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fr:comprendre:personnes:mohammed_ali

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 ====== Mohammed Ali ====== ====== Mohammed Ali ======
  
-===== L’informateur silencieux =====+==== L’informateur silencieux ====
  
 {{:fr:comprendre:images:medaillons:medaillon-mohammedali.jpg?nolink&100 |Mohammed Ali}}//« À Mohammed Ali »//\\ {{:fr:comprendre:images:medaillons:medaillon-mohammedali.jpg?nolink&100 |Mohammed Ali}}//« À Mohammed Ali »//\\
-Dédicace du mémoire tiré de ma seconde enquête : //[[fr:comprendre:textes:academia:dea|Al-Gawla (le rond-point). Ethnographie et Ségrégation sur le Rond-Point des Hommes de Peine]]// (DEA soutenu en 2005).+Dédicace du mémoire tiré de ma seconde enquête : //[[fr:comprendre:textes:academia:dea|Al-Gawla (le rond-point). Ethnographie et Ségrégation sur le Rond-Point des Hommes de Peine]]// (DEA soutenu en 2005).\\ 
 +Voir également mon article //[[fr:comprendre:textes:academia:hommes_de_peine|« Les hommes de peine dans l'espace urbain : spécialisations régionales et ordre social à Taez »]]// ([[https://journals.openedition.org/remmm/4913#ftn12|note n°12]] mentionnant Mohammed Ali).
  
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 +{{ :fr:comprendre:images:carrefour:asburface.jpg?nolink |}}
 +Mohammed Ali parmi les [[fr:comprendre:personnes:asbur|Asbur]] en 2004 (deuxième en partant de la droite).
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 Qu'est-ce qui différencie les interlocuteurs de ma première enquête, et ceux rencontrés //après// la première sociologisation? C'est la question transversale de toute ma recherche. Mohammed Ali joue un rôle-clé, précisément parce qu'il est isolé, parce qu'il reste silencieux, parce que je sais très peu de lui. Dans la période 2004-2006, Mohammed Ali est pour moi une sorte d'//alter ego//, qui me renvoie à ma propre déchéance, et me permet finalement de la surmonter. Qu'est-ce qui différencie les interlocuteurs de ma première enquête, et ceux rencontrés //après// la première sociologisation? C'est la question transversale de toute ma recherche. Mohammed Ali joue un rôle-clé, précisément parce qu'il est isolé, parce qu'il reste silencieux, parce que je sais très peu de lui. Dans la période 2004-2006, Mohammed Ali est pour moi une sorte d'//alter ego//, qui me renvoie à ma propre déchéance, et me permet finalement de la surmonter.
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 ===== Ce qui s'exprime dans la prise de vue ===== ===== Ce qui s'exprime dans la prise de vue =====
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 => Mohammed Ali est dans une position analogue à celle de [[Waddah]], si ce n’est qu’il n’appartient pas à la famille de [[Ziad]]. C’est pourquoi il est un interlocuteur important, qui joue un rôle-clé dans mon cheminement. => Mohammed Ali est dans une position analogue à celle de [[Waddah]], si ce n’est qu’il n’appartient pas à la famille de [[Ziad]]. C’est pourquoi il est un interlocuteur important, qui joue un rôle-clé dans mon cheminement.
  
 +====== Extraits ======
  
  
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 > « Je te raconte tout ça mais tu vois, maintenant, je me demande toujours pourquoi mon père m’a pris en ville. Je ne comprends pas pourquoi il m’a enlevé du village. Parce qu’à présent je suis un homme détruit (//insân muhattam//) : je voudrais vivre à la campagne mais je ne peux pas, et je ne peux pas non plus vivre en ville à cause de ma belle-mère. A la campagne, je n’y suis pas bien… Alors que si j’avais été élevé là-bas, je serais comme mes frères. Il n’y aurait pas de problème, ça serait naturel pour moi… » > « Je te raconte tout ça mais tu vois, maintenant, je me demande toujours pourquoi mon père m’a pris en ville. Je ne comprends pas pourquoi il m’a enlevé du village. Parce qu’à présent je suis un homme détruit (//insân muhattam//) : je voudrais vivre à la campagne mais je ne peux pas, et je ne peux pas non plus vivre en ville à cause de ma belle-mère. A la campagne, je n’y suis pas bien… Alors que si j’avais été élevé là-bas, je serais comme mes frères. Il n’y aurait pas de problème, ça serait naturel pour moi… »
-> <WRAP rightalign>Epilogue : Mohammed Ali, un informateur silencieux, {{fr:comprendre:textes:academia:al-gawla-deacomplet.pdf#page=99|pp.96-98}}</WRAP>+> <WRAP rightalign>[[fr:comprendre:textes:academia:dea|Mémoire de DEA]] (Epilogue : Mohammed Ali, un informateur silencieux, {{fr:comprendre:textes:academia:al-gawla-deacomplet.pdf#page=99|pp.96-98}})</WRAP>
  
  
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 ==== La dimension cognitive d’un décalage (C3-2) ==== ==== La dimension cognitive d’un décalage (C3-2) ====
  
-> Un des signes par lequel se trouve avéré mon enfermement dans une certaine « fréquence » d’interaction, c’est à quel point j’ai pu m’entendre spontanément avec Mohammed Ali, l’« informateur silencieux » à qui j’ai dédié mon DEA sans trop savoir pourquoi. Ce que je comprends maintenant, c’est que lui aussi est sans doute confronté à une problématique similaire : Mohammed Ali a totalement rompu avec son milieu d’origine il y a trois ans, suite à une affaire de corruption au poste que son père lui avait confié dans un gouvernorat du Nord du pays. Or selon lui il n’était au courant de rien : ses collègues l’ont « trompé »… Si Mohammed Ali n’a pas fait valoir son innocence et a préféré fuir, c’est manifestement que dans cette affaire il s’est retrouvé en position de //makhnouth//. C’est aussi comme ça que mes amis commerçants le perçoivent, bien que toujours implicitement. Même pour moi, à partir du moment où je m’autorise à faire ce genre d’observations, cela fait partie des choses que je « sens ». Ainsi, bien qu’il ait changé radicalement de milieu, bien qu’ici peu de gens sont au courant de cette affaire, Mohammed Ali reste sur le rond-point depuis trois ans, incapable de progresser dans la profession, incapable d’améliorer sa situation. Il est un homme détruit dans son être. Nous jouissons lui et moi d’une complicité profonde, et pourtant je sais que même pour moi il m’est difficile de lui faire confiance : récemment je le laissai seul un matin dormir dans mon appartement, en décidant de lui faire délibérément confiance. Mohammed Ali s’est montré digne de cette confiance, pourtant toute la matinée je n’ai pas réussi à avoir l’esprit tranquille : je réalisais soudain que je ne connaissais pas Mohammed Ali, que je n’avais aucune raison de le penser honnête, etc. Car jamais Mohammed Ali ne s’est affirmé digne de confiance, jamais même il ne demande qu’on lui fasse confiance ; sans doute profondément il n’a pas confiance en lui-même. D’ailleurs Mohammed Ali ne prie pas : « Là, avec mes habits d’ouvrier, je ne peux pas : pour aller à la mosquée, il faut être propre… » Effectivement en ce sens, la sanction de //makhnouth// équivaut à un statut d’inexistence sociale. Mais cela commence par une inexistence à ses propres yeux, parce qu’il n’assume pas sa propre personne dans les transactions sociales. Le besoin de « se chercher » ailleurs, comme Mohammed Ali sur le rond-point, est symptomatique d’une forme de //déchéance//, d’un rapport d’étrangeté à sa propre culture et, partant, à sa propre nature. Le //makhnouth// est étranger à lui-même : c’est cet état psychique qui est figuré par le statut de « sodomisé ».\\ Ce même jour où je me risquai à faire confiance à Mohammed Ali, je m’aperçus qu’à Taez, jamais je ne prenais un enfant dans mes bras ! Ce signe m’apparut immédiatement comme le plus révélateur de cet état d’illégitimité chronique.+> Un des signes par lequel se trouve avéré mon enfermement dans une certaine « fréquence » d’interaction, c’est à quel point j’ai pu m’entendre spontanément avec Mohammed Ali, l’« informateur silencieux » à qui j’ai dédié mon DEA sans trop savoir pourquoi. Ce que je comprends maintenant, c’est que lui aussi est sans doute confronté à une problématique similaire : Mohammed Ali a totalement rompu avec son milieu d’origine il y a trois ans, suite à une affaire de corruption au poste que son père lui avait confié dans un gouvernorat du Nord du pays. Or selon lui il n’était au courant de rien : ses collègues l’ont « trompé »… Si Mohammed Ali n’a pas fait valoir son innocence et a préféré fuir, c’est manifestement que dans cette affaire il s’est retrouvé en position de //makhnouth//. C’est aussi comme ça que mes amis commerçants le perçoivent, bien que toujours implicitement. Même pour moi, à partir du moment où je m’autorise à faire ce genre d’observations, cela fait partie des choses que je « sens ». Ainsi, bien qu’il ait changé radicalement de milieu, bien qu’ici peu de gens sont au courant de cette affaire, Mohammed Ali reste sur le rond-point depuis trois ans, incapable de progresser dans la profession, incapable d’améliorer sa situation. Il est un homme détruit dans son être. Nous jouissons lui et moi d’une complicité profonde, et pourtant je sais que même pour moi il m’est difficile de lui faire confiance : récemment je le laissai seul un matin dormir dans mon appartement, en décidant de lui faire délibérément confiance. Mohammed Ali s’est montré digne de cette confiance, pourtant toute la matinée je n’ai pas réussi à avoir l’esprit tranquille : je réalisais soudain que je ne connaissais pas Mohammed Ali, que je n’avais aucune raison de le penser honnête, etc. Car jamais Mohammed Ali ne s’est affirmé digne de confiance, jamais même il ne demande qu’on lui fasse confiance ; sans doute profondément il n’a pas confiance en lui-même. D’ailleurs Mohammed Ali ne prie pas : « Là, avec mes habits d’ouvrier, je ne peux pas : pour aller à la mosquée, il faut être propre… » Effectivement en ce sens, la sanction de //makhnouth// équivaut à un statut d’inexistence sociale. Mais cela commence par une inexistence à ses propres yeux, parce qu’il n’assume pas sa propre personne dans les transactions sociales. Le besoin de « se chercher » ailleurs, comme Mohammed Ali sur le rond-point, est symptomatique d’une forme de //déchéance//, d’un rapport d’étrangeté à sa propre culture et, partant, à sa propre nature. Le //makhnouth// est étranger à lui-même : c’est cet état psychique qui est figuré par le statut de « sodomisé ».\\ Ce même jour où je me risquai à faire confiance à Mohammed Ali, je m’aperçus qu’à Taez, jamais je ne prenais un enfant dans mes bras ! Ce signe m’apparut immédiatement comme le plus révélateur de cet état d’illégitimité chronique. (…)
 > <WRAP rightalign>Compte-rendu 2006, [[fr:comprendre:textes:academia:cr2006:trame#c3-2|section C3-2 :]] Par delà langue et culture : la dimension cognitive d’un décalage, p.51-52.</WRAP> > <WRAP rightalign>Compte-rendu 2006, [[fr:comprendre:textes:academia:cr2006:trame#c3-2|section C3-2 :]] Par delà langue et culture : la dimension cognitive d’un décalage, p.51-52.</WRAP>
  
  
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fr/comprendre/personnes/mohammed_ali.1694193415.txt.gz · Dernière modification : 2023/09/08 19:16 de mansour

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