Le Coran comme dernier recours

26 septembre 2024

Il est ici question de méthodologie dans la mémorisation du Coran. Sachant qu’à l’origine le mot qur’ân signifie déjà « quelque chose qui se récite ». On ne parle pas d’un livre au sens ordinaire, conçu pour rester posé sur une bibliothèque, traité par des algorithmes, ou lu dans un rapport purement intellectuel. Le mot comporte déjà en lui-même cette idée d’incorporation, de récitation d’un texte vivant. On utilise aussi le mot hafz, terme technique désignant la mémorisation du Coran, mais qui signifie plutôt le fait de « retenir », le hafîz étant le « rétenteur » du Coran. L’expression mémorisation coranique est donc un pléonasme , et je préfère utiliser simplement l’adjectif coranique* (voir glossaire), avec cette idée de rétention, en écho avec la méthodologie ethnographique* traitée dans le dossier voisin.

Coranique / Ethnographique. L’objectif minimal que je me donne est d’établir un rapport entre ces deux adjectifs, à partir de ma propre expérience présente dans cet apprentissage, et aussi d’un regard rétrospectif sur ma trajectoire passée (évoquée dans le reste du wiki).
Donc c’est deux choses :
(1) une ethnographie de la mémorisation coranique, soit une sorte de blog d’apprenant (mais qui utilise des mots très jargonneux, comme font les anthropologues dans leurs carnets de terrain…) ;
(2) une implémentation dans le domaine coranique, de certaines compétences d’anthropologue acquises sur d’autres terrains (mes études scientifiques, puis le terrain yéménite, puis celui de l’islam de France).

Ce n’est pas juste l’ethnographie d’un apprentissage, parce qu’il s’agit de « purger » - si on me pardonne cette expression - tout ce que j’ai à dire par ailleurs, que je n’ai pas réussi à poser jusque là, du moins dans un cadre qui permette sa réception. À présent le seul critère, c’est que j’avance dans la mémorisation, dans ma maîtrise du texte : je me contre-fiche de ce que pensent les uns et les autres, tant qu’ils ne viennent pas me le dire en face. C’est donc une situation très particulière, qu’on ne peut pas traiter comme une démarche ethnographique ordinaire : je parle du Coran en tant que dernier recours.

Et à vrai dire c’est une très bonne porte d’entrée, d’aborder le Coran comme un dernier recours, ce devrait être assez naturel. De fait, le Coran s’adresse à un circumstantial activist* : un homme du VIIe siècle, né dans un espace monothéiste clivé entre deux options (judaïsme rabbinique et christianisme), auquel Dieu va inspirer une voie médiane - ce qui pour lui n’a pas été simple, à aucun moment. Transposé dans le monde actuel, on peut s’imaginer quelqu’un qui s’efforcerait de comprendre à la fois les gilets jaunes et les milieux macronistes, la vision du monde de Trump, dite « populiste », et la sophistication conceptuelle dite « woke », des élites universitaires globalisées, mais sans jamais recourir aux simplications méprisantes, ni aux théories du complot. Cette existence n’est pas de tout repos mais elle est aussi gratifiante, stimulante intellectuellement, extrêmement saine pour la mémoire… en fait elle est un préalable à la récitation comme acte d’adoration.

À travers cette section du wiki, je tente de placer mon effort de mémorisation dans la continuité de mon travail d’anthropologue indépendant - soit libérer cet effort de ce que j’appelle la configuration postcoloniale (voir accueil section méthodo), une manière bien particulière d’articuler islam et sciences sociales, propre à notre époque, avec laquelle il nous faut rompre aujourd’hui.
L’apprenant y trouvera peut-être quelques « tuyaux », mais il s’agit surtout de faire réfléchir, y compris des personnes ayant déjà mémorisé le Coran, ou qui y ont renoncé depuis longtemps.

Méthodologie coranique  /  Accueil section “Méthodo”
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