đ 2024:04:16 JĂ©sus et leur curiositĂ©
Toujours le mĂȘme rendez-vous quotidien avec Ziad, entre maghreb et âisha, et toujours la sourate 6. Je lâaperçois dans tel repli du texte, que sa prĂ©sence illumine, puis je le perds Ă nouveau. Le frĂšre Ă mes cĂŽtĂ©s, souvent croisĂ© ces derniĂšres semaines lors des ruptures du jeĂ»ne, a aussi le Livre sur les genoux. Silence de la mosquĂ©e, dĂ©sertĂ©e aprĂšs Ramadan. Il me sent peiner sur le texte, tourner les pages dâavant en arriĂšre : il doit se demander ce que je cherche au juste. GĂȘnĂ©, je mâabsorbe dans la lecture, commence Ă remuer les lĂšvres, et il sâabsorbe Ă son tour dans son propre chuchotement. La friction des mots forme une cabine, comme la toile de lâisoloir, câest un soulagement pour nous deux.
Mais finalement il ferme le Livre, prend son portable et promĂšne ses doigts sur lâĂ©cran. Mon chuchotement est seul, de nouveau transparent : jâassume. Je sais quâil lâĂ©coute, je connais la curiositĂ© qui lâanime. Je revis mes premiers pas au YĂ©men : leur curiositĂ© pour mon visage, pour ma peau blanche dans les habits yĂ©mĂ©nites, les mots arabes dans ma bouche. Ziad est lĂ Ă nouveau, Ă la place bien spĂ©cifique qui Ă©tait la sienne dans ces premiers moments, qui est encore la sienne aujourdâhui : une complicitĂ© dâun autre ordre, nouĂ©e dans le partage dâune pensĂ©e formelle. Quand je m'asseois chez le ProphĂšte Mohammed, quand je reçois les mots quâil a reçus, prĂ©sence silencieuse de Sayyidina âIssa, installĂ© dorĂ©navant dans lâAu-delĂ (voir fin de la sourate 5).
ArrivĂ© au terme de la sourate, je la reprends au dĂ©but. Doucement la mosquĂ©e se repeuple : au moment dâal-adhĂąn, je viens de retrouver mon point de dĂ©part. Lire le Coran, voilĂ , il nây a que cette maniĂšre-lĂ . Debout sur la ligne, nous arrangeons nos pieds, et le frĂšre Ă ma droite lance en riant : « Mohammed, tu prends toute la place ! ». Le frĂšre Ă ma gauche sâexcuse, sans comprendre. La priĂšre terminĂ©e, je fais quelques invocations puis regarde lâheure : je dois attraper mon Eurostar⊠Je me tourne pour lui serrer la main, et vois dans son regard quâil est un peu surpris finalement. Mais ce nâest pas grave, il comprendra plus tard. JĂ©sus est avec moi.