon premier passage à l’écriture, le 4 octobre 2003) : cette réflexivité impliquait en fait une véritable intersexuation de l’observateur, aux effets ambivalents.

intersexuation du Dossier Waddah.

Très tôt j’ai commencé à percevoir ce rôle ambigu de l’intersexuation, à la fois comme damnation épistémique*, et comme chemin vers la rédemption.

Remarque: Cette ambivalence est perceptible dans le militantisme intersexe, et dans l’appellation « non-binaire » qu’il revendique, qui va au-delà de la seule « intersexuation » : lutter contre le patriarcat, c’est lutter contre une épistémologie. Le mot d’ordre relève d’une évidence, qui malheureusement ne fait sens que pour eux. (En fait la seule chose que je reproche à ce militantisme est son entre-soi : dans la communion avec les autres, je ne suis pas sûr qu’il aille aussi loin qu’il le prétend. Mais cette question relève au fond du dialogue inter-religieux, et finalement de la neutralité laïque).
intersexuation de Valoriser

Objet déclaré

Quand on fait des sciences sociales, on se pose ces questions à travers une société particulière.

Dès mon DEA (2004-2005), je me suis demandé si les Yéménites avaient la sociologie dans les yeux : étaient-ils « objectivistes » dans le regard porté sur leur environnement ? D’où le choix, dans les premières années de ma thèse (2006-2007), de centrer mon travail sur la vulgarité : la question était plus immédiatement compréhensible, mais j’ai toujours gardé cette question épistémologique en arrière-plan.
Dans la pratique des boutades homoérotiques, ce qui m’a intéressé est la dimension socialisante, pour des catégories de jeunes (commerçants, ouvriers journaliers, commerçants ambulants…) en contact permanent avec la diversité sociale. J’ai envisagé la possibilité qu’à travers ces boutades, ces jeunes puissent changer leur rapport à la ville, et qu’elle leur dévoile ainsi des chemins inattendus : non pas pour « accéder au haram », à une sexualité interdite, mais pour survivre dans une conjoncture économique difficile, et surmonter la fermeture des opportunités.

Je voulais croire les intentions pures malgré la vulgarité du langage, en somme, considérant le langage convenu préempté par le Régime (étatique, religieux, patriarcal…). Cette intuition présageait le moment 2011, d’une certaine manière ; mais ma recherche était allé plus loin, et présageait en cela l’effondrement.

Objet théologique

L’aboutissement de ma recherche, au début de ma troisième année de thèse, est cristallisé par l’incendie du 19 août 2007 : l’intersexuation de l’observateur fait en fait consensus. L’évidence apparaît au grand jour dans les circonstances du geste de Ziad, les détails de la mise en scène et la réaction des gens. Autrement, comment expliquer que le geste de Ziad ait été immédiatement tabou, et qu’on se soit refusé à faire le lien avec mon retour, quelques heures plus tôt ce jour-là ?
Le geste de Ziad dévoile soudain la connivence des Yéménites, leur conscience clivée dans leur collaboration à l’enquête - et plus largement dans leur « modernité ». On maintenait ma subjectivité aux prises avec le réel, en sachant parfaitement la honte que je dissimulais. On « gonflait » cette bulle spéculative, aux dépends d’une unité domestique, quelque part, dont l’existence était nécessaire d’un point de vue logique, et on le savait parfaitement.

De cette épiphanie , la question du Mal sort radicalement transformée : il n’est plus « là dehors »GB, lié à des entités abstraites et dans la matérialité du monde (le Régime, le Patriarcat…), mais en moi-même dans mon propre regard. L’intersexuation de l’observateur faisait consensus, elle était le seul consensus sur lequel ma recherche pouvait s’appuyer - mais en fait je l’avais toujours su…

La question théologique du Mal, de son caractère nécessaire, m’accompagne depuis :

Peut-être parce que toute confession implique église, et l’islam n’en a pas. D’ailleurs en décembre 2017, l’écriture n’était pas une confession, les mois et les années suivantes : elle était la revendication d’un geste, indissociable d’une affirmation politique. Elle était la survie de notre alliance parmi les décombres - pourtant la guerre a continué encore…
Peut-être parce que toute confession implique église, et les sciences sociales n’en sont pas une, plutôt une gigantesque bulle spéculative. 2023, année d’effondrement des valeurs occidentales (au sens de la bourse) ? Peut-être en 2023, notre petite histoire sera-t-elle valorisée à son cours réel, à la hauteur de nos investissements.
Mais peut-être le monde disparaitra avant, et peut-être après. Sur le terrain, le chercheur doit travailler dans cette temporalité.

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1)
Selon un hadith rapporté par Muslim : « L’islam efface ce qui est venu avant lui », c’est-à-dire les péchés de la personne, selon la plupart des commentateurs. La personne n’est pas pour autant dénouée de toute responsabilité, relevé de tout rapport clientélaire (mawlâ - voir l'entrée dans le glossaire des termes indigènes).