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fr:explorer:propositions:nous_sommes_l_infrastructure [2022/06/27 09:29] – [Derniers bastions postcoloniaux] mansour | fr:explorer:propositions:nous_sommes_l_infrastructure [2022/06/27 11:36] – [Derniers bastions postcoloniaux] mansour |
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À l’heure de retourner là-bas, la seule dignité qui me reste est celle d’avoir un passeport, d’être propriétaire de mon appartement, d’appartenir à un pays riche, à une famille à l’aise financièrement. Une dignité héritée surtout de ma famille maternelle, qui n’était pas marxiste pour un sou : un arrière-grand-père intendant militaire dans l’armée coloniale (vers l’époque de la Guerre du Rif…), et son fils devenu physicien donc plus à gauche, mais qui avait gardé le réflexe du placement immobilier. Côté paternel on était plus républicains, et on ne voulait pas s’en faire : bien qu’il était haut fonctionnaire dans l’enseignement de la musique, mon grand-père paternel est resté locataire toute sa vie. Des rêves de ses enfants aux engagements marxistes et décoloniaux, il ne reste finalement plus rien. | À l’heure de retourner là-bas, la seule dignité qui me reste est celle d’avoir un passeport, d’être propriétaire de mon appartement, d’appartenir à un pays riche, à une famille à l’aise financièrement. Une dignité héritée surtout de ma famille maternelle, qui n’était pas marxiste pour un sou : un arrière-grand-père intendant militaire dans l’armée coloniale (vers l’époque de la Guerre du Rif…), et son fils devenu physicien donc plus à gauche, mais qui avait gardé le réflexe du placement immobilier. Côté paternel, on était plus républicains et on ne voulait pas s’en faire : mon grand-père paternel est resté locataire toute sa vie, bien qu’il était haut fonctionnaire dans l’enseignement de la musique. Des rêves de ses enfants aux engagements marxistes et décoloniaux, il ne reste finalement plus rien. |
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Abandonnons donc les postures de sans-culotte, adoptées à la génération précédente par les enfants gâtés de l’après-guerre. La seule dignité qu’il nous reste, à moi comme à une bonne part de ma génération je pense, c’est de l’admettre : l’infrastructure économique, c’est nous. Regardez nous interpréter des airs d’opéra, incarner coûte que coûte notre « patrimoine immatériel », comme faisaient les Yéménites du temps d’Ali Saleh. Nous sommes l’infrastructure économique, mais nous savons encore vous le faire oublier, pour respecter vos coquetteries marxistes, et que vous puissiez danser à la fin de la séance. Si vous ne dansiez plus, nous cesserions de vivre aussi. Le paradoxe post-colonial réduit dans un dernier huis-clos. | Abandonnons donc les postures de sans-culotte, adoptées à la génération précédente par les enfants gâtés de l’après-guerre. La seule dignité qu’il nous reste, à moi comme à une bonne part de ma génération je pense, c’est de l’admettre : l’infrastructure économique, c’est nous. Regardez nous interpréter des airs d’opéra, incarner coûte que coûte notre « patrimoine immatériel », comme faisaient les Yéménites du temps d’Ali Saleh. Nous sommes l’infrastructure économique, mais nous savons encore vous le faire oublier, pour respecter vos coquetteries marxistes, et que vous puissiez danser à la fin de la séance. Si vous ne dansiez plus, nous cesserions de vivre aussi. Le paradoxe post-colonial réduit dans un dernier huis-clos. |