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fr:comprendre:textes:lettres:2003_07_29-au_rapport

Au rapport (mail du 29 juillet 2003)

Mail envoyé à Sylvaine Camelin, ma tutrice à l'université de Nanterre, spécialiste du Yémen, avec laquelle j'ai des rapports amicaux. Sur place depuis à peine une semaine, je lui expose un nouveau projet de recherche sur les négociations matrimoniales « assez cohérent avec ce que, au fond, j'attends de mon voyage, une connaissance moins superficielle d'un coin du Yémen, et surtout plus empathique, c'est-a-dire qui reconnait le point de vue de l'individu. » Tout le problème ensuite, c'est où me placer pour étudier cela? Le mail raconte bien comment les choses se posent au départ, même si ce projet de recherche sera finalement balayé par l'histoire du Za'îm.

Date: Tue, 29 Jul 2003 14:38:40 +0200 (MET DST)
From: Vincent Planel < planel@clipper.ens.fr >
Subject: Au rapport.

Chère Sylvaine,

J’espère que vous profitez de vos “vraies” vacances, loin des Arabes…

Voici quelques nouvelles en bref. D'abord, j'ai eu la bourse (1234Euros), donc je suis tres content. Merci pour votre aide. En fait la bourse castex est financée par un leg ; la seule obligation en échange est d’écrire une carte postale a Madame la veuve Castex !?!

Bon, je suis a Sana'a depuis 4 jours, un peu couve par l'ambiance du CEFAS. Je compte partir le plus vite possible pour Taez. Mon arabe a vraiment besoin d'une immersion totale. J'aimerais bien trouver un logement genre Cite U ou en collocation, mais apparemment il n'y a pas l’équivalent au Yémen, donc je crois que je serai dans un appart, tant pis. Je viens de rencontrer Maggy Grabundzija qui fait une thèse d'anthropo politique a l'Ismm et qui fait pour l'instant de l'immersion linguistique dans le djebel Saber et a cote, dans la “ Hagariah ”. Elle a des contacts intéressants à Taez, en particulier des associations de jeunes a travers lesquelles j'ai une chance de trouver.

Je suis en train de laisser tomber mon projet de sujet sur le marche du qat, d'une part parce que François Burgat a fait la grimace (encore le qat ! Encore les femmes du Jebel Saber !).
Mais surtout Eric Vallet m'a suggéré de travailler sur les mariages, ou plus exactement sur les tractations matrimoniales, et l’idée me motive énormément. En fait on a tous les deux étés fascines par l'histoire d'un copain qui était en France il y a deux ans (un type exceptionnel, faut dire, avec une sensibilité rare), que le séjour en France avait beaucoup travaille sur la question du voile (et de l’identité masculine…). Il se marie cet été, après des négociations acharnées avec la famille de la mariée qu'il voulait rencontrer sans voile avant les fiançailles, et après une succession de coups de théâtre (le frère s'y oppose, la fille tombe malade, lui renonce, puis, sur le point de s'engager ailleurs, il revient en arrière et accepte de ne la voir qu’après…).
Ce que je trouve intéressant dans cette histoire, c'est de voir comment coexistent les aspirations individuelles et les impératifs collectifs, éventuellement leur convergence, les négociations au sein de la famille, etc.
C'est un sujet qui me plait beaucoup parce qu'il est assez cohérent avec ce que, au fond, j'attends de mon voyage, une connaissance moins superficielle d'un coin du Yémen, et surtout plus empathique, c'est a dire qui reconnait le point de vue de l'individu.

Alors c'est vrai que c'est un sujet qui relève plutôt du domaine prive, donc plus adapte pour une ethnologue… Si je veux avoir le point de vue masculin sur ces questions, il faut que j'atteigne un certain degré d’intimité avec les gens, ce qui n'est pas évident. En même temps une étude comme ça me dira aussi plein de choses sur la structure sociale officielle, représente, et peut être justement je pourrai voir s'articuler les deux tableaux.

Enfin, je m'emballe un peu. De toute façon je n'en suis pas du tout la, pour l'instant il faut vraiment que je fasse mon trou quelque part et que je progresse en arabe (pour l'instant, j'ai peur de ne pas comprendre et de gâcher mon terrain, du coup je piétine un peu devant l'obstacle, enfin…)

On n'en est pas la, mais j'aimerais bien quand même avoir votre avis : est-ce que ça vous paraît réalisable ? J'ai l'impression que ca implique une intimité à la société yéménite a laquelle j'aspire, mais dont je suis loin. Et puis ça veut dire que je vais faire de la parente, et je ne suis pas trop fan de la parente a la mode licence de Nanterre, mais bon, c'est pas trop important, ça.

Voilà.
A vrai dire je ne sais pas trop si mes déficiences en arabe alimentent ma réticence ou si ma réticence me rend moins entreprenant linguistiquement. La solution n'est sans doute pas de faire deux terrains, un pour apprendre l'arabe et un pour faire de l'ethno…
Bon, je vais y penser. Je vous ré-écrirai quand j'aurai fait le grand saut. Je vais mettre le paquet pour trouver un logement en milieu étudiant.

A bientôt j’espère, par mail. Bonnes vacances.

Vincent

fr/comprendre/textes/lettres/2003_07_29-au_rapport.txt · Dernière modification : 2022/05/28 07:37 de mansour

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