Outils pour utilisateurs

Outils du site


fr:valoriser:scenographie:iliade-odyssee

Différences

Ci-dessous, les différences entre deux révisions de la page.

Lien vers cette vue comparative

Les deux révisions précédentesRévision précédente
Prochaine révision
Révision précédente
fr:valoriser:scenographie:iliade-odyssee [2022/05/05 13:26] mansourfr:valoriser:scenographie:iliade-odyssee [2023/12/11 13:01] (Version actuelle) – ↷ Liens modifiés en raison d'un déplacement. mansour
Ligne 1: Ligne 1:
 <WRAP justify> <WRAP justify>
  
-====== Yémen : Iliade et Odyssée d'un captif amoureux ======+====== Iliade Odyssée ======
  
 <WRAP rightalign>Sète, le 4 mai 2022</WRAP> <WRAP rightalign>Sète, le 4 mai 2022</WRAP>
Ligne 19: Ligne 19:
  
 ---- ----
- 
- 
  
 À l'origine, j'étais là pour vous parler de mon enquête au Yémen, de mon interaction avec la société yéménite. Notamment de la manière dont j'ai géré ces deux contraintes : d'une part l'injonction à la conversion, d'autre part l'injonction à apporter la preuve de sa masculinité. À l'origine, j'étais là pour vous parler de mon enquête au Yémen, de mon interaction avec la société yéménite. Notamment de la manière dont j'ai géré ces deux contraintes : d'une part l'injonction à la conversion, d'autre part l'injonction à apporter la preuve de sa masculinité.
Ligne 26: Ligne 24:
 Dans le Yémen des années 2000, c'étaient là deux contraintes incontournables du travail de terrain. En me présentant comme non-croyant (comme c'était le cas à l'époque), je déclenchais un certain nombre de fantasmes et faisais déboucher l'interaction sur un gouffre : le soupçon que je pourrais égorger père et mère, du simple fait de ne pas connaître Dieu. Ou plus vraisemblablement peut-être (parce que les Yéménites regardaient les télévisions satellitaires…), une absence totale de morale sexuelle. L'hôte occidental masculin devait être pris au sérieux, tant qu'aucune objection n'était levée à sa qualité d'homme. L'ordre post-colonial était ainsi conçu, //avec un fusible//. Dans le Yémen des années 2000, c'étaient là deux contraintes incontournables du travail de terrain. En me présentant comme non-croyant (comme c'était le cas à l'époque), je déclenchais un certain nombre de fantasmes et faisais déboucher l'interaction sur un gouffre : le soupçon que je pourrais égorger père et mère, du simple fait de ne pas connaître Dieu. Ou plus vraisemblablement peut-être (parce que les Yéménites regardaient les télévisions satellitaires…), une absence totale de morale sexuelle. L'hôte occidental masculin devait être pris au sérieux, tant qu'aucune objection n'était levée à sa qualité d'homme. L'ordre post-colonial était ainsi conçu, //avec un fusible//.
  
-Les auteurs sur le Yémen, en général, ne manquent pas d'évoquer ces deux contraintes, qui relèvent presque du lieu commun, quelque part dans l'introduction de leur ouvrage. Mais ils ne sont pas très bavards quant à la manière dont ils les ont surmontés((C'est le cas //a fortiori// dans l'ouvrage de Steven Caton //[[https://us.macmillan.com/books/9780809098828/yemenchronicle|Yemen chronicles]]// (paru en 2006), qui se donnait à l'époque comme un "ethno-mémoire", l'ouvrage poussant le plus loin la réflexivité dans ce domaine. Mais peut-être une réflexivité aboutie n'était simplement pas possible à cette époque, avant le tournant de 2011 et l'effondrement dans la guerre… Le mérite de l'ouvrage est de ne pas taire cette impression, ce constat d'incomplétude.)). On reste en général dans l'anecdote, pour retomber très vite dans la posture du narrateur omniscient, l'écriture au présent anthropologique (les Yéménites font ceci et cela, parce que c'est leur //culture//…).+Les auteurs sur le Yémen, en général, ne manquent pas d'évoquer ces deux contraintes, qui relèvent presque du lieu commun, quelque part dans l'introduction de leur ouvrage. Mais ils ne sont pas très bavards quant à la manière dont ils les ont surmontés((C'est le cas //a fortiori// dans l'ouvrage de [[fr:explorer:auteurs:steven_caton|Steve Caton]] //[[https://us.macmillan.com/books/9780809098828/yemenchronicle|Yemen chronicles]]// (paru en 2006), qui se donnait à l'époque comme un "ethno-mémoire", l'ouvrage poussant le plus loin la réflexivité dans ce domaine. Mais peut-être une réflexivité aboutie n'était simplement pas possible à cette époque, avant le tournant de 2011 et l'effondrement dans la guerre… Le mérite de l'ouvrage est de ne pas taire cette impression, ce constat d'incomplétude.)). On reste en général dans l'anecdote, pour retomber très vite dans la posture du narrateur omniscient, l'écriture au présent anthropologique (les Yéménites font ceci et cela, parce que c'est leur //culture//…).
  
 Dans mon travail, c'est exactement l'inverse. Je ne fais aucun mystère de ma conversion à l'islam, à un certain stade de ma recherche ([[fr:comprendre:moments:accueil#septembre 2007]], soit plutôt vers la fin), et de la manière dont cet épilogue clôt toute possibilité d'observation - on ne peut pas à la fois se prosterner front contre terre et tenir son carnet de terrain. Je ne fais pas mystère non plus d'une interaction sexuelle, survenue également à un moment bien précis ([[fr:comprendre:moments:accueil#octobre 2003]], soit m'arracher à mon premier terrain pour un premier passage à l'écriture), ni des implications pour ma démarche ultérieure ([[fr:comprendre:moments:accueil#juin 2004]], au moment où se pose la question du retour sur place). Ces trois dates me permettent d'être absolument transparent - aussi parce que j'assume les relations sous-jacentes, avec mes interlocuteurs comme avec Dieu - d'aller jusqu'au bout dans l'analyse des contraintes de l'observation - ce que je gagne en liberté dans l'analyse. Dans mon travail, c'est exactement l'inverse. Je ne fais aucun mystère de ma conversion à l'islam, à un certain stade de ma recherche ([[fr:comprendre:moments:accueil#septembre 2007]], soit plutôt vers la fin), et de la manière dont cet épilogue clôt toute possibilité d'observation - on ne peut pas à la fois se prosterner front contre terre et tenir son carnet de terrain. Je ne fais pas mystère non plus d'une interaction sexuelle, survenue également à un moment bien précis ([[fr:comprendre:moments:accueil#octobre 2003]], soit m'arracher à mon premier terrain pour un premier passage à l'écriture), ni des implications pour ma démarche ultérieure ([[fr:comprendre:moments:accueil#juin 2004]], au moment où se pose la question du retour sur place). Ces trois dates me permettent d'être absolument transparent - aussi parce que j'assume les relations sous-jacentes, avec mes interlocuteurs comme avec Dieu - d'aller jusqu'au bout dans l'analyse des contraintes de l'observation - ce que je gagne en liberté dans l'analyse.
Ligne 32: Ligne 30:
 Cela me vaut souvent de m'entendre dire : //« Dans ta recherche, tu ne parles que de toi… »//. Il est vrai que je n'installe pas mon lecteur dans un fauteuil de spectateur, je ne lui vends pas une expérience immersive "technologie IMAX"… Je lui parle plutôt de la relation que nous entretenons, du simple fait qu'il me lit, et de celle que j'entretiens parallèlement avec mes interlocuteurs, aujourd'hui plongés dans la guerre. Cela me vaut souvent de m'entendre dire : //« Dans ta recherche, tu ne parles que de toi… »//. Il est vrai que je n'installe pas mon lecteur dans un fauteuil de spectateur, je ne lui vends pas une expérience immersive "technologie IMAX"… Je lui parle plutôt de la relation que nous entretenons, du simple fait qu'il me lit, et de celle que j'entretiens parallèlement avec mes interlocuteurs, aujourd'hui plongés dans la guerre.
  
 +
 +{{anchor:geode}}
 Dans mon enfance, je me souviens être allé à la Géode, où l'on éclairait un instant les coulisses avant la projection. Apparaissait alors la gigantesque sphère de béton, parcourue de poutrelles d'acier, derrière la toile partiellement translucide de l'écran. C'est le moment que je préférais : plus encore que le film lui-même, m'apercevoir qu'il n'était qu'illusion, ce qui déclenchait chez moi un profond sentiment de liberté. Mais je conçois aussi très bien ce que cette expérience peut avoir de violent, ou de socialement inconvenant. C'est un déni contre lequel je ne peux pas lutter. Dans mon enfance, je me souviens être allé à la Géode, où l'on éclairait un instant les coulisses avant la projection. Apparaissait alors la gigantesque sphère de béton, parcourue de poutrelles d'acier, derrière la toile partiellement translucide de l'écran. C'est le moment que je préférais : plus encore que le film lui-même, m'apercevoir qu'il n'était qu'illusion, ce qui déclenchait chez moi un profond sentiment de liberté. Mais je conçois aussi très bien ce que cette expérience peut avoir de violent, ou de socialement inconvenant. C'est un déni contre lequel je ne peux pas lutter.
  
fr/valoriser/scenographie/iliade-odyssee.1651750018.txt.gz · Dernière modification : 2022/05/05 13:26 de mansour

Donate Powered by PHP Valid HTML5 Valid CSS Driven by DokuWiki