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Note d'intention

27 septembre 2024.

J’ouvre ce dossier Méthodologie coranique pour poser des questions de méthode dans la mémorisation du Saint Coran.

Où j'en suis

Je n’ai pas encore beaucoup d’expérience en la matière. J’entre en deuxième année d’un cursus de sciences islamiques, donc j’ai mémorisé seulement les deux derniers juz’ l’année dernière (29 et 30 - soit 40 pages sur 600), et je m’attaque depuis cet été au programme de seconde année (juz’ 15 et 16). J’ai aussi l’expérience d’un échec il y a une douzaine d’années : avoir mémorisé les deux premiers juz’ (Sourate al-Baqara) et n’avoir pas réussi à les retenir.
J’ouvre ce dossier dans l’espoir qu’il n’arrive pas la même chose cette fois. Également parce que je ne me retrouve nulle part dans les discussions actuelles (voir accueil section “Méthodo”) : ni dans les conseils de ceux qui ont grandi au bled dans les années 1970, ni dans les conseils des musulmans diplômés. Je veux prendre les conseils d’où qu’ils viennent, mais j’ai aussi besoin de questionner cette situation, afin d’affirmer ma propre « voie médiane ».

Je dispose déjà d’un Carnet de mémorisation (), dans la partie privée de ce wiki (arborescence). Dans mon rapport à Allah, il a exactement le statut du carnet de terrain, à savoir qu’il s’agit d’une écriture fondamentalement privée.
Il m’arrive d’évoquer certains versets dans la partie publique de ce wiki, mais c’est de manière vraiment ponctuelle, et je le fais alors en tant qu’anthropologue.1)
Il ne s’agit évidemment pas ici, en tant qu’apprenant (tâlib al-’ilm), de partager systématiquement mes avis sur les versets et les passages que je mémorise. Par contre je souhaite pouvoir discuter en termes généraux du statut de cette prise de note, de son utilité éventuelle dans le processus de mémorisation, et si oui à quel niveau.

Au programme

Dans l’immédiat on trouvera ici bientôt, inchallah :

• un retour d’expérience pour lire le Coran sur une liseuse, paramétrée sous le logiciel libre KOreader, qui offre un confort de lecture inégalé. J’ai beaucoup tâtonné pour trouver le paramétrage optimal, encore à améliorer peut-être, en tous cas ce sont des indications d’intérêt public, que je n’ai trouvé nulle part sur le web.

• Le modèle d’un apprentissage en trois phases :
- sabaq (la première fixation)
- sabqi (transfert mémoire de court terme vers une mémoire à long terme)
- dawr (révision et entretien).
J’ai repris ces catégories d’une vidéo youtube en anglais : un certain Ibrahim Khan, spécialiste de finance islamique, qui a mémorisé le Coran entre 7 et 14 ans quelque part dans le Sous-Continent Indien, et a reçu plusieurs ijâza. Khan a entrepris d’enseigner à son fils, et en a profité pour faire une vidéo sur sa chaîne Youtube : il y reprend en fait les travaux de Gregory Bateson sur les niveaux d’apprentissage, qui sont très diffusés aujourd’hui. Donc pour moi c’est une bonne base pour commencer à réfléchir.

• Une discussion du cadre optimal sur le plan social, relationnel et psychologique : tout ce qui relève de la « bonne intention » (al-niyya al-hasana), censée être indispensable pour que le processus aboutisse, c’est-à-dire qu’il soit agréé par Allah (c’est du moins en ces termes qu’on le présente généralement).
J’expliquerai pourquoi l’usage du terme intention ne me semble pas pertinent ici (problématique du but conscientGB3), et je suggère en échange une problématique de l’intuition* (al-yaqîn), qui me vient plutôt de la physique (voir glossaire). Mémoriser le Coran, c’est travailler son intuition, comme un physicien peut le faire sur sa manip, comme un ethnographe peut le faire sur son terrain : travailler l’intuition de ses propres outils, à l’épreuve d’une situation expérimentale quelle qu’elle soit, ou en l’occurrence à l’épreuve du qur’an, le texte vivant.
Encore faut-il se donner des outils pour travailler, des clés de lecture. Non pas pour qu’elles se substituent au texte - ça ne servirait à rien pour le mémoriser - mais pour les mettre à l’épreuve du texte : ça oui, cela peut-être très utile à la mémorisation.

Une problématique du noeud

Si j’ai une méthode à proposer - ou plutôt un embryon de méthode à ce stade - elle peut s’énoncer en termes de nœuds : je pose des nœuds sur le texte, exactement comme un ethnographe pose des nœuds sur la situation sociale qu’il étudie, en étant prêt à les dénouer à chaque instant, autant qu’il est possible :

Citation n°2 : « Je suggère (…) d'habituer les savants à (…) faire des nœuds à leurs mouchoirs, chaque fois qu'ils laissent quelque chose d'informulé, c'est-à-dire leur apprendre à consentir à laisser cela tel quel, pendant des années, mais en marquant d'un signe d'avertissement la terminologie qu'ils utilisent ; de telle sorte que ces termes puissent se dresser non pas comme des palissades, dissimulant l'inconnu aux visiteurs à venir, mais comme des poteaux indicateurs où l'on puisse lire : « INEXPLORÉ AU-DELÀ DE CE POINT. »

C’est cette éthique intellectuelle fondamentale qui m’a permis de sortir par le haut de mon terrain yéménite et de mon aventure avec les sciences sociales - au sens d’en sortir avec une compréhension réelle de l’islam et de son Livre Saint. Je ne vois aucune raison pour laquelle il me faudrait laisser cette éthique au vestiaire, au moment de m’embarquer dans une démarche de mémorisation.

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1)
Voir Index des citations coraniques : il s’agit chaque fois d’appuyer des réflexions anthropologiques générales, ou d’éclairer une situation ethnographique publique, dont l’un des protagonistes se prend publiquement pour Jésus depuis plus de douze ans…